Le blocage majeur qui affectait jusqu’en décembre dernier le dialogue social semblait oublié. Le camp patronal, représenté par l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL), avait décidé à l’automne 2019 de claquer la porte du Comité permanent du travail et de l’emploi (CPTE), un des instruments majeurs des négociations tripartites. Heureusement, le dialogue a pu être renoué. La crise sanitaire est en effet venue démontrer que seule la solidarité, qui caractérise le modèle luxembourgeois, permet d’éviter le pire. Malgré un premier accord tripartite sur l’adaptation du montant de base du chômage partiel au salaire social minimum, le gouvernement fait montre d’une certaine réticence. Après la tripartite nationale de juillet, la suite des pourparlers au plus haut niveau se fait toujours attendre.
Au moins, les tripartites sectorielles (aviation, sidérurgie) ont fait leurs preuves. Les travaux au sein du CPTE ont également bien avancé, avec à la clé un accord sur le télétravail. La récente décision du gouvernement d’augmenter le salaire social minimum de 2,8 % jette aujourd’hui un coup de froid sur les pourparlers. Selon Nora Back, la présidente de l’OGBL, l’UEL refuse toute discussion sur le volet «sécurisation de l’emploi». Le blocage est-il une revanche contre la hausse du SSM? En tout état de cause, le veto patronal arrive au plus mauvais moment. Non seulement une vague de pertes d’emplois se profile à l’horizon, mais l’argumentation de l’UEL risque également de miner le terrain d’entente retrouvé en décembre.
L’UEL qualifie la hausse du SSM de «dérapage». La productivité des salariés touchant le SSM est remise en question. Ce sont toutefois eux qui occupent la plupart des métiers essentiels qui ont maintenu le pays en vie lors du confinement. L’hypocrisie s’accentue lorsque l’UEL dit avoir «parfaitement conscience (…) qu’il est difficile pour un ménage gagnant le SSM (…) de joindre les deux bouts». Tous les autres salariés ont profité de cette hausse lors des années 2018 et 2019. Pourquoi donc dénigrer les plus vulnérables? Attendre la résolution de la crise du logement pour soulager les plus petits salaires, comme le revendique l’UEL, équivaut ni plus ni moins à une attaque frontale contre la cohésion sociale.
David Marques