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[Cyclisme] Panne de moteur interdite à la Flèche Wallone


Le mur de Huy ne pardonne aucune défaillance, surtout à l'arrivée où il faut savoir doser tous ses efforts selon une savante alchimie. (Photo : AFP)

C’est vraisemblablement la moins excitante des classiques de printemps, mais elle possède le final le plus exaltant. Ces dernières années, la course s’est toujours gagnée sur la dernière ascension sèche du mur de Huy où il faut savoir démarrer à temps. Pas trop tôt. Ni trop tard!

Alors que le monde du cyclisme replonge dans ses doutes récurrents après la diffusion d’un nouveau reportage laissant entendre que l’utilisation de moteurs miniaturisés pourrait continuer en dépit des mesures prises par l’UCI, la Flèche Wallonne ne s’offrira qu’aux seuls coureurs branchés sur du 220 volts…

Il y a bien sûr ce contexte quand même pesant alors que le cyclisme, une fois de plus, se croyait tirer d’affaire après les mesures prises par l’UCI durant l’hiver et le premier cas avéré de dopage, pardon, de fraude technologique. Alors qu’Enrico Gasparotto venait de s’imposer dimanche dans l’Amstel Gold Race, un reportage sur France Télévision, dans l’émission Stade 2, relançait l’hypothèse de l’utilisation de moteurs miniaturisés et fatalement cachés, dans le peloton professionnel.

Rien de bien nouveau sous le soleil puisqu’ici même, nous nous sommes souvent émus de situations de course ubuesques, d’attitudes étranges, de changements de machine et de roues pas toujours justifiables, d’ailleurs, jamais justifiés. On pouvait penser que tout était rentré dans l’ordre. Sauf que si les tests actuellement réalisés par l’UCI sont effectivement inopérants, connaissant la rigidité jusqu’à parfois l’aveuglement des instances, le petit monde du vélo n’a pas fini de vivre avec cette atmosphère, lourde et pesante. Vive les caméras thermiques…

C’est dans ce contexte, pas franchement orageux, non, mais quand même assez délicat (lundi sur le RTBF, Vincent Wathelet, l’agent de Philippe Gilbert, par ailleurs organisateur de courses, laissait entendre que le monde du cyclisme connaissait l’existence de ces pratiques depuis 2010 et que cela perdurait encore), que la Flèche Wallonne s’élancera.

Pour autant, on objectera que jusqu’ici, le bal des classiques de printemps n’a donné lieu à aucun mouvement étrange. Au contraire, même. La hiérarchie a été à chaque fois respectée. Les courses ont même rappelé à beaucoup le cyclisme des années 80, d’avant le dopage sanguin, c’est dire…

Ici, les puncheurs sont rois

Et encore une fois, la course, aujourd’hui, reprendra vite ses droits. Et sur le coup de 16 h 30, dans ce mur de Huy, où comme toujours, camperont des dizaines de milliers de spectateurs, tout le monde n’aura plus d’yeux que pour celui qui parviendra à se dégager au plus vite de la pente réellement effrayante au plus fort pourcentage. Et sur ces puncheurs-grimpeurs qui depuis une quinzaine d’années phagocytent les enjeux. Que la Flèche Wallonne soit encore réduite de dix kilomètres, comme c’est le cas aujourd’hui, par rapport à l’an passé, le départ étant donné à Marche-en-Famenne, c’est toujours le même cinéma. Il y a bien peu de chance qu’on y échappe.

Oui, il y aura des échappées. Dès le départ. Réprimées. Puis sur le final. Réprimées également. Toujours aussi peu de chances qu’elles aillent au bout. C’est devenu d’un chiant la Flèche Wallonne!

Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé. Voici quelques années déjà, Laurent Didier s’était mêlé dans un de ces coups pour rien. On se souvient des vaines tentatives d’Andy Schleck du temps de sa splendeur. L’an passé, à une cinquantaine de kilomètres de l’arrivée, Bob Jungels voulait se lancer guidon en avant, lorsqu’il fut fauché dans une chute qui mit également à terre son coéquipier Julian Arredondo et le Belge Philippe Gilbert. Toutes les attaques, plus près de l’ascension finale furent, comme toujours réprimées. Même la dernière côte ajoutée, à Cherave, juste avant Huy, a juste permis le dégraissement du peloton, rien de plus emballant.

La faiblesse du kilométrage, la caractéristique du mur de Huy et ces spécialistes des arrivées en bosse, font qu’on ressert chaque année le même scénario. Le Luxembourg n’a pas eu à se plaindre, il a eu avec Kim Kirchen, un modèle du genre. Deuxième en 2005, derrière Danilo Di Luca, il croqua son succès à pleines dents deux ans plus tard, sous une pluie battante.

Ça passe où ça casse

Plus tard, alors en retraite, celui qui est aujourd’hui consultant pour le compte de RTL Télé, où il opère en duo avec Tom Flammang, avait livré dans ces colonnes son modus operandi. «La Flèche se gagne d’abord dans la tête! Pour préparer cette classique, il faut la mentaliser. Et consentir à un entraînement spécifique. Car chacun le sait, c’est souvent dans la dernière montée que tout se joue. (…) Après, tu es fort ou pas. Si t’es bien, tu es devant. Je pense que le plus fort, ce jour-là, l’emporte automatiquement. (…) Et puis, il faut avoir confiance en soi. C’est primordial. Car si tu es en confiance, tu donnes confiance à ton équipe, qui, point important, a constamment travaillé pour te replacer et empêcher les échappées de partir. Tes coéquipiers ferment les trous. Alors, vient la dernière montée.

Un coureur d’expérience sait se placer. Pas tout devant, pas très loin quand même. Tu prends ton rythme dès les premières rampes. Pas le rythme des autres, dangereux à suivre, ton propre rythme. Ensuite, il faut s’efforcer de ne pas couper les virages. Les jeunes coureurs le font et le payent toujours. Au milieu du mur, tu dois t’efforcer de rester sage. Il y a des coureurs qui se croient plus forts et exagèrent. Résultat, ils s’asphyxient. Par contre, aux 300 mètres, il faut tenter sa chance si on a les jambes. Pas avant, pas après. Avant, on se fait reprendre. Après, c’est trop tard. Tout ce qui est pris aux 300 mètres ne sera pas repris après par tes adversaires.» Avouez que ça résiste à l’épreuve du temps…

Le reste de la course a beau être d’un intérêt très relatif, puisqu’on sait comment cela se termine, on comprend néanmoins la frénésie qui s’empare du public l’espace d’une dizaine de minutes vraiment pas comme les autres. Ça passe ou ça casse. Comme dirait l’autre, on risque le jeu de mots, panne de moteur interdite pour ceux qui veulent se faire le mur… Et ce n’est pas donné à tout le monde!

Denis Bastien

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