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A Londres, la détresse de familles face à la pénurie de logements


Dans un appartement exigu situé au cœur d'une zone industrielle du sud de Londres, Sandra Rumkiene se démène chaque jour pour essayer d'élever son bébé dans les meilleures conditions. (photo: AFP)

Malgré les millions promis par le gouvernement pour enrayer la pénurie de logements en Angleterre, des milliers de familles vivent dans des conditions précaires, avec la peur quotidienne de se retrouver à la rue.

Dans un appartement exigu situé au cœur d’une zone industrielle du sud de Londres, Sandra Rumkiene se démène chaque jour pour essayer d’élever son bébé dans les meilleures conditions, malgré le passage incessant des camions devant l’immeuble, et les odeurs de l’usine de traitement des déchets toute proche.

« C’est comme si Dieu avait laissé tomber cet endroit », dit-elle.

Depuis janvier, elle occupe l’un des 84 logements loués par l’État au promoteur privé qui a réaménagé cette ancienne tour de bureaux.

« Au moins, nous avons un toit. On s’inquiète seulement pour ma fille, elle se développe très lentement », s’alarme cette mère de 32 ans, les larmes aux yeux et que l’angoisse empêche de manger.

Alors que les autorités l’ont prévenue qu’elles ne pourraient lui offrir une meilleure solution d’hébergement, Sandra Rumkiene ne sait pas comment envisager l’avenir. « L’an dernier déjà, on avait passé Noël dans un centre d’urgence, c’était affreux. Cette année encore, on ne va pas avoir grand chose à célébrer ».

A travers l’Angleterre, 78 180 familles craignent, comme elle, de dormir dans la rue et dépendent de structures d’hébergement provisoires, selon les chiffres d’un rapport parlementaire publié en juin.

« Marché du logement inopérant »

La situation s’est aggravée depuis 2010 et l’arrivée au pouvoir du Parti conservateur: le nombre de foyers en situation précaire a augmenté de 60%.

Lors de la présentation du budget mercredi, le ministre des Finances, Philip Hammond, a promis de « réparer un marché du logement inopérant » et annoncé un effort de 44 milliards de livres (49,4 milliards d’euros) en direction du secteur de la construction sur cinq ans.

Pour Siobhain McDonagh, députée de Mitcham and Morden, où vit Sandra Rumkiene, cette crise du logement est liée au déficit de nouvelles constructions et au prix souvent inaccessible des habitations sur le marché.

« J’ai connu des périodes où la situation était plus ou moins difficile mais je n’avais encore jamais vu une crise aussi dure », affirme cette membre du Parti travailliste, la principale formation d’opposition du pays, depuis son bureau à Westminster.

Selon elle, les municipalités ne peuvent plus faire face à la demande de familles en difficulté cherchant à se loger. Elle estime que cette impasse a d’énormes conséquences sur la santé mentale des personnes concernées.

En 2015/2016, les collectivités locales ont dépensé 845 millions de livres (948 millions d’euros) pour héberger des ménages dans des structures provisoires. Un budget en augmentation de 39% -en tenant compte de l’inflation- par rapport à 2010/2011, selon le National Audit Office, l’organisme indépendant chargé de superviser les comptes publics.

Un lit pour quatre

Dans le même immeuble que Sandra Rumkiene, vit également Victoria Abiodun avec sa famille. Elle a été déplacée de logement en logement à quatre reprises ces deux dernières années.

A 41 ans, elle partage son lit avec ses deux filles et un nourrisson. Son fils de 10 ans et son mari dorment sur des lits de camp.

« La vie est difficile », dit-elle en serrant son bébé contre sa poitrine.

Elle s’inquiète du bien-être de ses enfants, qui n’ont d’autres espaces de jeu que les couloirs de l’immeuble et le parking.

La famille a essayé de louer un logement dans le parc privé mais le mari de Victoria Abiodun ne gagnait pas assez.

Pour les personnes dans sa situation, le gouvernement a annoncé une aide de 20 millions de livres (22,5 millions d’euros) afin de favoriser l’accès à un logement du privé et permettre aux collectivités d’emprunter pour construire de nouvelles habitations.

Spécialiste des politiques publiques à l’université de Cardiff, Peter Mackie estime que des mesures de grande envergure sont nécessaires pour rassurer les bailleurs privés, et rendre les logements plus abordables.

S’il estime que les solutions d’hébergement provisoires permettent d’éviter à des familles de se retrouver à la rue, il juge nécessaire une refonte du système pour garantir l’accès à des logements de qualité.

« Le problème est que nous n’avons aucune loi qui impose aux autorités d’héberger ces gens dans des logements décents », regrette-t-il.

Le Quotidien/ AFP