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Luxembourg : il n’y aura pas de droit au télétravail


La pétition qui avait récolté près de 6 000 signatures laissait espérer à son auteur, Serge Remy, une évolution autre que la décision annoncée (Photo : Hervé Montaigu).

Après le débat sur le télétravail lundi matin, Dan Kersch a précisé qu’il n’y aurait pas de droit au télétravail et qu’il se fera comme auparavant sur la base du volontariat. Ni l’employeur ni l’employé ne peut l’imposer.

Le télétravail a permis à la Chambre des députés de continuer à fonctionner pendant le confinement. La présidente de la commission des Pétitions, Nancy Arendt, ne l’oublie pas et le précise d’emblée dans son introduction au débat d’hier matin relatif à l’instauration d’un droit au télétravail. La pétition qui avait récolté près de 6 000 signatures laissait espérer à son auteur, Serge Remy, une évolution dans ce sens. Mais le ministre du Travail, Dan Kersch, est venu doucher ses espoirs.
Comme le préconisait le Conseil économique et social dans son avis rendu en septembre dernier, le télétravail se fera sur la base du volontariat et ne pourra être imposé ni par l’employeur ni par le salarié. «Ce sont les partenaires sociaux qui doivent régler cette question», insiste Dan Kersch en rappelant qu’une convention-cadre existe depuis 2006 et que le législateur sera saisi uniquement d’un projet de loi sur le droit à la déconnexion, déposé dans le courant du premier semestre 2021.

L’auteur de la pétition défend 47 jours de télétravail par an, soit un jour par semaine et voudrait que le principe soit inscrit dans une loi. «Si l’employeur refuse, le salarié n’a aucun levier pour pouvoir en bénéficier», rappelle Serge Remy. Tout le problème est là. Un jour par semaine cela signifie moins de stress sur les routes et un trafic plus fluide, donc moins de pollution aussi.

«Avant le mois de mars de cette année, on pensait que le télétravail ne marcherait jamais, mais on a bien vu que si. Il s’est mis en place dans l’urgence, sans préparation, sans accompagnement», explique le pétitionnaire employé dans un établissement financier. «Le problème c’est que l’on peut trouver un accord dans les entreprises qui ont une convention collective, mais dans une structure plus petite qui n’en a pas, le patron peut tout simplement le refuser», regrette celui qui insiste pour l’instauration d’un droit au télétravail. Il cite l’exemple de son épouse, assistante sociale, qui doit réaliser 60 % de son travail sur le terrain au contact avec les gens, mais qui peut toutefois rédiger ses rapports à la maison donc effectuer 40 % de sa tâche en télétravail.

L’espace nécessaire

Serge Remy conçoit que cette évolution du droit du travail a des conséquences sur les traités fiscaux, mais pour lui c’est un épouvantail. «Pour les Français, il serait même avantageux pour eux de payer une partie de leurs impôts en France», précise-t-il. Mais ce n’est pas le cas pour les Belges ou les Allemands.
Il craint de voir s’installer une différence de traitement entre salariés résidents et non résidents. C’est précisément ce que le gouvernement veut éviter. Le télétravail des frontaliers est un casse-tête pour les impôts et pour la sécurité sociale.

Pour le pétitionnaire, un jour par semaine c’est le minimum. «Le but c’est vraiment une réduction du trafic. Mais en dessous de 20 %, l’effet risque d’être marginal. Or on sait que l’un des obstacles à la croissance c’est le trafic et le télétravail peut y remédier», insiste-t-il.

Au cours du débat de lundi, les députés ont relevé que le télétravail pose d’autres problèmes. Si l’on dispose d’un bureau dans une maison, c’est vivable. Mais quid du salarié qui vit dans 40 m2 et qui pose son ordinateur entre la cafetière et le lave-linge ? Peut-on lui imposer de travailler un jour par semaine dans de telles conditions? Et si le partenaire est également en télétravail, cela devient rapidement un enfer. «J’ai bien conscience qu’à 7 dans 40 m2 c’est impossible», convient sans hésiter le pétitionnaire. Comme il ne peut pas imaginer non plus le salarié travailler avec un enfant sur les genoux.
Le ministre a été clair, il n’y aura ni un droit ni une obligation au télétravail et le dossier restera entre les mains des partenaires sociaux qui se sont unanimement positionnés sur la question en septembre dernier. Au Luxembourg, le régime de télétravail fait l’objet d’un encadrement juridique à travers une convention-cadre signée le 21 février 2006 entre l’Union des entreprises luxembourgeoises (UEL) et les syndicats OGBL et LCGB et déclarée d’obligation générale le 15 mars 2016 par voie de règlement grand-ducal.

Dan Kersch a rappelé qu’il est en train de négocier avec les partenaires sociaux (UEL, OGBL, LCGB) une nouvelle Convention nationale relative au télétravail qu’il espère voir signée avant la fin du mois. Elle reflétera l’avis du CES qui fait la différence entre télétravail occasionnel (comme c’est le cas pour la pandémie actuellement) et récurrent. «Nous avons trouvé des définitions à ces deux formes de télétravail», précise le ministre.
Actuellement, le télétravail régulier et habituel doit être réalisé par la conclusion d’un avenant entre chaque salarié individuellement et l’employeur ou par tout autre accord écrit.

Pendant le confinement, 69 % des personnes actives (à l’exclusion des personnes étant en chômage partiel et celles étant en congé pour raisons familiales) sont passées au télétravail, généralement sans accord ou écrit formel et de ce fait en dehors du cadre juridique existant.

Geneviève Montaigu

Lire par ailleurs : refus du droit au télétravail, des considérations économiques aussi

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