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Covid-19 : le sport amateur frise le « burn-out associatif »


Ballotés de suspensions en reports, les terrains amateurs restent désespérément vides. (illustration AFP)

Plus d’un tiers d’adhérents en moins, des compétitions annulées, une lassitude des bénévoles et des pratiquants : le sport amateur français bataille depuis des mois pour se maintenir en vie depuis le début de la pandémie et peine à entrevoir le bout du tunnel.

Sur les hauteurs de Clamart, en région parisienne, les deux bulles du club de tennis qui jouxtent le bois sont fermées. Et désespérément vides. Une pluie fine et une température inconciliable d’ordinaire avec une partie de tennis n’ont pourtant pas découragé deux adhérents, qui bravent ces conditions sur l’un des quatre courts extérieurs, dont deux terre battues impraticables. « C’est mieux que rien », lâche l’un d’eux.

Une scène qui résume bien le fil ténu sur lequel le sport amateur tient depuis des mois, accumulant des mois de privation et une longue frustration. Plus les semaines passent, plus l’espoir de reprendre « comme avant » s’éloigne pour les 17 millions de pratiquants amateurs de sport.

« Cette pandémie a tout bouleversé. C’est un choc inédit, et on ne sait pas ni quand ni si ça va repartir », résume le président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), Denis Masseglia.

Depuis le 14 janvier, les mineurs qui avaient le privilège de pouvoir pratiquer leur sport en salle (judo, tennis, natation, volley-ball, basket-ball, gymnastique…) ont été priés de se rabattre vers les infrastructures extérieures. C’était déjà le cas pour les adultes depuis le mois d’octobre.

« Je commence à en avoir marre »

« En ce moment on n’en voit pas le bout. Quand on pense que ça va un peu mieux, et bien ça repart. On n’est pas le secteur le plus à plaindre, mais c’est vrai qu’au quotidien c’est usant pour les dirigeants, pour les éducateurs et pour les familles », souligne Denis Lafoux, directeur général de la Fédération française des clubs omnisports (près de 750 000 adhérents).

La crise, déjà bien ancrée dès la rentrée, s’est sensiblement aggravée ces dernières semaines avec désormais « entre 30% et 40% de baisse d’adhésions » dans les clubs, selon Denis Masseglia. « Pour certaines fédérations, c’est jusqu’à 50%, et c’est encore plus marqué dans les milieux ruraux et modestes »‘, assure Emmanuelle Bonnet-Ouladj, présidente de la FSGT (270 000 adhérents). Difficile de chiffrer précisément la perte, alors que le CNOSF évoquait dès le mois d’octobre un milliard d’euros en moins dans les caisses des clubs et des fédérations.

Pour le club de football amateur de Clamart, l’aspect financier n’est pas forcément le plus grand danger qui guette. « On va tenir, on n’a plus trop de frais avec les matches annulés. Non, le souci, c’est de gérer les familles, les parents, qui n’arrêtent pas de se plaindre », lâche, énervé, un bénévole du club. « Moi je commence à en avoir marre. J’ai 70 ans, et je fais de la permanence téléphonique », s’agace encore ce bénévole dont le club de 650 adhérents a seulement perdu 10% de licenciés.

Cette lassitude des bénévoles, prémices à un éventuel décrochage de cette population invisible qui représentent près de 85% du personnel des clubs amateurs, constitue aussi un risque bien ciblé du milieu associatif.

Tenir, « mais jusqu’à quand ? »

« Il y a certaines situations de burn-out associatif. C’est très dur. Je suis inquiète de la santé psychologique des bénévoles et des dirigeants », s’alarme Emmanuelle Bonnet-Ouladj.

Les éducateurs salariés commencent eux aussi à tirer la langue. « Ça devient dur pour eux », explique Morgane Oliviero, présidente du tennis club de Clamart qui compte 14 salariés pour 1 200 adhérents. « Les profs de tennis ne peuvent plus faire de stage, ne peuvent plus faire de leçons individuelles. Ils sont touchés financièrement ». Et comme dans d’autres clubs, les demandes de remboursement de cotisations s’accumulent. « On fera un geste », assure Morgane Oliviero. D’autres clubs ne pourront pas.

Si la ministre des sports Roxana Maracineanu a évoqué une enveloppe d’aide de 200 millions d’euros pour le sport amateur, incluant notamment le fonds d’urgence et le pass’sport -pas encore en place-, les clubs peinent à se dépêtrer de l’écheveau administratif pour réclamer ces aides.

« Clairement, pour certains dirigeants, c’est un peu compliqué, ça implique un peu de paperasse, et ils ne sont pas habitués », explique Denis Lafoux. Pour l’instant, l’édifice tient encore fébrilement. « Nous tenons mais jusqu’à quand ? Les clubs les plus costauds vont s’en remettre, mais certaines fédérations ont vraiment du mal. Franchement je suis logiquement et normalement inquiet pour la suite », reconnaît Denis Masseglia.

LQ/AFP

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