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Lorraine : le monde agricole au régime sec


« Le colza mais aussi toutes les cultures d’hiver souffrent terriblement », se désole Jérémy Jenneson, du bassin de Pont-à-Mousson. (photo DR)

En avril, en temps normal, le jaune est de mise dans la campagne. Mais cette année, peu ou pas de colza. La faute à un sévère manque de pluie qui date, dure et pèse sur le moral déjà en berne des paysans.

Il n’a pas hésité à semer du tournesol à la place de 40 ha de colza. « La plante n’a pas levé », soupire Jérémy Jenneson, à la tête d’une exploitation de 300 ha en polyculture-élevage à Lironville, dans le bassin de Pont-à-Mousson.

Le paysan observe son champ fraîchement retourné : « Je crains une nouvelle année de galère. Trop d’eau en 2016, trop sec en 2017, c’est comme si nous étions abonnés aux catastrophes… », lâche-t-il, désabusé. D’habitude, il cultive 80 ha de colza dont les inflorescences colorent la campagne de jaune au printemps, mais cette saison, il ne conservera que 15 ha « à peu près présentables. Le colza, mais aussi toutes les cultures d’hiver souffrent terriblement. Seuls les pois et les orges commencent à lever. Mais s’il ne pleut pas dans les jours qui viennent, les rendements seront très compromis ».

Comme tout agriculteur, Jérémy est tributaire d’une météo qui brille par ses caprices depuis la fin de l’été. « Le thermomètre a dégringolé dès fin octobre puis l’hiver a été marqué par un froid sec. Il est certes tombé de l’eau fin février, mais cet épisode de précipitations n’a pas compensé un déficit hydrique de plusieurs mois. On a eu ensuite des journées ensoleillées mais aussi des nuits très fraîches, ce qui bloque l’avance de la végétation. Cette situation est l’inverse de celle de l’an passé où le printemps avait été copieusement arrosé, mais le manque de photosynthèse lié à la nébulosité avait impacté le volume de quintaux à l’hectare. »

Les gelées en prime

Plutôt que d’essuyer une nouvelle déconvenue avec son colza, il a donc préféré le sacrifier : « J’ai une assurance récolte pour les aléas climatiques qui prendra en charge une partie de la perte, mais à force d’y avoir recours, j’ai peur que cette garantie ne fonctionne plus. »

En Lorraine, la tendance est générale. A Léning, en Moselle, David Charpentier est très inquiet : « Sur les 55 ha implantés en colza, je n’ai gardé qu’une petite parcelle. J’ai semé des orges de printemps et du maïs, mais ils ont beaucoup de mal à lever. Le maïs réclame de l’eau… Même l’herbe des pâtures tarde à se développer. La pousse est médiocre, c’est pourtant une culture des plus rustiques ! », souligne cet éleveur-céréalier.

« Dans le Pays-Haut, on voit des secteurs où il n’y a plus une seule parcelle de colza », constate Corinne Revest, responsable agronomie et environnement à la Chambre d’agriculture 54. « Tout est sec et l’enracinement des plantes est trop superficiel, ce qui accroît encore leur sensibilité à ces à-coups climatiques. » Dans les fermes, à l’heure où les exploitants remplissent leur déclaration Pac 2017, ce phénomène risque d’aggraver la sinistrose ambiante, d’autant que les aides européennes de 2015 n’ont toujours pas été versées ! Et comme pour enfoncer le clou, à défaut de pluies, les prévisionnistes annoncent des gelées au cœur du mois d’avril. Le pire moment pour les vergers en pleine floraison. Bref, la totale…

Patrice Costa (Le Républicain lorrain)