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Le portrait du jeudi – L’admirable Nelson Delgado


Au Luxembourg, tout le monde connaît Nelson Delgado et son fabuleux talent de basketteur. Mais qui est-il vraiment ? C’est pour répondre à cette question que nous nous sommes intéressés à la trajectoire de celui qui disputera peut-être dimanche, à Walferdange, son dernier All Star Game.

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Après 19 saisons au plus haut niveau, Nelson Delgado est toujours au sommet de son art, à 34 ans. Et il espère bien accrocher encore un trophée avant de remiser définitivement ses sneakers au placard. (Photos : Julien Garroy)

Avant d’être Luxembourgeois ou Capverdien, ce fils d’immigrés, père ouvrier chez Goodyear et mère femme de ménage à l’hôpital psychiatrique d’Ettelbruck, est avant tout : « 100 % ettelbruckois ». La communauté capverdienne est en effet très développée dans le nord du pays.

C’est à proximité du Deich que le petit garçon grandit dans une famille nombreuse, entouré de ses quatre frères et sœurs. Il a quatre ans quand on l’emmène une première fois au Cap Vert. Il n’y est, depuis, retourné qu’une seule fois, en l’an 2000 : « Cela coûte très cher d’y aller. Pour à peine six heures d’avion, il faut bien compter 4 000 euros pour quatre personnes. » Mais en 2000, ses parents y retournent : « Mon père avait envie de nous faire découvrir le Cap Vert. C’était l’occasion de partir et de connaître sa famille, parce qu’il y en a un certain nombre là-bas. »

Nelson De Rosario, de son « vrai » nom, se dit riche d’être à la fois fils d’immigré et né au Luxembourg. Et pour certaines choses, il est parfois obligé de composer. Comme pour la ponctualité, qui n’est pas la qualité première des Capverdiens, visiblement : « à Noël, on a reçu la famille, j’ai dû préciser qu’ils devaient venir à 20h, heure luxembourgeoise », rigole-t-il.

Polyglotte, il parle couramment le français, l’allemand, l’anglais, le luxembourgeois, le créole du Cap Vert et le portugais : « même si ma femme, qui est d’origine portugaise, trouve que je ne maîtrise pas tant que cela la langue », sourit-il. Et il entend bien que ses enfants, Alyne (8 ans) et Marvin (5 ans), lui emboîtent le pas : « J’ai de la famille aux Pays-Bas et je suis obligé de parler en anglais avec mes cousins. Je trouve cela triste. Ce serait dommage, si je pars au Cap Vert avec mes enfants, d’être obligé de traduire ce que leur disent les membres de ma famille. »

> « Né pour faire du sport »

Celui qui se désigne lui-même comme étant « né pour faire du sport » est un vrai compétiteur. Et il a beaucoup de mal avec certaines attitudes de stars : « J’ai été très choqué de ce qui s’est passé avec Lavezzi et Cavani au PSG. Je ne suis pas pro, mais je pense n’avoir jamais raté de ma vie un entraînement sans m’excuser… »

Nelson Delgado sera donc le premier à ouvrir une brèche dans laquelle plusieurs de ses cousins vont s’engouffrer (Jairo Delgado, Elton et Sam Ferreira), en se mettant au basket. S’il est un enfant de la balle, c’est d’abord de celle de foot : « Je ne savais même pas ce qu’était le basket. J’avais tout le temps un ballon de foot avec moi. » Chaque été, d’ailleurs, ce fan de l’OM et du Real Madrid ne manque jamais une occasion, avec son équipe de foot capverdienne, de taper dans le ballon.

Comme souvent, c’est presque par hasard que le futur capitaine emblématique d’Etzella va se mettre au basket. Après une année de tennis — « on n’a pas fait un match, il n’y avait pas de contact, ce n’était pas fait pour moi » — il décide de participer à une journée organisée par la Lasep, où il se rend sans ses parents. Pendant toute la journée, Nelson va s’amuser avec son ballon de basket. Et quand il rentre chez lui, c’est décidé, il fera du basket : « C’était le coup de foudre. »

À partir de ce moment, sa vie va basculer. Et le hasard fera bien les choses. Au départ peu doué pour les langues, le petit « Nels » ou « Nelly » doit suivre des cours d’allemand et de portugais, les mardis et jeudis, jours d’entraînement des poussins. Il va donc s’entraîner avec les minis, où il va faire la connaissance de Gilles Becker, avec qui il va tout connaître. Le meilleur comme le pire, avec notamment une petite brouille entre les deux hommes, depuis le passage sur le banc nordiste de Becker : « Il faudra qu’on aille manger un morceau un de ces jours. C’est vraiment la seule petite ombre au tableau. »

Les deux enfants sont très doués et quand il arrive au club en 1993, Rick Brooks va les prendre sous son aile : « On jouait avec les scolaires et dès le match terminé, Rick nous mettait dans la voiture pour nous emmener à un match avec les cadets. » Il faudra attendre son dernier match chez les cadets pour qu’il convainque sa mère de venir le voir. Mais par la suite, un vrai clan Delgado va prendre place dans les tribunes du Deich. Un coin plutôt clairsemé ces dernières années, mais qui retrouve un peu d’épaisseur cette saison : « Cela fait chaud au cœur. »

> Trop « timide » pour « entrer en premier sur le parquet »

Arrivé en équipe première à 16 ans seulement, Nelson Delgado doit remplacer Alain Marchetti, qui vient de quitter Etzella. Après deux matches un peu compliqués, le jeune garçon prend ses marques. À l’époque, il porte le numéro 4 : « Ce qui me dérangeait, ce n’était pas forcément le numéro. Mais j’étais timide et je ne voulais pas entrer en premier sur le parquet. » Milton Santos lui propose alors de prendre son numéro 7 : « moi, cela ne me dérangeait pas d’entrer en premier. Je crois que Nelson avait le 7 en espoirs, donc je lui ai donné mon numéro. Et maintenant, c’est devenu mythique », confie l’ancien joueur nordiste.

Le talent exceptionnel du joueur va éclater au grand jour en 1999, lors du doublé coupe-championnat. Son premier titre. Son meilleur souvenir : « C’était au Deich, contre le Sparta. Je marque le panier de la victoire après prolongations. Il faudra un jour que j’aille à RTL pour avoir l’archive de ce match ! »

Tout va décidément très vite pour ce compétiteur-né, habitué à tout gagner : « Tous les ans, on gagnait un ou deux trophées. J’arrive en équipe première, on fait le doublé. » La machine médiatique s’emballe, il passe à la télé, on parle de lui dans les journaux. Et il décroche le prestigieux titre de Mister Basket cette même année : « C’était quelque chose de très connu. Le Républicain Lorrain l’organisait tous les ans, et je l’ai remporté en 1999, à l’âge de 19 ans. Ce qui est marrant, c’est que je suis né le même jour que Paul Kerger, le père de Claude Kerger (NDLR : un ancien joueur d’Etzella) mais avec trente ans d’écart. Et il a également gagné ce trophée à 19 ans. »

Mais avec le recul, il réalise la portée de ce qu’il vient de faire : « Ce n’est qu’en perdant des finales qu’on mesure ce que cela fait d’en remporter. » Gentleman dans la vie, il l’est également sur le parquet : « Je n’ai jamais pris une faute technique et j’entends bien ne pas le faire jusqu’à la fin de ma carrière. » Au fil des ans, il a côtoyé les meilleurs : « c’est l’un des cinq meilleurs joueurs de l’histoire, c’est Monsieur Etzella », pour Ken Diederich. « Un mec très sympa et un joueur redoutable, excellent en défense qui reste, encore à 34 ans, à un niveau excellent », pour Tom Schumacher.

Dans la vie de tous les jours, Nelson Delgado est un homme heureux, marié depuis 2010 à Marisa, qu’il a rencontrée en 2002. Sur le plan professionnel, il est comptable à l’hôpital psychiatrique d’Ettelbruck depuis 2004. Là-même où sa mère, disparue en 2009, officiait comme femme de ménage.

Cette tragique disparition a forcément marqué à vie Nelson : « Quand on est petit, on se réfugie auprès de ses parents pour régler ses problèmes. Depuis que ma mère n’est plus là, cela me permet de relativiser pas mal de choses. Et je deviens fou quand je vois des gens se chamailler pour des futilités. Le plus important, c’est d’avoir la santé et à manger tous les jours. Le reste, c’est anodin ! » Avant, il travaillait à Contern mais les déplacements et le rythme infernal — « je devais me lever à 6 h 15 » — ont affecté son rendement sur le parquet : « 2004 était ma plus mauvaise année en basket. »

Une fois sa carrière derrière lui, il souhaite continuer de s’impliquer dans le basket, même s’il ne sait pas comment. Et puis, peut-être qu’il apprendra à jouer d’un instrument de musique, chose que ce stakhanoviste n’avait bien sûr pas le temps de faire durant sa carrière. Ce « nice guy », devenu un véritable symbole, n’en reste pas moins quelqu’un de très simple. Et de très abordable. Qui n’hésite jamais à donner de sa personne pour des œuvres caritatives comme Télévie. On vous dit que cela ne nous surprend pas ?

De notre journaliste Romain Haas

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