Accueil | Culture | Les bâtiments de Bruxelles en danger

Les bâtiments de Bruxelles en danger


À quelques pas des Musées royaux, le bâtiment classé du Conservatoire royal de Bruxelles, érigé en 1876, dépérit également. (photo AFP)

Des murs fissurés et des plafonds troués défigurent le Conservatoire de Bruxelles, des fuites d’eau menacent des chefs-d’œuvre de Rubens… Certaines des plus prestigieuses institutions culturelles de la capitale belge souffrent depuis des années des dysfonctionnements du système politique du pays.

Pays de 11 millions d’habitants, la Belgique s’est progressivement dotée d’un système fédéral afin d’accommoder les visions souvent divergentes entre la majorité néerlandophone vivant en Flandre (nord, 60% de la population) et la minorité francophone, établie en Wallonie (sud) et à Bruxelles. Cette construction politique d’une rare complexité, fruit d’innombrables compromis, répartit les compétences entre une demi-douzaine de gouvernements et autant d’assemblées parlementaires, qui peinent à se coordonner en raison d’intérêts divergents.

À tel point que les responsables de certains fleurons de la culture se disent «délaissés» par les pouvoirs publics, tous niveaux confondus. «L’État belge n’a pas fait de la culture une de ses priorités. On ne peut pas dire que ce désintérêt vient du public, au contraire. Cela vient vraiment de décideurs, d’hommes politiques qui ne sont visiblement pas éclairés par les arts», relève ainsi l’architecte Anne Van Loo, ancienne dirigeante de la commission royale des Monuments et des Sites, un organe chargé de conseiller le gouvernement.

À Bruxelles, la pluie a percé à plusieurs reprises les plafonds des Musées royaux des Beaux-Arts, qui figurent dans le top 100 des musées les plus fréquentés au monde. En 2016, les responsables n’ont eu d’autre solution que de placer des seaux dans la salle consacrée au maître du baroque flamand, Pierre Paul Rubens.

«Le problème qu’on a avec le millefeuille institutionnel belge, c’est que les oppositions sont de plus en plus marquées entre les niveaux de pouvoir. La région de Bruxelles préférera développer ses propres projets que d’intervenir dans un projet fédéral», regrette le directeur général des Musées, Michel Draguet, dont l’institution dépend du gouvernement central.

«En près d’un an, je n’ai jamais vu une seule équipe pour commencer un chantier», ajoute Michel Draguet, selon qui un programme de rénovation avait pourtant été décidé. «Dire que rien n’a été fait sur les Musées des Beaux-Arts serait mentir», rétorque Laurent Vrijdaghs, le patron de la Régie des bâtiments, le gestionnaire du parc immobilier de l’État fédéral. Il reconnaît néanmoins qu’il reste encore «beaucoup de travail» à accomplir.

Jouer «sous les gravats et les fuites»

À quelques pas des Musées royaux, le bâtiment classé du Conservatoire royal de Bruxelles, érigé en 1876, dépérit également. Ses deux écoles supérieures de musique, l’une néerlandophone et l’autre francophone, dépendent de deux pouvoirs différents : la Fédération Wallonie-Bruxelles pour la première et la Communauté flamande pour la seconde. Quant aux murs, ils appartiennent à l’État fédéral. Et jusqu’à présent, chaque entité se renvoyait la balle pour déterminer à qui incomberait les travaux de rénovation.

«Ce bâtiment est devenu profondément malade, à tel point qu’à peu près un tiers des espaces disponibles à l’origine ne le sont plus aujourd’hui», déplore Gérald de Hemptinne, de l’association Conservamus, qui a pour objectif de préserver ce «chef-d’œuvre architectural». Résultat : les 1 200 étudiants du conservatoire sont de plus en plus à l’étroit. Au lieu d’être rénovées, des pièces sont condamnées les unes après les autres. «Il y a des files d’attente qui se créent devant les classes», souligne le président du conseil étudiant du conservatoire, Yuki Takano.

«Ce qui me frappe, c’est que les étudiants parlent souvent du problème en termes d’espace disponible, là où moi je suis effrayé parce qu’ils jouent sous les gravats et sous les fuites», dénonce Gérald de Hemptinne. Après des années de négociations, la Communauté flamande, son homologue francophone et l’État fédéral ont convenu de créer une société qui aura pour rôle de restaurer et de gérer le bâtiment. «Le conservatoire est un exemple révélateur de la complexité de l’État belge, mais c’est aussi un beau trait d’union de la collaboration entre différentes entités dans un même projet», estime Laurent Vrijdaghs.

Le Quotidien/AFP