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Réforme fiscale : l’impôt sur les bénéfices est déjà minimal


Pierre Gramegna ne promet pas de révolution sur le niveau d'imposition des sociétés.

Le taux d’imposition des entreprises fait débat entre organisations patronales et syndicales, alors que le débat sur la réforme fiscale annoncée pour 2017 est lancé.

Combien les entreprises payent-elles d’impôt au Luxembourg? Depuis quelques mois, la question oppose les patrons et les syndicats dans la perspective de la réforme fiscale. En l’absence d’une étude officielle sérieuse, chacun avance des chiffres différents. Pourtant, chaque année, le cabinet PWC élabore un document de référence sur le sujet.

Officiellement, les entreprises sont soumises, au Luxembourg, à un taux d’imposition de 28 %. Beaucoup trop pour les organisations patronales qui y voient un frein au développement de leur business, à la création d’emplois et à la croissance de manière générale. D’où leur revendication de voir ce taux abaissé et passer au moins sous la barre des 20 % dans la future réforme fiscale annoncée par le gouvernement pour 2017.

Pour les syndicats patronaux, une moindre fiscalité est aussi nécessaire aux entreprises luxembourgeoises pour rester compétitives sur le marché international. «Nous voyons le taux évoluer pour arriver à terme à 15 %, parce que c’est la direction que prennent les taux à l’étranger. Dans des pays comme le Liechtenstein ou l’Irlande, on est en-dessous des 13 %. Nous voyons désormais que les Anglais baissent fortement leur taux, ils viennent d’annoncer qu’ils le fixeront à 18 %», affirmait ainsi le président de l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL), Jean-Jacques Rommes, dans un entretien accordé à nos confrères de RTL radio, début septembre.

Une direction que ne récuse pas totalement le ministre des Finances, Pierre Gramegna, évoquant lui aussi la piste des 15 %.

Une hérésie pour les syndicats

Une hérésie pour les syndicats, soulignant à juste titre que l’essentiel du poids fiscal repose aujourd’hui sur les ménages et qu’un abaissement de l’imposition des entreprises alourdirait encore la facture des particuliers. Dans une interview accordée au Quotidien le 12 octobre, le président de l’OGBL, André Roeltgen, jugeait pour sa part que personne ne savait précisément à quel taux les entreprises sont imposées. Déplorant qu’aucune étude sérieuse sur le sujet ne soit fournie, il comparait l’imposition des entreprises à une «boîte noire».

Les syndicats avancent parfois, un peu au hasard et sans grande certitude, le chiffre de 15 %. En fait, selon les chiffres fournis par le rapport Paying Taxes 2015 réalisé par le cabinet PWC, la charge fiscale totale pesant sur les entreprises au Luxembourg se monte à 20,2 %, c’est-à-dire le deuxième taux le plus faible en Europe. En moyenne, le taux d’imposition nominal des sociétés est de 41 % en Europe, soit quasiment le double de ce qu’il est au Grand-Duché, comme l’a souligné la semaine passée le parti déi Lenk dans une contribution au débat fiscal.

Quant au taux d’imposition sur les bénéfices il est actuellement de… 4,2 %, là encore le deuxième taux le plus faible en Europe, juste derrière la Croatie. Il convient cependant de manier ce chiffre avec des pincettes, tant il dissimule de distorsions.

En cause notamment, les rescrits fiscaux, ou tax rulings, accordés à des centaines de multinationales dont le taux d’imposition sur les bénéfices oscille entre 0 et 2,5 %. De quoi faire baisser sacrément la moyenne. Mais pour l’artisan, le commerçant ou le chef de PME luxembourgeois, cela ne change pas grand-chose, puisque les bénéfices qu’ils réalisent sont imposés bien au-delà de ces 4,2 %, quand bien même ils peuvent, eux aussi, bénéficier d’un certain nombre d’exemptions et exonérations, dans un objectif de soutien de leur activité.

Prime aux multinationales

Les multinationales, qui entretiennent au Luxembourg des sièges internationaux – souvent fictifs – pour échapper à l’impôt dans les pays où elles réalisent leurs bénéfices, se trouvent donc la plupart du temps avantagées par rapport aux entreprises luxembourgeoises, qui contribuent pourtant à l’économie réelle du pays. Autrement dit, plus une entreprise est grosse et riche, plus elle a de chances de payer un impôt dérisoire.

Bien que le système des tax rulings permette au pays de drainer des rentrées fiscales qui, sans cela, lui échapperaient probablement, il s’agit d’une injustice de plus s’ajoutant au déséquilibre fiscal en défaveur les ménages. Et qui met en perspective la nécessité d’une réforme allant vers davantage de justice fiscale.

Mais Pierre Gramegna a d’ores et déjà prévenu que la réforme annoncée en grande pompe par le gouvernement «ne sera pas énorme». Et, pour le gouvernement, sûrement moins urgente en termes d’image, maintenant que l’OCDE a retiré le Grand-Duché de la liste noire des paradis fiscaux.

Fabien Grasser

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