Invoquant la guerre en Ukraine et la sécurité alimentaire, les Vingt-Sept ont demandé une nouvelle étude d’impact sur les projets de réduction des pesticides.
Les Vingt-Sept ont entériné lundi leur demande d’une nouvelle étude d’impact sur la réglementation visant à sabrer l’usage des pesticides dans l’UE, retardant les discussions sur ce texte, au grand dam d’ONG déjà indignées par la prolongation pour un an de l’autorisation du glyphosate.
La Commission européenne avait détaillé, fin juin, sa feuille de route pour réduire de moitié d’ici 2030, par rapport à la période 2015-2017, l’utilisation et les risques à l’échelle de l’UE des pesticides chimiques ou dangereux, en les bannissant quasi complètement des aires naturelles protégées. Ce projet de texte avait suscité une farouche résistance d’une partie des États membres, inquiets du sort des cultivateurs laissés «sans alternative» et d’une possible chute des rendements agricoles, alors que la guerre engagée en Ukraine par la Russie bouleverse les marchés mondiaux des céréales et des engrais.
Après une discussion la semaine dernière des ministres de l’Agriculture, les États «demandent à la Commission de fournir une étude complémentaire» sur le texte d’ici six mois, a indiqué lundi soir la présidence tchèque de l’UE. L’étude d’impact précédemment réalisée «est basée sur des données collectées avant le déclenchement de la guerre en Ukraine» et pourrait «ne pas tenir compte de l’impact à long terme sur la sécurité alimentaire» de l’UE, précise le communiqué.
« Pas d’analyses quantitatives adéquates »
Cette étude «ne fournit pas d’analyses quantitatives adéquates concernant l’impact potentiel sur le secteur agricole et l’augmentation potentielle de la dépendance alimentaire européenne», ajoute-t-il. En attendant, «seuls les travaux au niveau technique sur les points non concernés se poursuivront», note le communiqué, rappelant que les Vingt-Sept attendent aussi «des flexibilités» dans les objectifs nationaux assignés à chaque État.
Les ONG environnementales redoutent que le délai entraîné par l’attente d’une nouvelle étude empêche la réglementation, qui devra in fine faire l’objet de négociations entre États et eurodéputés, d’être adoptée avant les élections européennes de 2024.
«Stratégie pour tuer ce plan antipesticides»
Avec cette décision, qui «n’a été validée la plupart du temps que par les seuls ministres de l’Agriculture sans réelle concertation avec les autres ministères concernés (Environnement, Santé…)», le «processus de négociation politique va donc être quasi à l’arrêt pendant six mois», a déploré hier l’association Générations futures dans un communiqué, estimant que le projet de règlement sur les pesticides «est maintenant menacé dans son existence même suite aux manœuvres de l’agro-industrie».
«C’est une stratégie pour tuer ce plan antipesticides, en utilisant la crise alimentaire liée à l’Ukraine comme justification, mais cette opposition s’inscrit dans la protection des grands intérêts agricoles», estimait, début décembre, Helmut Burtscher-Schaden, expert de l’ONG autrichienne Global 2000 et co-initiateur de l’initiative «Save Bees and Farmers».
Le glyphosate prolongé pour un an
De son côté, la Copa-Cogeca, fédération qui représente les intérêts des agriculteurs au niveau européen, s’est «félicitée» de cette décision. «À la lumière des circonstances actuelles, il est crucial que les rendements agricoles restent stables pour produire suffisamment de produits de haute qualité et abordables», a-t-elle déclaré dans un communiqué.
Par ailleurs, faute de consensus entre les États membres sur le sujet, la Commission a formellement adopté début décembre sa décision de prolonger pour un an l’autorisation du glyphosate dans l’UE, dans l’attente d’une évaluation scientifique cruciale sur cet herbicide controversé. L’autorisation actuelle, renouvelée en 2017, expirait le 15 décembre. Or l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) avait annoncé en mai le report à juillet 2023 d’une étude très attendue sur «les risques de l’exposition au glyphosate pour les animaux, les humains et l’environnement». Cette évaluation est jugée indispensable pour décider la prolongation ou non, pour cinq ans, de l’autorisation délivrée à l’herbicide.