Le ministre des Finances luxembourgeois, Pierre Gramegna, rappelle ce mercredi que «le Luxembourg suit avec une très grande attention les travaux» menés par l’OCDE. Les impacts de la réforme de la fiscalité mondiale des géants du numérique sont toutefois difficiles à cerner. En cause ? «La rapidité avec laquelle avancent les discussions à l’OCDE.»
Ce n’est pas «circulez, il n’y a rien à voir». Mais plutôt : «circulez, on y voit pas grand-chose». Interrogé par le député Mars Di Bartolomeo (LSAP), le ministre des Finances n’a pas donné d’éléments précis ce mercredi, sur l’impact de la réforme de la fiscalité des Google et consorts.
Nous pouvons retenir trois enseignements, toutefois :
- Des craintes existent : alors que le député sudiste lui met deux études positives pour le Grand-Duché sous le nez, Pierre Gramegna estime que «les propositions en discussion à l’OCDE pourraient impacter davantage les pays ayant une économie ouverte et disposant d’un marché national relativement réduit». Dont le Luxembourg. Il poursuit ensuite : «Il n’est donc pas exclu que les propositions de l’OCDE puissent impliquer pour le Luxembourg des pertes budgétaires dont l’ampleur précise reste à apprécier», en fonction de la réforme finale, qui devrait être arrêtée avant la fin de l’année.
- Ce ne sont pas que les GAFA… Pierre Gramegna rappelle ensuite que la réforme aura un impact au-delà des seules entreprises du numérique. Ces dernières symbolisent la vélocité des superentreprises à se jouer des règles nationales, mais le projet porte bien sur une «réforme de la fiscalité internationale des entreprises». Pour le dire autrement, la réforme concerne plutôt la numérisation de l’économie mondiale.
- Quid de la «spécificité des économies» de tous les États membres ? Le ministre Gramegna conclut en se plaçant au niveau européen. Il explique que le Luxembourg insiste auprès de l’UE, notamment en Conseil des ministres des Finances, pour que «les travaux menés à l’OCDE puissent prendre en compte les spécificités de toutes les économies des États membres, y compris du point de vue budgétaire».
Dans un entretien accordé aux Échos en novembre, Pierre Gramegna expliquait qu’il n’était «pas très inquiet» par l’érosion fiscale qui serait engendrée par la réforme de l’OCDE, tout en confiant encore attendre que les traits des textes s’affinent. D’une façon plus globale, et c’est intéressant, le ministre estimait que «la fiscalité joue et jouera un rôle bien moins important [à l’avenir] quant aux décisions d’implantation des entreprises dans un pays donné». Sous-entendu : la position géographique d’un pays, son écosystème social et politique, les services proposés, le «AAA» et bien d’autres critères deviendront plus déterminants dans les choix.
Hubert Gamelon
L’esprit de la réforme
Comment taxer les entreprises qui se développent sur un plan mondial ? Celles qui n’ont plus forcément pignon sur rue. Dans le pays où les biens et services sont consommés ? Dans le pays où l’entreprise possède son siège social, et où bien souvent, elle s’ingénie à y rapatrier ses bénéfices ? Dans le pays où sont déposés les brevets et où la recherche est principalement réalisée ?
Voici le défi que tente de relever l’OCDE, dans le sillage de différentes réformes déjà menées contre l’érosion des bases fiscales nationales.