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Luxembourg : des bons alimentaires pour les sans-papiers


Plus qu'une prolongation de l'accès aux épiceries sociales et à l'aide alimentaire, l'ASTI souhaiterait une régularisation exceptionnelle des sans-papiers. (illustration Julien Garroy)

L’ASTI a distribué depuis le début de la crise près de 60 000 euros de bons alimentaires aux sans-papiers leur permettant d’accéder aux épiceries sociales.

Si Irène Jamsek, la coordinatrice des épiceries sociales de Caritas, confirme que les Caritas Buttek ont vu le nombre de leurs bénéficiaires augmenter en 2020 par rapport à 2019, elle ne s’aventure pas pour autant à dire que les pauvres sont forcément plus nombreux du fait des conséquences de la crise sanitaire.

Trois raisons expliqueraient en fait cette augmentation d’après la responsable Caritas. Tout d’abord, plusieurs nouveaux bénéficiaires ont été orientés vers les épiceries sociales via la Corona Helpline, mise en place d’avril à août, « des personnes qui n’avaient peut-être pas entendu parler de cette aide avant la pandémie », souligne Irène Jamsek. La fermeture des épiceries de la Croix-Rouge a également contribué à la redirection vers celles de la Caritas d’un grand nombre de bénéficiaires. Enfin, avant le Covid, « seules les personnes résidentes et ayant un matricule luxembourgeois avaient accès aux épiceries sociales », rappelle la coordinatrice, mais, à la demande de l’Association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI), l’accès a aussi été autorisé aux travailleurs vivant dans le pays sans autorisation de séjour.

Cette initiative a été lancée dès le mois d’avril par l’ASTI, face à la fermeture notamment des restaurants et cafés où travaillent souvent au noir des personnes en situation irrégulière, comme le rappelle Sergio Ferreira, le porte-parole de l’ASTI : « Ces personnes n’ont pas droit au chômage et n’avaient donc plus aucune source de revenu. Comme nous n’avons pas eu gain de cause auprès des autorités luxembourgeoises pour les aider, nous avons contacté Caritas et la Croix-Rouge pour leur permettre d’accéder aux épiceries sociales par le biais de bons alimentaires remis par l’ASTI. Nous avons donc lancé un appel aux dons destiné à financer ces bons, qui étaient indispensables, puisque ces personnes, n’ayant plus de revenus, ne pouvaient pas effectuer des achats même dans une épicerie sociale. »

Un appel qui sera entendu : grâce aux dons et au soutien financier de l’Œuvre Grande-Duchesse Charlotte, l’ASTI a pu distribuer l’équivalent de 36 000 euros entre le 10 avril et le 17 juillet. L’opération, réitérée du 6 octobre au 15 décembre, a permis de distribuer à nouveau pour 21 300 euros de bons alimentaires à 90 personnes, représentant 35 ménages et 35 enfants.

Régularisation exceptionnelle

Sergio Ferreira attire toutefois l’attention sur le fait que le besoin est toujours présent. « Il y a toujours des gens qui s’adressent à nous. Nous allons faire notre possible pour les aider. Nous avons lancé des appels aux dons auprès des entreprises, mais sans grand succès jusqu’à présent. Le fait que ce sont des sans-papiers fait peur. Mais derrière ce terme, il y a des gens, des familles, des drames. »

Mais dans le fond, plus qu’une prolongation de l’accès aux épiceries sociales et à l’aide alimentaire, l’ASTI souhaiterait une régularisation exceptionnelle de ces sans-papiers. « Ils pourraient être régularisés sans que cela représente une charge déraisonnable. Au contraire, ils pourraient devenir des contribuables. D’ailleurs, beaucoup d’entre eux cotisent déjà pour l’assurance maladie volontaire. »

Quant au fait que ces aides et une régularisation puissent créer un «appel d’air», comme l’affirment les opposants, Sergio Ferreira balaie d’un revers de la main cet argument : « L’appel d’air est un mythe. Les précédentes régularisations n’ont pas créé une ruée. Il faut que l’Europe développe des voies légales d’immigration pour éviter les passeurs et la précarité. Mais surtout, nos législations, notre ouverture ou notre fermeture face à l’immigration, ont un impact extrêmement ténu sur les flux migratoires. Car ce qui est déterminant, ce ne sont pas les conditions d’accueil, mais la situation dans le pays d’origine. »

Tatiana Salvan