Dans le monde, 137 000 mégots sont jetés dans la nature chaque seconde, une pollution qui peut mettre jusqu’à 15 ans à disparaître. Une entreprise du Finistère s’attaque au problème en recyclant ces déchets bourrés de substances chimiques toxiques.
Nichée dans une petite zone artisanale d’une commune proche de Brest, l’entreprise MéGo recycle les mégots après les avoir débarrassés de la quasi-totalité (entre 90 et 100 %) des près de 4 000 substances chimiques qu’ils renferment, dont 50 sont réellement toxiques comme la nicotine. « Nous sommes la seule entreprise en France à recycler des mégots de cigarettes », se félicite Bastien Lucas, qui a créé l’entreprise il y a deux ans. Depuis, elle a recyclé quatre tonnes de mégots, soit 9,5 millions de filtres.
Dans un premier temps, les mégots sont broyés pour séparer les résidus des cendres, tabac et papier des filtres. Ces derniers sont ensuite lavés dans plusieurs bains d’eau, en circuit fermé, puis séchés et à nouveau broyés avant un thermocompressage. Résultat: des plaques d’acétate de cellulose marron, parsemées de marbrures, avec lesquelles l’entreprise fabrique des bancs à installer dans des zones fumeurs autour de cendriers. « Si votre matériau est abimé, si quelqu’un a gravé, s’est acharné dessus, on n’a plus qu’à le broyer à nouveau, pour pouvoir à nouveau le thermocompresser et créer une nouvelle plaque », fait valoir Estelle Chabard, étudiante en ingénierie des matériaux et stagiaire chez MéGo.
De mégot à banc ou cendrier
Grâce à des partenariats, la société collecte des mégots dans toute la France, mais aussi en Belgique, auprès de quelque 150 clients, essentiellement des entreprises, mais également des villes dont Paris, Castres, Nantes, Grenoble ou encore Plougonvelin, dans le Finistère. Dans cette petite commune littorale, l’entreprise a fourni six cendriers disposés en bordure de plage, devant l’auto-école ou près du cinéma. « On avait énormément de mégots par terre et notamment sur la plage », explique Christine Calvez, adjointe au développement durable.
« Je ne vais pas vous dire que c’est parfait mais c’est nettement mieux et je pense que dans la tête des gens, ça y est, on commence à réfléchir « on ne jette pas le mégot par terre » », ajoute l’élue de la commune qui verse 220 euros par trimestre à MéGo pour la collecte du contenu de ses cendriers. « A terme, on s’y retrouve car on dépense moins en nettoyage », souligne-t-elle.
« C’est vraiment le sens le plus profond de notre activité, d’amener les fumeurs à ne plus jeter leurs mégots de cigarette par terre et de démontrer que cette matière est recyclable », souligne Bastien Lucas lors d’une visite de l’unité de recyclage de Bourg-Blanc, où l’odeur de tabac froid est particulièrement prenante.
« 30 à 40 % de la totalité des déchets ramassés annuellement »
Plusieurs initiatives similaires commencent à émerger dans le monde et notamment au Canada, en Inde ou en Tunisie. « En Europe, les mégots sont essentiellement recyclés en acétate de cellulose, tandis qu’en Asie, ils sont transformés en laine de roche ou de verre pour l’isolation des bâtiments », explique Pierre Félix Pieri, fondateur de la société Gumégo, installée à Bastia et partenaire de MéGo pour la collecte.
Depuis les années 1980, les mégots représentent entre 30 et 40 % de la totalité des déchets ramassés annuellement le long des côtes et dans les zones urbaines, note l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans un rapport de 2017. Outre le fait que le tabac tue plus de sept millions de personnes chaque année dans le monde, il est ainsi également à l’origine d’une importante pollution -un seul mégot pollue 500 litres d’eau-, souligne le rapport, qui préconise un retour aux cigarettes sans filtre, pas plus dangereuses pour la santé que celles avec filtre, contrairement à ce qu’à voulu faire croire l’industrie du tabac dans les années 1950 lorsqu’elle a lancé ce nouveau produit.
De son côté, la Commission européenne a proposé fin mai de nouvelles règles pour réduire la pollution des océans, dont l’obligation pour les fabricants de cigarettes de prendre en charge une partie des frais de collecte et de recyclage des mégots.
Le Quotidien/AFP