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Trafic TER : « Soit la sécurité est assurée pour tout le monde, soit elle ne l’est pas »


Bernard Aubin est aussi l’auteur du blog le « Hérisson du rail ». (photo DR)

Bernard Aubin, spécialiste français de la sécurité ferroviaire, dénonce le paradoxe de la situation actuelle après l’accident de Dudelange.

Une reprise normale de la circulation des TER entre Thionville et Luxembourg est-elle possible rapidement ?

Bernard Aubin, secrétaire général de la Fédération indépendante du rail et des syndicats des transports (First) : « Elle n’est pas envisageable tant qu’on ne connaît pas les causes de cet accident et tant que l’on n’aura pas remédié à ces causes. On n’ose imaginer, à la vue des tôles froissées du TER impliqué dans l’accident, ce qui aurait pu arriver à des passagers qui auraient été présents à bord. »

Si le tronçon Thionville-Luxembourg est dangereux pour les contrôleurs et conducteurs, ne l’est-il pas aussi pour les voyageurs ?

« D’une part, les cheminots considèrent que la sécurité n’est pas assurée pour eux ; d’autre part, les entreprises de transport estiment que la sécurité est respectée pour les usagers. Cette ambivalence n’est pas tenable. Soit la sécurité est assurée pour tout le monde, soit elle ne l’est pas. Il faut alors interdire carrément la circulation des TER sur le tronçon concerné tant que l’enquête n’a pas abouti. »

À ce stade de l’enquête, la seule certitude est que le TER ne s’est pas arrêté à un feu rouge…

« Le seul qui aurait pu apporter une information capitale sur les causes de cet accident c’est le conducteur, mais il est décédé. Il était le seul en mesure de dire quelles étaient les différentes indications portées par les signaux qu’il a rencontrés. Les CFL ont tout de suite annoncé que le TER avait franchi un signal fermé. Peut-être qu’il apparaissait fermé dans le poste d’aiguillage et que, sur le terrain, il apparaissait ouvert pour le conducteur. L’enregistreur de données sera seul en mesure d’établir la vérité. »

Arrive-t-il aux conducteurs de trains de « griller » un feu rouge ?

« Cela arrive sur tous les réseaux ferroviaires. En revanche, il y a des dispositifs qui sont là pour contrecarrer la possibilité de l’erreur humaine. Le fait que griller un feu rouge entraîne un accident est plus problématique. »

C’est-à-dire ?

« Très concrètement. En France et au Luxembourg, si un train aborde un feu rouge à une vitesse trop importante qui ferait franchir le feu, un système de sécurité arrête le train automatiquement. La question qui se pose c’est pourquoi ce système n’a-t-il pas réagi ? »

Misez-vous sur une enquête rapide ?

« Ce qui m’inquiète un peu c’est que les CFL ont fait appel à un seul expert indépendant. Il aura du mal à décrypter les enregistrements à bord du train, à vérifier le fonctionnement normal des installations du poste d’aiguillage et puis vérifier aussi la signalisation ainsi que le facteur humain. Cela fait peu de moyens mis en œuvre pour aboutir rapidement. »

P. R. (Le Républicain lorrain)