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Braquages de stations-services : victime de l’amour ?


Anjaly passe pour une jeune femme naïve au moment des faits qui veut «laisser une bonne trace sur cette terre». (photo archives LQ/Fabrizio Pizzolante)

Anjaly a créé la surprise vendredi en demandant la parole pour démontrer son innocence et redorer son image en prenant garde de ne pas nuire à ses coprévenus.

L’audience de vendredi matin au procès des auteurs présumés d’une série de braquages de stations-services devait être très courte et essentiellement consacrée à l’audition d’un dernier témoin. C’était compter sans la requête d’Anjaly. La jeune femme de 24 ans a souhaité pouvoir «défendre (s)on image et (s)a réputation» et clamer son innocence.

Anjaly est suspectée d’avoir servi de chauffeur aux trois auteurs présumés dans le cadre de trois braquages au moins. Elle leur aurait également fourni des gants en caoutchouc et aurait fermé les yeux après avoir découvert dans sa voiture le pistolet factice utilisé lors des sept braquages. Depuis mardi, elle dit avoir «agi par amour» et ne pas s’être rendu compte de ce qui se jouait quand les trois jeunes hommes revenaient en courant masqués et gantés dans sa voiture – où elle les attendait moteur allumé – après avoir commis leurs forfaits. Elle laissait le moteur tourner parce qu’il faisait froid, avait-elle expliqué. Pas pour démarrer en trombe.

«Je suis innocente»

Les six stations-services et une supérette de Rumelange ont été braquées entre le 30 novembre 2020 et le 13 février 2021 par ce qui semble être une bande organisée composée d’au moins quatre jeunes. Trois garçons d’origine capverdienne, incarcérés, et une fille. Un grand menaçait les caissières avec un pistolet factice, un plus petit vidait les caisses et un troisième faisait le guet dans la plupart des faits.

«Je n’ai pas de mobile. J’ai toujours travaillé à côté de mes études. Je n’avais pas besoin d’argent. Je n’avais pas besoin d’en voler», commence la jeune femme. «J’ai toujours travaillé dur pour avoir un avenir stable et gagner de l’argent honnêtement.» Elle explique ensuite ne pas avoir le profil pour commettre ce genre de crimes. Études secondaires réussies avec mention, études supérieures en cours, engagements humanitaires, nombreux soutiens, Anjaly met tous les arguments dont elle dispose en avant pour démontrer qu’elle n’a pas pu commettre les faits qui lui sont reprochés «de manière volontaire et consciente». «Je suis innocente», clame-t-elle à la barre de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg. «J’insiste, j’ai ignoré les crimes commis.»

«Je me sens utilisée»

La faute à l’amour qui est aveugle. Ou du moins à une relation «pas stable» avec Mark, un de ses coprévenus qui a reconnu avoir participé à cinq des sept faits. La jeune femme raconte comment, face aux longs silences à répétition du jeune homme, elle se réjouissait du moindre moment passé en sa compagnie et comment elle n’aurait jamais remis leur relation bancale en question. Mark apparaît comme celui qui a profité de la situation. Il aurait repris contact pour passer du temps avec elle et «quand nous nous retrouvions, il me disait qu’il devait vite faire quelque chose et me demandait de le conduire».

La jeune femme se demande aujourd’hui «pourquoi m’a-t-on mêlé à cette situation ?» avant de sangloter «je suis blessée. Je me sens utilisée.». En essuyant ses larmes du revers de la main, elle demande la clémence et l’indulgence du tribunal. Le président, qui a patiemment écouté ce long monologue, regrette un manque d’informations sur le trio d’auteurs dans les dépositions successives d’Anjaly. «Réfléchissez si nous donner des précisions ne serait pas dans votre intérêt», l’encourage-t-il. «Même si le tribunal a déjà sa petite idée.»

La jeune femme s’est battue comme un animal pris dans un piège. Elle reconnaît timidement que Cassi, qui jure n’avoir participé à aucun des faits, était dans sa voiture le soir du braquage de la station-service de Rumelange. Quant à Éric, elle ne l’aurait jamais conduit et elle n’aurait jamais eu de contact avec lui. Pas plus qu’avec les autres connaissances de Mark.

Depuis le début de ce procès, les prévenus entretiennent une sorte de flou artistique en ce qui concerne les auteurs des faits et leurs implications. Ils auront une dernière occasion de s’exprimer sur les faits la semaine prochaine en toute fin de procès. Le réquisitoire du parquet aura lieu mardi après midi. Les avocats des prévenus prendront la suite avec leurs plaidoiries mardi et mercredi.