Ce mercredi après-midi, ce sera l’heure du réquisitoire du parquet dans le procès du policier poursuivi pour avoir empoisonné sa sœur et son beau-frère dans son appartement à Bereldange en 2016. Mardi, la défense a tenté de sauver les meubles.
Le prévenu Gilles L. (30 ans) avait-il l’intention de tuer sa sœur et son beau-frère lorsqu’il a versé quelques gouttes d’un flacon, qu’il avait commandé sur le darknet, dans leur apéro, le 25 septembre 2016 chez lui à Bereldange? C’est la question qui occupe depuis désormais trois semaines la 13e chambre criminelle.
Pour le procès du policier entretemps suspendu et qui dort depuis fin septembre 2016 en prison, la grande salle d’audience du tribunal d’arrondissement n’aura pas désempli. Si dans les derniers rangs, le public variait en fonction des jours, les proches des victimes, eux, ont toujours répondu présent. Assis côte à côte, ils ont suivi les développements des enquêteurs, puis les déclarations de Gilles L. en fin de semaine dernière.
Mardi matin, au 8e jour du procès, c’était l’heure de leurs avocats d’exposer les demandes des parties civiles. Elles sont au nombre de sept. «La mort est une tragédie pour toute la famille. Un empoisonnement est l’acte le plus lâche», ne manquera pas de soulever Me Michael Wolfsteller intervenant pour les parents du beau-frère.
Les proches réclament 700 000 euros au total
Me Sophie Devocelle parlera d’un cheminement en trois phases rythmées par des recherches bien ciblées sur internet. Une preuve que l’acte de Gilles L. était bien planifié. Le choix de l’apéritif auquel le poison avait été mélangé n’aurait pas non plus été anodin. «Le Get 27 est extrêmement sucré et épais avec un goût de menthe très fort. Avec ses 21 % d’alcool, ce n’est pas un produit désaltérant pour des personnes qui reviennent d’une randonnée.» Avec Me Stéphane Sunnen, représentant lui le fils du beau-frère, ils réclameront un total de 700 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral.
Pour le volet civil, la défense du prévenu n’a pas longtemps tourné autour du pot. «Gilles L. est le seul responsable de ce qui s’est passé. Il devra rembourser les différentes parties civiles. Et cela indépendamment de la qualification des faits que la chambre criminelle retiendra.» Me Rosario Grasso demandera seulement aux juges de réduire les montants à de plus justes proportions. Pour le reste, sa plaidoirie s’orientera autour d’une question : «Pouvez-vous croire Gilles L. quand il dit : « Je ne voulais pas causer la mort de ma sœur et de mon beau-frère? »»
Aucune recherche sur le recel de cadavres
«Je n’avais pas l’intention de les tuer», avait répété Gilles L. à la barre. Sa seule intention aurait été de leur provoquer des nausées et vomissements en leur administrant de la toxine botulique. Une substance dont il savait qu’elle pouvait être mortelle. Plusieurs éléments corroborent ses déclarations, selon son avocat. Ainsi aurait-il directement appelé le 112 quand ses invités ont été pris d’un malaise. «Si j’appelle une ambulance, je sais ce que cela signifie. Surtout quand je suis policier», appuie Me Grasso. Certes il n’avait pas immédiatement parlé de l’apéro Get 27 aux secours. «Ne pas dire tout, est-ce que cela veut forcément dire qu’il avait l’intention de provoquer la mort? Pour moi cela reste un grand écart.»
Autre argument avancé par la défense : l’historique de ses recherches internet n’a mis au jour aucune recherche sur le recel de cadavres. «Il aurait dû s’y intéresser au cas où cela arriverait… Pourquoi ne le fait-il pas? Mais parce qu’il ne voulait pas les tuer.»
La chambre criminelle exprimera quelques doutes : «L’expert toxicologue a dit que les effets de la toxine botuliquesont plus tardifs. Ils interviennent seulement 6 à 7 heures plus tard. Ce qui aurait signifié que le couple aurait déjà quitté son appartement à Bereldange.»
Grâce à l’analyse toxicologique, on sait que les victimes sont toutefois mortes empoisonnées au cyanure de potassium, un poison foudroyant. «Mon client nie avoir commandé cette substance. Le contraire n’est pas prouvé», insiste Me Grasso. Tout ce que son client a reconnu – et ce, dès sa première comparution devant le juge d’instruction – c’est d’avoir commandé de la toxine botulique.
De nombreux témoins dans le dossier, dont les secours dépêchés sur les lieux, ont fait état d’un jeune homme froid, sans émotions, ni empathie. «Tout ce que les gens racontent, c’est la réalité. Ce sont ses traits de personnalité.» Après avoir cité quelques extraits de l’examen psychologique du prévenu, Me Grasso dira encore : «Ce n’est pas parce qu’il est un tueur de sang-froid!»
«Vous avez un aveu partiel sur ce qui s’est passé. Ce que vous n’avez pas en revanche, c’est que ce qui s’est passé, il avait l’intention de le faire», conclura Me Grasso. Impossible donc, selon lui, de retenir le meurtre avec préméditation tel que reproché par le parquet à titre principal. Le motif comme quoi Gilles L. voulait toucher la part de sa sœur lors de la vente de l’appartement – dont tous deux avaient hérité au décès de leur mère en 2014 – ne serait également que pure spéculation, a par ailleurs estimé la défense dans sa plaidoirie.
«Sans l’intention de donner la mort!»
Voilà pourquoi on ne pourrait le condamner que pour l’infraction visée à l’article 404 du code pénal, à savoir : «Si les substances administrées volontairement, mais sans intention de donner la mort, l’ont pourtant causée, le coupable sera puni de la réclusion de 15 à 20 ans.»
Pas sûr que la représentante du parquet partage cette position. Rendez-vous ce mercredi après-midi pour le réquisitoire.
Fabienne Armborst
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