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Revalorisation du secteur des soins : une prime n’est pas le seul remède


La Chambre des députés compte revenir en automne sur la proposition de José Castro, assis tout à droite (chemise blanche) au côté de la ministre Paulette Lenert, pour verser une prime unique au personnel de santé. (Photo : Fabrizio Pizzolante)

La Chambre a débattu, lundi, de la pétition réclamant une prime unique pour le personnel des soins ayant lutté contre le Covid-19. Un tel geste n’est pas exclu, mais le débat sera élargi en automne.

Ils étaient des milliers à applaudir au fil de la crise sanitaire le personnel des soins mais aussi tous les autres travailleurs essentiels qui ont tout fait «pour garder le pays en vie», comme le résume Mars Di Bartolomeo (LSAP).

Très rapidement, les voix réclamant une prime pour remercier leur dévouement se sont élevées. «José Castro figurait parmi ceux qui ont applaudi», note Nancy Kemp-Arendt (CSV) en ouvrant le débat sur la pétition intitulée «Une prime unique pour tout le personnel des hôpitaux, cliniques, maisons médicales et maisons de soins pour leur engagement exceptionnel dans cette période de crise contre le Covid-19». Déposée le 24 mars par ce même José Castro, la pétition a en fin de compte récolté 4 624 signatures, ouvrant la voie à un échange public avec les députés.

«L’hommage rendu au personnel des soins ne doit pas uniquement être symbolique. Il doit aussi s’agir d’une récompense réelle», souligne lors de son exposé des motifs le pétitionnaire. À la suite de primes versées par des acteurs du secteur alimentaire, José Castro estime que «l’État doit montrer l’exemple» pour honorer aussi le personnel médical.

Cotisation unique de 10 à 15 euros de l’heure

Son modèle repose sur le principe de la solidarité. Pour financer la prime unique, il propose d’instaurer une cotisation exceptionnelle de 1 % sur tous les revenus dépassant les 3 000 euros bruts.

«L’État s’est suffisamment endetté lors de cette crise», avance le pétitionnaire. La cotisation unique doit permettre de verser une prime située entre 10 et 15 euros par heure de travail prestée pendant les trois mois de l’état de crise. En Bavière, une prime semblable est plafonnée à 1 500 euros. José Castro vise assez large : «Un hôpital constitue un ensemble. Un médecin ne peut rien faire sans l’infirmière à ses côtés. Rien ne fonctionne non plus sans le personnel de nettoyage ou les personnes assurant la logistique.»

Au vu du soutien témoigné quotidiennement par la population, le pétitionnaire se dit optimiste quant à la volonté des gens de contribuer à cette prime. «Il s’agit de 30 euros sur un revenu de 3 000 euros ou de 100 euros sur un revenu de 10 000 euros», précise-t-il.

Sa requête, soutenue par plus de 4 600 signataires, n’a cependant pas été validée lundi par le camp politique. Du moins pas dans l’immédiat. Lors de l’échange avec les députés, le principe d’équité a été mis en avant à plusieurs reprises. «Si l’État accorde une telle prime, elle doit être équitable», avance ainsi Gast Gibéryen (ADR). En d’autres termes : si la main publique décide d’une prime pour récompenser le personnel soignant, pourquoi ne serait-ce pas le cas pour les autres membres de la société ayant travaillé d’arrache-pied pendant la phase la plus aiguë de la crise sanitaire ? «Ce genre de complication, on le retrouve aussi avec les aides que l’on a décidées pour d’autres secteurs», complète Marc Goergen (Parti pirate).

Autre problème soulevé par les élus. «Le versement d’une telle prime ne serait-elle pas contreproductive en sachant que les problèmes du secteur sont bien plus larges», demande Marc Hansen (déi gréng). «L’un n’exclut pas l’autre. Le cas échéant, le camp politique – y compris nous en tant que Chambre – devrait réagir», répond Martine Hansen (CSV).

Sur base des débats de lundi, une prime pour remercier ceux qui ont lutté en première ligne contre le Covid-19 reste toutefois possible. La discussion sera néanmoins fortement élargie en automne. En conclusion de l’échange à huis clos des députés, la présidente de la commission des Pétitions, Nancy Kemp-Arendt (CSV), a annoncé l’organisation d’une large consultation («hearing») des acteurs du terrain. Ils pourront à tour de rôle soumettre leurs doléances aux députés.

«Ne pas prendre le risque d’oublier quelqu’un»

Le pétitionnaire a lui-même renvoyé vers les problèmes existants : l’investissement concret dans de nouvelles infrastructures ou encore le besoin de revaloriser la carrière et la formation du personnel des soins. André Bauler (DP) énumère la même liste de priorités. «Nous nous attelons déjà à ces sujets en commission parlementaire», annonce Mars Di Bartolomeo. «Une prime qui serait un geste isolé ne sera pas une intervention qui va suffisamment en profondeur», ajoute l’élu socialiste.

Assise à côté du pétitionnaire, la ministre de la Santé a demandé un répit pour évaluer à son tour la gestion de la crise avec les acteurs du terrain. «Le problème qui les préoccupe n’est pas forcément d’ordre pécuniaire. L’attractivité des professions de soins et la formation pèsent bien plus lourdement. Le constat n’est pas neuf», fait remarquer la ministre renvoyant vers les discussions déjà entamées dans le cadre du Gesondheetsdësch, la grande table ronde lancée en février pour préparer l’avenir du secteur des soins de santé. «Les travaux vont reprendre en automne», promet-elle.

Une prime n’est donc pas le seul remède, mais Paulette Lenert se dit ouverte à la possibilité de faire un geste. «Les plus de 500 bénévoles mais aussi toutes les autres personnes qui se sont jointes à la lutte doivent aussi entrer en ligne de compte. L’exercice est complexe», note Paulette Lenert, qui ne souhaite pas «prendre le risque d’oublier quelqu’un».

David Marques

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