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Jean-Claude Juncker défend son Europe dans «Le Quotidien»


«Mon idée était que l'UE se concentre sur les grandes affaires et n'interfère plus dans tous les méandres de la vie quotidienne des Européens», déclare Jean-Claude Juncker. (photo Editpress/Didier Sylvestre)

Jean-Claude Juncker a accepté de dresser avec Le Quotidien le bilan de son mandat à la tête de la Commission européenne. Il évoque aussi sa vision de la gouvernance et se livre sur le scrutin européen.

Au début de votre mandat, vous aviez souligné que c’était la dernière chance pour la Commission de démontrer qu’elle travaille dans l’intérêt des citoyens européens. Cinq ans plus tard, vous estimez que cet objectif a été rempli?

Jean-Claude Juncker : Mon idée était que l’UE se concentre sur les grandes affaires et n’interfère plus dans tous les méandres de la vie quotidienne des Européens. Est-ce que nous l’avons fait? Oui, car nous avons présenté moins d’initiatives que les Commissions précédentes, qui en faisaient 130, et nous nous sommes bornés à en faire 23. J’ai retiré de la table des colégislateurs (NDLR : Parlement européen et Conseil de l’UE) 134 propositions et nous en avons simplifié 150. Donc, nous avons essayé de faire mieux en faisant moins. Curieusement, cela n’a pas plu à certains milieux parlementaires qui nous reprochaient de ne pas leur mettre suffisamment de propositions sous la dent. Or il restait 400 propositions à évacuer. Certains sont aussi tombés dans la propagande anti-Commission, comme encore récemment le chancelier autrichien auquel j’ai répondu vertement dans une interview. Il nous reprochait le fait que la Commission était en train de surréguler, de mettre ses doigts dans toutes les affaires quotidiennes des Européens, ce qui n’est pas le cas. Je cite parfois comme exemple, même si cela peut paraître ridicule, le fait que les Commissions qui m’ont précédé voulaient harmoniser les chasses d’eau en Europe. Ce qui eût été intelligent, car en termes d’énergie, cela joue son rôle. Mais à un moment où il y a la guerre en Irak et en Syrie, l’UE devrait se concentrer sur les grands enjeux et laisser tout le reste aux soins des États membres.

Justement, ces crises à répétition n’ont-elles pas miné votre intention d’avancer davantage sur les grandes priorités fixées en début de mandat?

C’est une question qui paraît facile, mais à laquelle il est difficile de répondre. J’ai commencé mon mandat avec la crise grecque. Il y a eu plusieurs gouvernements qui voulaient exclure la Grèce de la zone euro, ce à quoi je me suis opposé. Les gouvernements respectifs m’ont couvert d’invectives et d’injures parce que je m’appropriais un rôle qu’ils pensaient réservé aux seuls chefs d’État et de gouvernement. Mais comme la Commission est selon les traités en charge de l’intérêt communautaire, je devais agir. Donc, nous avons fait tout ce que nous avons pu pour la Grèce. Avec le Premier ministre, Alexis Tsipras, je m’entendais et je m’entends toujours bien. Nous étions d’accord sur l’essentiel des choses sociales, qui intéressaient peu les autres. J’ai introduit dans le système grec une évaluation des conséquences sociales de tous les programmes grecs, ce qui a changé la donne.

La crise grecque a été suivie par au moins deux autres crises majeures, dont en premier lieu celle liée à la gestion des flux migratoires. N’êtes-vous pas déçu du manque de solidarité au sein de l’UE?

J’ai lu dans vos colonnes que l’Europe devait avoir honte d’avoir stoppé le volet de secours en mer de l’opération Sophia. Vous avez raison! Mais il s’agit d’une décision des chefs d’État et de gouvernement. Au niveau de la Commission, je considère toujours que nous avons vu juste. J’avais dit devant le Parlement le 15 juillet 2014, lorsque j’ai été accepté comme président de la Commission, que le régime migratoire était une des grandes questions d’avenir pour l’UE. En avril 2015, après une nouvelle tragédie en Méditerranée, nous avons triplé le nombre de bateaux européens faisant du sauvetage en mer. Tout le monde a applaudi, et je me rappelle très bien que je disais aux eurodéputés : « Vous applaudissez maintenant, mais est-ce que vous allez encore applaudir lorsque nous allons faire nos propositions? ». Les quatre opérations maritimes européennes ont depuis contribué à sauver plus de 750000 vies. Mais en fin de compte, les applaudissements furent moins audibles lorsque nous avons proposé un système d’asile basé sur le principe de la solidarité entre États membres. On a aidé la Grèce et l’Italie financièrement, mais aussi du point de vue des ressources humaines. Les Italiens continuent à dire que nous étions absents, alors que nous avons beaucoup fait pour soutenir l’Italie.

Retrouvez l’intégralité de l’interview de trois pages de Jean-Claude Juncker, dans laquelle il revient sur le scandale LuxLeaks ou encore sur la campagne des européennes, dans notre édition papier de lundi.

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