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Loyer et droit de propriété, ça coince


La réforme du bail à loyer, en préparation au ministère du Logement, n'a pas convaincu tout le monde. (illustration Editpress)

Déi Lénk juge les propositions globalement décevantes concernant la réforme du bail à loyer. Le parti avait introduit une proposition de loi qui se heurte cependant au droit de propriété.

Les critiques contre la réforme du bail à loyer, en préparation au ministère du Logement, fusent de partout. Les pistes présentées la semaine dernière par Henri Kox n’ont pas convaincu même si elles contiennent des éléments appréciables tels que le partage des frais d’agence entre le locataire et le bailleur ou la limitation de la caution à deux mois au lieu de trois. Mais ce ne sont pas ces mesures qui vont sauver les locataires dont nombre d’entre eux consacrent la moitié de leur salaire pour se loger.

Le parti Déi Lénk s’en prend à son tour aux propositions de réforme qui, selon lui, profitent encore et toujours aux investisseurs bien plus qu’aux locataires. Qualifié de «coup d’épée dans l’eau», le plan du ministre reflète les positions des libéraux peu enclins à sacrifier les intérêts du capital immobilier. La Gauche reproche donc au texte proposé de «consolider le statu quo qui contribue aux loyers exorbitants que les locataires doivent payer» et selon lequel le loyer annuel ne peut pas dépasser 5 % du capital investi.

Ainsi, un studio de 24 m² vendu 240 000 euros à Belval, comme on l’a vu récemment dans une annonce, permettra à son propriétaire de le louer 1 000 euros par mois sans les charges. Il est évident qu’à 10 000 euros le mètre carré, les loyers ne vont pas baisser avec cette règle des 5 % du capital investi.

Pourtant, Déi Lénk sait que des solutions peuvent être trouvées pour changer le système d’autant que le calcul du capital investi reste une notion floue. Le parti suggère que «la spéculation qui est répercutée dans les prix du marché ne peut en aucun cas être intégrée dans le calcul. Cela doit aussi valoir en cas d’héritage. Les subventions étatiques doivent également être exclues du calcul du capital investi».

Attention au droit d’ingérence

Le parti propose des pistes et rappelle celles que contient sa proposition de loi déposée il y a plus de deux ans. Avisée par les Chambres professionnelles et le Conseil d’État, elle devait être discutée en commission parlementaire en mars dernier mais la crise du Covid étant passée par là, la réunion a été reportée à deux reprises. Le texte propose un mécanisme qui permet d’extraire du calcul du loyer maximal «l’explosion des loyers attisée par la spéculation». L’évolution du prix de l’immobilier dépasse considérablement l’évolution du coût de la vie, et comme le note la Chambre des salariés dans son avis, les salaires nominaux ont augmenté de 3,8 % en moyenne annuelle depuis 1995 alors que les prix immobiliers ont connu une croissance annuelle moyenne de 12,5 %.

La proposition de loi de la Gauche ne touche pas au plafond de 5 % du loyer annuel mais vise un ajustement du capital investi auquel s’applique ce taux de 5 %. Ce facteur d’ajustement devra donc refléter la différence entre l’évolution des prix de l’immobilier résidentiel et l’évolution du coût de la vie, ce dernier étant mesuré par l’indice des prix à la consommation.

Les locataires ne disposent que de peu de moyens pour connaître le capital investi et donc le loyer légal. Les commissions de loyers qui devraient surchauffer ne fonctionnent pas et peu de locataires ont envie d’entamer une procédure judiciaire à leurs frais, d’autant que «les récents jugements sont plutôt décourageants», estime Déi Lénk en faisant référence à l’affaire du Limpertsberg.

Le Conseil d’État, dans son avis rendu en avril dernier, attire l’attention des auteurs de la proposition de loi sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Elle estime qu’une législation sur le contrôle des loyers s’analyse en une ingérence légale dans le droit de propriété, admise cependant si elle vise un but légitime de politique sociale.

L’État reste soumis au respect d’un juste équilibre entre intérêt général et l’intérêt particulier. «C’est en raison de la violation de cet équilibre que la Cour a été amenée à «condamner», au cours de la dernière décennie, certaines lois nationales, comme en Pologne ou en Slovaquie où les loyers régulés étaient fixés à un niveau sensiblement inférieur aux prix du marché. Or le dispositif que propose Déi Lénk entraîne une «importante ingérence» au regard de cette jurisprudence, souligne la Haute Corporation. Pour faire baisser les loyers, ce n’est pas gagné.

Geneviève Montaigu