Les électeurs ont dit massivement leur attachement à leur identité qu’ils sentent menacée. Et, à travers elle, leur langue nationale. On peut rabâcher comme on veut que le Luxembourg compte trois langues, il n’y en a qu’une qui est attachée à son identité, et c’est le luxembourgeois. Aux yeux des électeurs, personne ne peut se prétendre luxembourgeois sans la maîtrise de cette langue. C’est l’effort qu’ils demandent, sans quoi il n’y a pas d’intégration possible.
Tout au long du débat qui a précédé le référendum et la question de l’extension du droit de vote actif aux résidents étrangers, la problématique des langues a été abondamment discutée. D’abord pour dire que les étrangers à qui le gouvernement entend accorder ce droit, ne comprennent rien à la politique nationale étant donné qu’ils ne maîtrisent pas la langue luxembourgeoise. Le chef de la fraction CSV, Claude Wiseler, a reconnu lui-même que cette maîtrise était nécessaire «parce que l’on ne parle que luxembourgeois à la télé et à la radio». Pour certains politiques, donc, il n’y a plus que les médias audiovisuels qui comptent. Ils oublient la presse luxembourgeoise francophone et surtout les sites internet du gouvernement et de la Chambre des députés, sans compter ceux des Chambres professionnelles. Certains vont même jusqu’à oublier que les lois sont bel et bien rédigées en français.
Les gens vivent les uns à côté des autres
Mais soit, les électeurs n’ont pas massivement voté non dimanche parce que les étrangers, selon eux, ne peuvent pas suivre le débat politique dans une autre langue que le luxembourgeois, ce qui est d’ailleurs faux. Au demeurant, de nombreux étrangers parlent luxembourgeois, même s’ils sont loin d’être majoritaires.
Cette langue, que l’on ne peut qu’apprendre au pays et dans quelques régions frontalières qui ont instauré des cours, de nombreux résidents étrangers s’en passent allégrement. Et c’est précisément ce qui fait bondir ceux qui en ont hérité en tant que langue maternelle et même ceux qui l’ont acquise soit à l’école, soit au terme de gros efforts. Elle reste pourtant, pour de nombreux électeurs, la seule voie qui mène à l’intégration. Des résidents peuvent passer une vie entière au Luxembourg sans jamais prononcer un mot de luxembourgeois et s’y sentir très bien. Parce que le problème du Luxembourg réside dans ce constat très simple : les gens vivent les uns à côté des autres, dans des réseaux qui ne se mélangent pas.
Communautés et réseaux
C’est ainsi que des non-Luxembourgeois ont bâti ou intégré des communautés dans lesquelles ils évoluent sans s’encombrer de barrière linguistique. Des communautés d’intérêts que des Luxembourgeois fréquentent sans faire de différence et où la langue française, voire anglaise, prédomine. Mais la grande majorité des Luxembourgeois restent persuadés que leur langue maternelle est indispensable au «vivre ensemble». Et ils n’ont pas tout-à-fait tort.
Beaucoup d’entre eux, lors des débats, ont estimé que les résidents que le pays accueille, certes par besoin, pourraient faire preuve de respect en apprenant la langue du pays. Puis, avec cette maîtrise en poche, prendre la nationalité luxembourgeoise s’ils le souhaitent et alors aller voter et même se présenter aux élections. C’est ce chemin qu’ils privilégient. On remarque combien ils désapprouvent le fait que de nombreux compatriotes ne parlent pas le luxembourgeois. Car ils sont quelques milliers à être naturalisés sans pour autant pouvoir s’exprimer dans la langue du pays. Celle qui véhicule leur culture.
Même si cette langue n’a jamais été aussi vivante qu’aujourd’hui, ils continuent à la sentir en danger. Et surtout, ils rejettent la langue française comme langue de communication et d’intégration, lui préférant celle qui colle viscéralement à l’identité du pays. La langue nationale des Luxembourgeois est le luxembourgeois, il ne faut pas l’oublier. Elle est aussi la langue d’intégration. Si elle n’est pas aussi indispensable dans la capitale, qui compte plus de résidents étrangers que de Luxembourgeois, elle le devient dans tous les villages de ce pays. Les Luxembourgeois apprécient cet effort.
Bien sûr, ce n’est pas seulement cet aspect linguistique qui a conduit au rejet massif du droit de vote des étrangers. Mais il y a contribué. Ne l’oublions pas. Il serait temps d’offrir aux résidents étrangers un apprentissage digne de ce nom.
Geneviève Montaigu
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