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Au-delà des Frontières : une association pour un «transfrontalier harmonieux»


Dominique Gros ce jeudi matin à Metz : "ce n'est pas un combat français. C'est une question sur l'Europe que nous voulons" (photo : Hubert Gamelon).

L’ancien maire de Metz, Dominique Gros, a présenté ce jeudi matin la nouvelle association « Au-delà des Frontières » : des politiques, citoyens et chercheurs de la Grande Région veulent poursuivre dans la voie d’une meilleure équité transfrontalière, en dehors de toute « politique politicienne ».

Qui ?

Au-delà des Frontières (ADF) regroupe des élus et anciens élus de Lorraine, des chercheurs et des citoyens (frontaliers et non-frontaliers) partisans d’une meilleure équité transfrontalière. Dominique Gros, l’ancien maire de Metz, est évidemment dans les membres fondateurs. On retrouve par exemple aussi le sénateur Olivier Jacquin, le maire de Talange, Patrick Abate, ou encore le conseiller départemental Alain Casoni (54). Mais aussi des figures politiques lorraines, comme André Rossinot, l’ancien ministre Christian Eckert et, donc, Dominique Gros. Parmi les chercheurs, notons que le géographe luxembourgeois Claude Gengler est membre fondateur de l’association.

Patrick Abate, Dominique Gros, Alain Casoni et Jean-Marc Duriez, parmi la dizaine de membres fondateurs ((Photo : HG).

Patrick Abate, Dominique Gros, Alain Casoni et Jean-Marc Duriez, parmi la dizaine de membres fondateurs (Photo : H. G.).

Pour viser quoi ?

Un territoire franco-luxembourgeois harmonieux, où le « juste partage de la fiscalité et des charges en zone frontalière » est enfin assumé, plutôt que la concentration des moyens au sein du seul territoire luxembourgeois. L’expression émane de la recommandation adoptée par le Conseil de l’Europe sur la base du fameux rapport Lambertz en 2019. Ce rapport est la pierre angulaire de l’association (lire ci-dessous).

Gros / Grosdidier ? Pas de match politique

Inévitablement, la presse a posé la question… n’est-ce pas l’occasion pour l’ancien maire de Metz de poursuivre un combat que son successeur, François Grosdidier, a mis au placard ? La réponse a été tranchante : « l’association est en réalité créée depuis la fin de mon mandat, nous communiquons aujourd’hui… je n’ai plus de bataille électorale à mener. Je n’ai aucune envie de polémiquer sur ce sujet. Pourquoi instaurer un clivage politique sur ce qui relève de la nécessité ? Nous ne pourrons pas réaliser un espace transfrontalier vertueux sans une forme de redistribution sur la fiscalité. Il y a un mur à la fin, une congestion évidente, et nous avons l’appui de l’intelligentsia luxembourgeoise avec nous. »

Dominique Gros note d’ailleurs que Xavier Bettel lui-même a ouvert une fenêtre lors de son récent discours à la Nation. « Il a dit : ‘tout seuls nous ne sommes plus à même de surmonter les crises. Il faut que nous soyons plus reconnaissants. Ceci concerne notamment les accords avec nos pays voisins dans les domaines de la fiscalité et de la sécurité sociale.’ Donc on a un Luxembourg qui bougerait sur des options fiscales et des élus lorrains qui diraient ‘ola non surtout pas’ ? »

L’ancien maire de Metz  a évoqué un phénomène de métropolisation où il ne s’agit en aucun cas de « faire la révolution ». L’exemple de métropoles françaises vertueuses, telles que Lyon ou Bordeaux, a été cité dans l’assemblée… Des Alain Juppé ou Gérard Colomb ont bien accepté que, sur un budget commun d’un grand Bordeaux ou grand Lyon, des investissements dans la mobilité ou dans l’éducation soient réalisés jusqu’aux confins de leur métropole.

« C’est exactement ça, a répondu Dominique Gros. Sauf que là, l’effet de métropolisation de Luxembourg s’arrête net à la frontière .» Exemple criant avec la conférence de François Bausch sur le tram rapide de Luxembourg jusqu’à Belval (et pas un mètre plus loin !), mercredi, où le versant français n’est même pas évoqué.

Et les Luxembourgeois ?

C’est la presse luxembourgeoise, en l’occurrence Le Quotidien (avec un drapeau luxembourgeois derrière le sac à dos dans Metz !), qui a soulevé la question : « de plus en plus de Luxembourgeois ne peuvent plus vivre au Luxembourg eux-mêmes et deviennent frontaliers… Une manifestation de résidents a eu lieu samedi dernier, une première. Ce combat d’équité est-il pour eux aussi ? »

Dominique Gros : « ce n’est pas un combat français, il faut être clair là-dessus. C’est une question de l’Europe que nous voulons. 3 500 Luxembourgeois vivent du côté français selon nos dernières estimations, plus de 10 000 dans toute la Grande Région. Pour des questions de loyers, de place pour la famille…ils sont aussi défavorablement desservis que n’importe quel autre frontalier par les faibles capacités d’investissements des communes dans lesquels ils résident. »

Alain Casoni, maire de Villerupt pendant des années, a rappelé l’étude sur les capacités financières des communes frontalières par rapport aux communes de la région Grand Est de la même strate : « plus on s’approche de la frontière, plus la ressource fiscale est pauvre. Tout simplement car nous n’avons pas d’entreprises à taxer, vu que nous accueillons toute la main-d’œuvre mais que les entreprises sont de l’autre côté, c’est un cas inédit dans tout le Grand Est ! »

Patrick Abate, le maire de Talange au franc-parler, a renchéri : « nous avons des promoteurs qui montent en ce moment des projets au standing luxembourgeois, pour les proposer aux agences luxembourgeoises. Moi je dis très bien, on accueille tout le monde : mais avec quels moyens d’investissements ensuite pour les infrastructures ? Il ne suffit pas de loger les gens, vous comprenez.»

Patrick Abate a conclu : « on a refait les calculs avec les chercheurs de l’équipe : les frontaliers apportent 3,6 milliards d’euros au budget de 23 milliards d’euros de l’État luxembourgeois actuel. Là-dessus, on a 1,8 milliard qui va directement aux 100 communes du Luxembourg. Si vous mettez 300 millions de rétrocession fiscale à destination des 2 000 communes belges, françaises et allemandes qui accueillent actuellement des frontaliers, il reste 1,5 milliard pour les communes luxembourgeoises. Donc, arrêtons de plaquer des discours idéologiques là-dessus ! »

Hubert Gamelon

Les recommandations du Conseil de l’Europe

Le rapport Karl-Heinz Lambert recommande notamment de :

• « répartir équitablement les recettes fiscales » qui découlent d’une main-d’œuvre vivant des deux côtés de la frontière.
• « soutenir la formation des populations transfrontalières afin de permettre de mieux tirer parti des possibilités d’emploi transfrontalier ». Dominique Gros a cité l’exemple criant de la formation du personnel soignant du côté mosellan : « c’est bien simple, nous avons trois écoles d’infirmièr(e)s sur le territoire, l’une des trois alimentent chaque année exclusivement le Luxembourg. »
• « homogénéiser les conditions dans lesquels les dépenses sont prises en charge par le budget du pays bénéficiant de l’imposition de la main-d’œuvre en faveur des territoires de résidence des frontaliers ».
Ces recommandations avaient été adoptées à 90 % des membres du Conseil de l’Europe, à commencer par la France, en 2019 : « le gouvernement français doit maintenant pleinement s’en saisir et surtout ne pas écarter les territoires frontaliers des retombées, ce qui serait une défaite pour tout le monde », a précisé Dominique Gros.

Retrouvez une analyse détaillée de la conférence dans l’édition de vendredi du Quotidien

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