Le prince héritier saoudien a promis mardi une nouvelle Arabie, « modérée et tolérante », en rupture avec l’ultraconservatisme religieux, dans des déclarations sans détour de nature à plaire aux jeunes et à des investisseurs étrangers réunis à Ryad.
Le prince Mohammed ben Salmane, 32 ans, s’est livré à une attaque frontale contre certains milieux religieux conservateurs qui exercent une influence notable sur la société depuis des décennies.
« Nous ne ferons que retourner à un islam modéré, tolérant et ouvert sur le monde et toutes les autres religions », a-t-il déclaré lors d’une conférence économique internationale. Il a estimé que l’Arabie saoudite avait abandonné la modération en 1979 avec la montée en puissance de courants religieux extrémistes.
« Nous n’allons pas passer 30 ans de plus de notre vie à nous accommoder d’idées extrémistes et nous allons les détruire maintenant », a assuré le jeune prince, suscitant les applaudissements nourris des participants à ce forum qui a attiré 2.500 décideurs du monde entier. « Nous allons détruire l’extrémisme très bientôt », a insisté le prince héritier, fils du roi Salmane (81 ans) mais considéré aujourd’hui comme l’homme fort du royaume.
Dans les années 1970, l’Arabie saoudite a connu d’importantes réformes, malgré la résistance de milieux religieux conservateurs, comme l’ouverture de l’enseignement aux jeunes filles et l’introduction de la télévision.
L’assassinat du roi Fayçal en 1975 a freiné ce mouvement dans un pays bâti sur une alliance entre l’aile religieuse, représentée par la famille Al-Cheikh qui régule l’espace social, et le pouvoir politique représenté par la famille Al-Saoud, qui a fondé le royaume actuel en 1932.
Bouffée d’oxygène
Depuis sa nomination en juin comme prince héritier, Mohammed ben Salmane s’est attaché à desserrer le carcan des milieux religieux sur la société saoudienne. Il est considéré comme l’inspirateur de la décision en septembre de lever l’interdiction qui était faite aux femmes de conduire. Auparavant, il avait fait arrêter plus de 20 personnes, dont deux prédicateurs religieux très influents. Plus généralement, sa nomination a représenté une bouffée d’oxygène pour les jeunes Saoudiens (plus de la moitié de la population a moins de 25 ans).
Avec le prince héritier, l’Arabie saoudite commence à s’ouvrir aux arts, à la musique et des femmes ont été autorisées pour la première fois à participer aux célébrations de la fête nationale dans un stade de Ryad en septembre.
Les Saoudiens attendent maintenant l’ouverture de salles de cinémas et plus de divertissements, longtemps interdits par les milieux religieux conservateurs. Auteur d’un vaste plan de transformation de l’économie saoudienne destiné à réduire la dépendance du royaume au pétrole, le prince Mohammed est venu au forum de Ryad présenter un méga-projet.
Il porte sur la création d’une gigantesque zone de développement économique, appelée NEOM et d’une superficie de 26.500 km2, avec des investissements projetés à plus de 500 milliards de dollars (425 milliards d’euros).
Cette nouvelle zone économique, à peine plus petite que la Belgique, sera établie au nord-ouest de l’Arabie saoudite, sur les bords de la mer Rouge. Certains secteurs seront frontaliers de la Jordanie et de l’Egypte, précise un communiqué du Fonds public d’investissement saoudien.
‘Volonté du peuple’
Appuyé également par des investisseurs étrangers, NEOM concernera des secteurs aussi divers que l’énergie, l’eau, la biotechnologie, l’alimentation, le numérique, les médias et les divertissements, selon le communiqué. « Toutes les conditions sont réunies pour assurer le succès de ce projet et, en premier lieu, la volonté du peuple saoudien », a plaidé le prince, suscitant encore une fois les applaudissements de l’assistance.
Mohammed ben Salmane n’a toutefois pas abordé les difficultés économiques du royaume. Premier exportateur mondial de pétrole, l’Arabie saoudite a enregistré d’énormes déficits budgétaires et vu ses réserves financières fondre depuis la chute à la mi-2014 du prix de l’or noir. Le prince héritier, ministre de la Défense et qui préside également le Conseil économique et de développement, a présenté en 2016 un plan, appelé Vision 2030, qui vise à diversifier l’économie.
Ce plan prévoit notamment la vente en 2018 de 5% de parts du géant pétrolier Aramco. En août, les autorités saoudiennes avaient déjà annoncé le lancement d’un projet touristique d’envergure consistant à transformer une cinquantaine d’îles de la mer Rouge en stations balnéaires de luxe.
Le Quotidien / AFP