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[Portrait] À la fin de l’envoi, il touche


(Photo : mélanie maps)

Ancien entraîneur national, le maître d’armes qui a façonné Flavio Giannotte revient sur son parcours. Tout a commencé avec Zorro!

«Sans Maurice, je ne serais pas là où j’en suis. Il m’a toujours poussé. C’est un entraîneur, un père, un grand-père. Un pote. On a passé des années ensemble à voyager. Je l’ai plus vu que ma famille. On a partagé des chambres, dormi dans le même lit. C’est une superbe personne. Très ouverte d’esprit. Et techniquement, tout simplement l’un des meilleurs au monde.» Ce bel hommage est signé Flavio Giannotte. Le meilleur épéiste luxembourgeois sait ce qu’il doit à son maître d’armes.

Mais qui est Me Maurice Pizay?  Déjà ce qui frappe quand on le rencontre, c’est qu’il ne fait clairement pas son âge. Sa carte d’identité dit qu’il est né en 1950, mais à le voir nous montrer sa salle de gym au dernier étage de sa jolie maison de Limpach, parler de l’envie qu’il a, de sa passion, il ne fait clairement pas 74 ans. C’est pourtant bien son âge.   

S’il tient toujours une forme d’enfer alors qu’il a bientôt atteint les trois quarts de siècle, c’est déjà parce qu’il a de bons gènes. Notamment un père champion de France de gym. Sport par lequel il débute logiquement à 6 ans. 

Une fois que j’ai vu Zorro, je savais ce que je voulais faire

Et s’il continuera jusqu’à l’âge de 21 ans, il avait déjà un autre sport en tête : l’escrime : «J’avais neuf ans. Le jeudi, à la télé en noir et blanc, il y avait la séquence du jeune spectateur. Et une fois que j’ai vu Zorro, je savais ce que je voulais faire.» C’est donc en voyant Don Diego de la Vega malmener le malheureux Sergent Garcia que le destin de Maurice Pizay venait de se jouer. Mais à l’époque, les salles d’armes ne courent pas les rues. Le club le plus proche de Riom, près de Clermont-Ferrand, était à Issoire. Trop loin… Maurice doit donc patienter. 

En fait, la seule possibilité pour s’adonner à sa nouvelle passion était de le faire… à l’armée. C’est ainsi qu’après avoir découvert le sport à Trèves, il rejoint l’école interarmée des sports, à Fontainebleau. Puis, après cinq ans, l’école des sousofficiers, pendant deux ans, il apprend son futur métier de maître d’armes : «C’était H24, 7/7, pendant 365 jours par an, on vivait escrime. C’était le pied, c’était exactement ce que je voulais faire.»  

Une fois diplômé, il officie à l’école du matériel de l’armée à Châteauroux, puis au prestigieux Cercle national des armées, à ParisMais à la faveur d’un stage en Hongrie, il est repéré par l’Insep (Institut national des sports et de l’éducation physique), qu’il intègre entre 1982 et 1984 pour devenir entrneur national adjoint au sabre aux côtés d’un certain JeanFrançois Lamour, double champion olympique. Son parcours le mènera ensuite une première fois au Luxembourg. Seulement, l’expérience ne le satisfait pas : «Il y avait pas mal de problèmes entre les clubs. J’ai connu quatre présidents en six ans, ça veut tout dire. La situation n’était pas évidente à vivre. Ça m’a bien miné.»

Il est de retour en France, entre Lunéville et Thionville, où il relance complètement le club. Et alors qu’il s’était juré de ne plus jamais revenir au Luxembourg, le destin en décide autrement : «Des Luxembourgeois sont venus tirer à Lunéville. Et un jour, Michel Speltz m’appelle et m’explique qu’il n’a plus de maître d’armes à Escrime Sud. Il me demande si je peux lui sauver la mise. Et venir une fois par semaine. On était en 2006 et 18 ans plus tard, j’y suis toujours!» 

Je lui ai vendu ma religion. Une bonne religion

C’est à cette époque qu’il rencontre vraiment Flavio Giannotte, qu’il avait déjà vu gambader à Nouvel an quand il n’avait que 11 ans. Le début d’une belle histoire : «J’ai tout de suite senti qu’il était différent. Lui, c’était un écorché vif. On voyait dans ses yeux qu’il était là pour être le meilleur.»

Comme il habitait tout près de chez lui, il venait le chercher pour l’emmener à la salle : «On avait une vingtaine de minutes de trajet. Et je lui ai vendu ma religion. Une bonne religion», sourit-il. Maurice Pizay ne compte plus le nombre de fois où son élève est venu tirer dans son jardin : «C’est là qu’il a le plus appris.» Et voilà des années que les deux hommes ne se quittent plus : «Il a déjà pris la leçon le premier janvier, le jour de l’An. Pendant le covid, il venait et on allait dans mon garage», avoue-t-il.

Au-delà de l’escrime, Maurice Pizay, qui ne compte jamais ses heures, s’intéresse à d’autres sports. Notamment au foot : «Je suis allé voir l’entraînement du FC Metz de Joël Muller et je piquais des idées que j’adaptais avec l’escrime. On ne détient pas la vérité. Il faut aller chercher des trucs ailleurs.» Il sera également marqué par sa rencontre avec Stefan Kovacs, mythique entraîneur de l’Ajax de Johann Cruyff, sur les quais de la Gare de l’Est : «Il était très calme. Ne parlait jamais fort. Mais chaque mot était pesé. Ce jour-là, j’ai beaucoup appris.»

Maurice Pizay a du caractère. Et de l’autorité : «Je donne des cours au lycée technique. Au début, je les laisse faire. Et ensuite, je leur explique qu’on est dans une église, un temple, une mosquée. Je n’ai rien oublié? Ah si, une synagogue. Eh bien dans ces quatre lieux, il y en a un seul qui parle : c’est moi. Vous avez droit à deux questions, mais il faut qu’elles soient intelligentes.»

Et même s’il n’a plus la fougue de ses 20 ans, l’homme est resté compétiteur : «Il faut qu’on compte tout de suite les points. Sinon ça ne sert à rien. L’autre jour, j’ai rencontré tout le monde. Benoît Omont (NDLR : un des tireurs de l’équipe nationale) m’a battu une fois. J’ai pris ma revanche et tous les autres, je leur ai mis au moins une fois 5-0. De temps en temps, ce n’est pas mal de montrer qui est le maître», sourit celui que ses élèves appellent effectivement «Maître», quand ils s’adressent à lui.

Outre Flavio Giannotte, il a également accompagné Lis Rottler-Fausch pour la préparer pour le TQO de Madrid : «On avait commencé 5 mois avant. Elle était enceinte. Un soir, elle fait une leçon et le lendemain, j’apprends qu’elle a accouché. On a pu travailler jusqu’à Madrid. Mais il lui a manqué la compétition. Rien ne remplace la compétition.»

Dimanche, il sera bien sûr aux premières loges pour encourager Flavio Giannotte dans sa quête olympique. Et quel que soit le résultat, il sera à ses côtés : «Une victoire, tu vas boire une bière. Une défaite, tu vas en boire deux!»

En bref

Maurice Pizay est né le 24 février 1950 à Roanne. Après avoir fait l’École interarmée des sports à Fontainebleau, il rejoint l’école des sous-officiers où, pendant deux ans, il apprend son métier de maître d’armes. Il a notamment fréquenté l’Insep de 1982 à 1985 en tant qu’entraîneur national adjoint au sabre en France, où il a travaillé avec Jean-François Lamour.

De 1985 à 1991, il devient entraîneur national au Luxembourg. Il retourne ensuite en France à Lunéville, où il est toujours licencié, et à Thionville. Et à partir de 2006, il devient entraîneur à Escrime-Sud, où il continue de donner des leçons.

Très sportif, il continue de faire du vélo, notamment. Il s’aligne également en compétition chez les vétérans avec deux championnats du monde à son actif. Il a été aussi champion de France des maîtres d’armes, champion de France vétéran en individuel et par équipe avec Lunéville et de multiples fois champion de Lorraine.

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