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[BGL Ligue] Les joueurs africains du Luxembourg tremblent pour les leurs


Dikaba, à gauche, au temps où il jouait à Dudelange. Le Congolais s'inquiètent pour les conséquences du coronavirus dans son pays (Photo d'archives : Julien Garroy).

Alors que l’épidémie arrive lentement sur le continent africain et que tout le monde craint le pire, les footballeurs coincés au Grand-Duché n’en finissent plus de multiplier les mises en garde.

C’est peu de dire qu’ils sont inquiets. Fatalistes serait plus exact : les joueurs africains de la Division nationale, coincés à la maison, regardent leurs pays respectifs continuer de fonctionner presque comme si de rien n’était, s’entendant dire, par mail, par téléphone, par messagerie, par réseaux sociaux… que le virus «ne tiendra pas la chaleur». Bloqués loin de chez eux, ils commencent à trembler, moins pour eux désormais que pour leurs familles et amis. Quatre d’entre eux nous ont parlé de la situation dans leurs pays.

«J’ai conseillé à mon père de quitter Alger» (Ismaël Bouzid, coach adjoint à Pétange, Algérien)

«Mon père est là-bas, à Alger. Je l’ai tous les jours au téléphone. Je lui ai conseillé d’aller en Grande Kabylie, à la campagne. Au bled comme on dit chez nous. Et c’est ce qu’il va faire dès qu’il peut, dès qu’il aura réglé toutes ses affaires : aller là où il y a moins de densité de population. C’est difficile de ne pas sortir à Alger et quand tu fais tes courses, tu croises toujours plein de gens, tu discutes…

Je lui ai dit d’essayer de faire prendre conscience aux gens que ce virus, c’est du sérieux. Parce que nos systèmes de santé, en Afrique, ce ne sont pas les meilleurs du monde. Jusqu’à présent, en Algérie, c’était assez calme, mais maintenant que ça arrive, que les premiers morts sont survenus, je me rends compte que les plus vieux ont du mal à prendre ça au sérieux. Alors qu’il leur suffit d’allumer leur télé pour se rendre compte qu’en Europe on l’a déjà pris trop tardivement en compte. Alors j’essaye de sensibiliser, de parler d’hygiène et aussi d’alimentation saine. Parce qu’on parle de se laver les mains, mais avoir un bon système immunitaire, ça peut servir aussi. Ne pas avoir de carences en micronutriments, en vitamines… J’espère aussi que la jeunesse africaine va se mobiliser et se prendre en mains.»

«Dix-neuf malades sont arrivés dans un avion depuis Strasbourg» (Romaric Bosson, défenseur de Mondorf, Ivoirien)

«Ma sœur, qui habite à Abidjan, m’a dit que jusqu’à présent, officiellement, il n’y a eu que 19 cas sur le territoire et que c’était 19 personnes arrivées d’un avion en provenance de Strasbourg. Ils ont tous été mis en quarantaine et, apparemment, onze sont déjà guéries. Donc visiblement, c’est assez contrôlé, mais je ne sais pas si, depuis, ils ont interrompu les vols avec les pays européens… Mais la Côte d’Ivoire contrôle surtout les entrants sur le territoire de ce que j’ai cru comprendre. Moi ça me fait peur. J’ai appris que d’anciens joueurs ivoiriens ont pu rentrer dans le pays… On va prier pour que ça se passe bien, mais c’est quand même inquiétant dans ce pays si chaotique, où tout le monde n’a pas accès aux médecins, à l’eau potable… Vous savez comment c’est, chez nous, l’organisation, l’insalubrité… Pour le reste, c’est presque une vie normale. Les gens gardent le sourire. Malgré tout, les autorisations de sorties sont un peu sous restriction. On a demandé aux gens de beaucoup moins se déplacer aux heures de pointe et ça marche pas mal, même s’il y a toujours des hors-la-loi.»

«Le confinement sera respecté quand les policiers sortiront dans les rues et frapperont tout le monde» (Abdoul Aziz Kaboré, milieu de terrain de Pétange, Burkinabé)

«Pour le moment, la situation n’est grave qu’un tout petit peu au Burkina. Les gens sont théoriquement confinés, mais ils ne respectent pas trop les consignes. C’est de l’inconscience. Quand je vais sur Facebook, je me rends compte que les gens pensent que le coronavirus va rester en Europe. Il n’y a encore eu qu’un mort au pays pour le moment, je crois. Alors la population ne se rend pas vraiment compte. Ils font n’importe quoi. Ils continuent d’aller au restaurant, dans les cafés et même en boîte de nuit. Pendant que moi je dis à mes copains qu’ici personne ne sort de chez lui, eux me disent que ce n’est pas le cas pour eux. Mais ils vont bien être obligés de commencer dès que les policiers vont commencer à sortir dans les rues et à frapper tout le monde! Ça se passe comme ça chez nous, et là, les policiers commencent à sortir tous les jours.»

«Ce sera un drame avec des milliers de morts chaque jour» (Rodrigue Dikaba, milieu de terrain du Fola, Congolais)

«Je prends désormais des nouvelles très régulièrement, mais ils ont déjà fait de la prévention. Je viens d’entendre que les écoles viennent d’être fermées et qu’il y a un confinement qui vient d’être mis en place. Cela m’étonnerait qu’il soit aussi strict que chez nous.
De mon côté, je donne des conseils parce qu’on ne va pas se le cacher : là-bas, cela risque d’être bien plus terrible qu’ici. Si le coronavirus arrive vraiment au Congo, ce sera un drame avec des milliers de morts chaque jour. Là-bas, j’ai mes parents et mon grand-frère, je leur dis de faire très, très attention parce que quand le virus est arrivé ici, j’ai tout de suite pensé à l’Afrique. Quand j’appelle, je me retiens parce que je ne veux pas leur faire peur. On ne peut pas vivre comme ça.»

Julien Mollereau

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