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Légalisation du cannabis au Luxembourg: le débat est relancé


Le cannabis est la drogue la plus consommée au Luxembourg. (illustration Editpress)

La pétition n°1031 déposée fin mai avait dépassé en quelques heures seulement le seuil des 4500 signatures. Jeudi matin, les pétitionnaires ont eu droit au débat public à la Chambre des députés.

Le cannabis est la drogue la plus consommée au Luxembourg. La ministre de la Santé l’a rappelé jeudi. Selon les dernières estimations, 9,8% des jeunes âgés entre 15 et 34 ans ont indiqué en avoir consommé plus ou moins régulièrement les 12 derniers mois.

Que la politique en matière de drogue ces dernières décennies n’ait pas toujours été la plus efficace, le ministre de la Justice ne le nie pas. Grâce à l’initiative de la pétition, la discussion est désormais bel est bien relancée.

Le plus beau cadeau était de laisser aux députés quelque chose avant les vacances sur quoi ils peuvent se casser un peu la tête.» Les trois pétitionnaires avaient le sourire hier matin quand le président de la commission des Pétitions, Marco Schank, leur a annoncé qu’au mois de septembre une commission jointe sera organisée pour débattre de façon élargie des problématiques liées aux drogues, dont le cannabis, mais aussi à l’alcool, aux jeux ou encore aux médicaments.

« L’approche répressive est un échec »

Cette commission étudiera aussi les modèles adoptés par les différents pays en la matière. «Au Luxembourg, la devise nationale est « Mir wëlle bleiwe wat mir sinn ». Je suis content qu’après 45 ans un certain mouvement se mette en place dans ce dossier. L’approche répressive est un échec», réagissait le pétitionnaire Guy Munhowen.

Légaliser le cannabis récréatif et le distribuer dans des coffee shops au Luxembourg, c’est l’objectif de la pétition publique 1031. Dans la tribune, le public était au rendez-vous jeudi matin pour le débat.

Quelques jeunes avaient aussi pris place pour écouter les pétitionnaires défendre leur cause. «Moi-même, je ne suis pas consommateur de cannabis. Mais je souhaite protéger la jeunesse, les consommateurs, la population en général et l’État de droit contre les marchés parallèles et les dangers liés au trafic.» Voilà les mots de l’auteur de la pétition, Joé Schmit, pour lancer le débat.

« Rien n’est sous contrôle »

La législation luxembourgeoise en matière de drogues remonte à 1973. «Avec ce texte de loi, l’État a donné le contrôle à des structures mafieuses. Aujourd’hui, avec le trafic illégal, rien n’est sous contrôle», a estimé Guy Munhowen, en prenant la parole.

Il a proposé une nuance par rapport au texte initial de la pétition : «Je préfère parler de réglementation plutôt que de légalisation.» Les requérants ne défendent pas une vente libre du cannabis, mais des conditions strictes d’encadrement. Ainsi, son commerce serait interdit dans un rayon de 500 mètres autour des écoles et il ne serait pas possible d’acheter plus de 5 g par adulte.

La pétition de Joé Schmit (au c.) demandant à légaliser le cannabis récréatif a récolté près de 7500 signatures. (photo : Hervé Montaigu)

La pétition de Joé Schmit (au c.) demandant à légaliser le cannabis récréatif a récolté près de 7500 signatures.
(photo : Hervé Montaigu)

Les questions ont fusé de la part des députés : sachant qu’une grande partie des consommateurs sont des mineurs, comment ce modèle peut empêcher le maintien d’un marché parallèle avec des dealers? Qu’en est-il de la problématique du tourisme de la drogue?

Comment assurer la qualité de la marchandise? Comment imaginez-vous régler le problème avec les usagers de la route?… Le débat était lancé.

«Les jeux vidéo causent eux aussi des psychoses»

Les arguments des pétitionnaires ne manquaient pas : «Le Luxembourg a toujours fait avancer l’Europe dans l’histoire…» «Il n’y a pas que le cannabis qui peut provoquer une psychose, mais aussi les jeux vidéo…»

Le CSV est contre la légalisation du cannabis, mais se dit ouvert à la discussion. L’ADR plaide pour une solution au niveau européen. Déi Lénk comme les partis de la majorité penchent vers une certaine réglementation du cannabis. Mais il faudrait bien préparer le terrain.

«Le modèle canadien est intéressant, mais…»

Si les pétitionnaires estiment que le modèle canadien devrait servir d’exemple – il offre un cadre pour la production et la distribution du cannabis en punissant sévèrement la vente de cannabis aux mineurs, bien que ceux-ci aient le droit d’en posséder –, les ministres appellent à la prudence.

«C’est un modèle très intéressant. Mais il a un grand désavantage. Il date de 2018. On ne peut donc pas en tirer des enseignements», soulève Lydia Mutsch. Lors de son intervention, la ministre de la Santé a rappelé que le Luxembourg fait partie des pays minoritaires qui ont décriminalisé l’usage du cannabis.

Pour le ministre de la Justice, l’actuelle loi n’est pas hypocrite : «Tout est interdit : l’achat, la consommation, la vente.» Félix Braz a aussi nuancé les chiffres livrés par les pétitionnaires. Actuellement, 22 % des détenus sont à Schrassig pour des infractions en matière de stupéfiants. Et le cannabis n’en est pas la seule raison…

«La police aura toujours du travail»
La pétition a été un succès avec ses près de 7 500 signatures (7 314 ont été validées). «En moins de 24 heures, on avait récolté plus de 4 500 signatures. Du jamais vu», se réjouit son auteur, Joé Schmit. D’après Marco Schank, cette initiative a probablement mené à la présence du débat sur le cannabis dans la campagne des élections législatives. Le ministre de la Justice a toutefois dès hier balayé l’argument selon lequel une légalisation du cannabis allègerait le travail des autorités policières et judiciaires : «Il restera toujours du travail pour la police et la justice. Car il faudra contrôler s’il n’y a pas de marchés parallèles.»

Fabienne Armborst

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