Fort de son expérience sur le plan communal, le jeune député du CSV se voit confirmé dans sa conviction que les mandats sur les plans national et local ne sont plus compatibles. Il appelle tous les partis à dégager un large consensus sur la question.
Il n’a pas eu le temps de chômer. Les deux premiers mois de Max Hengel comme député ont été intenses. Aux dossiers épinglés comme prioritaires (santé, logement, éducation) est venue s’ajouter la guerre en Ukraine. De plus, la double échéance électorale de 2023 approche à grands pas. Max Hengel évoque le rôle des communes pour atténuer la crise du logement, la sortie de la crise sanitaire, le renouveau de son parti et les ambitions pour les communales et législatives à venir.
Vous avez été assermenté le 12 janvier en tant que député. Près de deux mois plus tard, quel est le premier bilan que vous pouvez tirer?
Max Hengel : En tant que coordinateur politique du CSV, j’ai déjà pu acquérir une bonne connaissance des rouages. Passer des coulisses au premier rang est cependant une tout autre dimension, notamment en ce qui concerne la gestion de l’agenda. En cette période de polycrise, les réunions s’enchaînent, sans que l’on puisse prendre le recul nécessaire et se préparer comme on le souhaiterait.
Lors de votre discours d’entrée, vous avez notamment identifié le logement comme une de vos priorités. Les communes sont incitées à s’engager davantage dans la réalisation de projets immobiliers. Cet appel est-il audible pour une commune plus petite comme Wormeldange, où vous êtes échevin?
Nous nous trouvons encore en pleine refonte de notre plan d’aménagement général (PAG). Le deuxième vote est prévu après les vacances de Pâques. En tant que commune mosellane, il existe des contraintes que d’autres localités n’ont pas. Je songe au cœur historique de villages de vignerons comme Ahn ou Ehnen où le patrimoine architectural doit être conservé. Une commune a la responsabilité de protéger son patrimoine. En même temps, il faut enlever la peur aux gens qui redoutent qu’un bâtiment classé ne puisse plus être transformé ou rénové. Une commune se doit aussi de protéger l’environnement. Or les communes qui souhaitent s’engager pour construire davantage de logements se voient confrontées à de trop longues procédures d’autorisation. Il faudrait travailler sur une coopération plus étroite entre communes et ministères pour mieux allier protection de l’environnement et construction.
Qui dit construction de logements, dit aussi croissance de la population. Le défi d’accueillir un plus grand nombre d’habitants est-il particulier pour une petite commune?
Début 2020, nous avons dépassé le cap des 3 000 habitants. Il est évident qu’une commune qui grandit doit être en mesure de satisfaire les besoins de ses habitants, que ce soit en termes d’infrastructures ou en termes de services. Il nous faut anticiper les choses afin d’être prêts à accueillir les habitants de demain.
Néanmoins, une commune de la taille de Wormeldange n’est pas en mesure d’occuper le rôle de maître d’ouvrage. La volonté d’investir dans le logement est présente, mais il nous faut bénéficier du soutien nécessaire pour pouvoir gérer et réaliser un tel projet d’envergure.
La santé est un autre dossier que vous avez épinglé. Vendredi, la quasi-intégralité des restrictions anticovid a été levée. Une décision justifiée?
La situation reste complexe. Des experts allemands, par exemple, mettent en garde contre le sous-variant d’Omicron qui peut provoquer un taux d’infection très élevé. Au Luxembourg, la tendance au niveau des infections est aussi à la hausse. Le taux d’occupation des hôpitaux reste bien évidemment le facteur clé. Mais même avec les ouvertures qui arrivent, il serait erroné de mettre de côté le débat sur l’obligation vaccinale. Le virus reste bien présent. On sera très probablement confronté à une nouvelle vague d’infections en automne. Il faudra être préparé à ce scénario. Le cadre doit être posé afin de n’adopter, le cas échéant, que le strict minimum de nouvelles restrictions. L’Horeca, les vignerons ou le tourisme ont trop fortement souffert ces deux dernières années pour décréter de nouvelles fermetures.
Une de vos préoccupations est aussi l’impact du covid sur les enfants et les écoles. Quelle est l’importance de l’abolition du port obligatoire du masque?
Je suis le père de deux enfants âgés de 9 et 11 ans. Le port du masque a constitué une corvée pour les jeunes. Ces derniers mois, on a été confronté à la situation cocasse que les adultes ont pu retourner faire la fête sans masque alors que les enfants étaient toujours forcés de le porter. Les adolescents étaient aussi restreints pour aller, par exemple, avec des amis au cinéma. Tout cela a pu causer du stress chez les enfants, mais aussi chez les parents. On a très longtemps eu l’impression que le ministre de l’Éducation nationale ne voulait rien entendre pour améliorer la situation des élèves, que ce soit grâce à l’emploi de purificateurs d’air ou grâce à d’autres concessions.
Avec vos 44 ans, vous êtes un des plus jeunes députés du CSV. Le renouvellement des rangs a-t-il été engagé trop tardivement par votre parti?
Serge Wilmes est le seul à être moins âgé que moi. Mais même à 44 ans, je me sens toujours jeune (il rit). Grâce à mon engagement dans des clubs ou d’autres associations, je continue à entretenir un bon contact avec la jeune génération. De la part du parti, je reçois beaucoup de soutien. Les retours sont positifs. Pour moi, il est évident que l’on a besoin d’un sain mélange. Être jeune en politique, cela peut aussi désigner un plus âgé qui s’engage pour la première fois en politique. Cela peut aussi constituer une grande plus-value. Tout dépend de la personne en question.
Néanmoins, on a l’impression que certains élus plus âgés refusent de passer le flambeau à de nouveaux visages. S’agit-il d’une erreur?
C’est compliqué à juger. Il faut tenir compte de notre système électoral. En Allemagne, les partis ont la possibilité de placer de jeunes candidats en ordre utile sur les listes électorales. Au Luxembourg, le résultat électoral dépend fortement de la popularité du candidat. Par la force des choses, un élu sortant récolte plus facilement des voix qu’un jeune inconnu. Et le parti a aussi besoin de ces voix. Je suis d’autant plus reconnaissant à Françoise Hetto-Gaasch d’avoir accepté de libérer son siège afin que je puisse me profiler en vue des élections de 2023.
Un autre débat concerne le non-cumul des mandats. Vous avez été bourgmestre, désormais vous êtes député-échevin. Est-il encore possible d’assumer deux mandats à la fois?
Pour le moment, j’ai la chance de ne plus occuper le poste de bourgmestre. Cela me dégage du temps pour me concentrer davantage sur mon poste de député. La commune reste toutefois ma principale assise. À la longue, la fin du cumul des mandats s’impose. Des règles claires doivent être établies. Un accord global est à établir entre tous les partis. Il est trop tard pour le faire avant les deux scrutins de 2023, mais il faut viser l’horizon de 2028 et 2029, voire les échéances électorales suivantes (NDLR : une législature s’étend sur cinq ans, un mandat communal sur six ans). Nous devons nous prendre au sérieux.
Que voulez-vous dire par là?
Un député bénéficie d’un congé politique de 20 heures. C’est largement insuffisant. La charge de travail et les responsabilités des élus communaux vont crescendo. Une autre organisation est à mettre en place. La séparation des mandats est aussi une question de crédibilité. On a enfin besoin d’un statut adéquat pour le député et le bourgmestre. Néanmoins, il faut qu’une représentation des élus locaux sur le plan national reste assurée. Le maintien de la confiance en la politique nécessite que chaque citoyen puisse continuer à compter sur au moins un élu qui s’engage pour sa commune ou sa région. Cela est d’autant plus important que l’on dispose toujours d’une obligation électorale. La proximité reste primordiale.
Ceci dit, allez-vous faire un choix pour le double scrutin de 2023? Ou quand même postuler au niveau communal et au niveau national?
Il est acquis que je vais me présenter tant aux élections communales à Wormeldange qu’aux élections législatives dans la circonscription Est. Peu importe le candidat ou le parti, il nous faudra tout d’abord un large consensus sur la séparation des mandats avant de poser un choix entre commune ou Chambre. Il est, par contre, encore trop tôt pour affirmer s’il est plus réjouissant d’être député ou bourgmestre. En tant que bourgmestre, vous vous trouvez dans l’exécutif, tandis que je me retrouve dans l’opposition au Parlement. Le fait qu’une petite commune comme Wormeldange soit représentée par un élu au niveau national ne fait cependant pas de mal. Le contact avec les ministres est notamment plus aisé.
Le CSV achèvera en 2023 une deuxième législature sur les bancs de l’opposition. Le parti est toutefois solidement ancré dans les coalitions formées sur le plan communal. Une confirmation de ce résultat aux communales de juin peut-elle ouvrir la porte à un retour au pouvoir après les législatives d’octobre?
Il sera important que l’on soit parvenu à résoudre les tensions en interne. Il ne faut pas non plus trop regarder en arrière, même si la création de Fokus (NDLR : le nouveau parti de l’ancien président du CSV Frank Engel) va encore faire parler. Quoi qu’il en soit, le CSV devra se focaliser sur lui-même. Une véritable analyse des forces et faiblesses est engagée. À partir de là, il faudra définir les bonnes priorités. Le CSV a un peu trop gardé le réflexe d’un parti du gouvernement, où l’importance est de transmettre une décision prise aux électeurs potentiels.
Qu’est-ce qui manque donc à votre parti?
En tant que parti d’opposition, il faut agir différemment. Il est primordial d’être proche des gens, de sentir leur pouls et de comprendre quelles sont leurs préoccupations. Ce contact a cruellement manqué lors de la pandémie. Dorénavant, il nous faut refaire ce retard. La politique doit être à l’écoute, proposer des solutions et offrir une perspective.
Après dix années passées dans l’opposition, le CSV est-il prêt à revenir au gouvernement, et si oui, sous quelles conditions?
Des coalitions à deux partis semblent appartenir au passé. Il faut donc se résoudre au fait que le CSV ne devra pas forcément occuper le poste de Premier ministre pour intégrer un gouvernement. La volonté de trouver des compromis doit être présente. L’électeur attend que les mandataires défendent ses intérêts sans se perdre dans des querelles futiles. Le fait que les grandes problématiques auxquelles est confronté le pays soient identifiées comme priorités par tous les partis doit faciliter cette entente.
Il faut se résoudre au fait que le CSV ne devra pas forcément occuper le poste de Premier ministre pour intégrer un gouvernement