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«Il n’y a pas de détenu type», explique la nouvelle directrice de Schrassig


Le centre pénitencier du Luxembourg que gère Joke Van der Stricht compte 510 prisonniers (photo : Alain Rischard).

Nommée directrice du centre pénitentiaire de Luxembourg (CPL), Joke Van der Stricht évoque ses missions actuelles et à venir.

«Je ne compte pas révolutionner les choses, je prends la suite et c’est la suite logique des choses.» Directrice du centre pénitentiaire de Luxembourg (CPL) depuis le 1er février en lieu et place de Michel Lucius parti en retraite, Joke Van der Stricht connaît bien les lieux. Titulaire d’un master en criminologie de la Vrije Universiteit Brussel et après avoir suivi un parcours universitaire axé sur les sujets des prisons, de la pénologie, du droit pénal et de la psychologie légale, elle a intégré le CPL en janvier 2013 en tant qu’attachée avant d’en devenir directrice adjointe en janvier 2016. Et depuis un mois, elle est, à 32 ans, la première femme à la tête du CPL. Un point qu’elle ne met pas en avant : «Il n’y a pas de différences entre un homme et une femme, il faut avoir les compétences requises pour assurer la fonction.»

Joke Van der Stricht a ses idées et sa philosophie : «Pour moi, la prison doit être la dernière des solutions. Si c’est possible, il faut privilégier les alternatives à l’incarcération, comme, par exemple, les peines de prison avec sursis, la liberté provisoire, le bracelet électronique ou les travaux d’intérêt général. Il est important de pouvoir garder sa situation à l’extérieur, ses liens familiaux, son travail, son logement…»

Sa première mission consiste à gérer le quotidien du CPL, qui compte aujourd’hui 510 prisonniers, parmi lesquels il n’y a aucun mineur actuellement. «La proportion de condamnés et de prévenus – c’est-à-dire ceux dans l’attente d’un jugement – est de moitié-moitié, note Joke Van der Stricht. Actuellement, même si quelques-uns sont à deux ou dans des cas rares et exceptionnels trois par cellule, nous ne sommes pas surpeuplés (NDLR : le CPL a une capacité maximale de 597 lits).» Et qui sont les condamnés et les prévenus? «Il n’y a pas de détenu type, répond la directrice du CPL. Tous les âges, toutes les nationalités, toutes les catégories socio-professionnelles, tous les caractères… sont représentés. La prison est le miroir de notre société et de notre pays.»

Objectif : réinsertion sociale

Et comme pour l’ensemble de la société, le quotidien de la prison de Schrassig passe aussi par la lutte contre la crise sanitaire liée au Covid-19. Dès le mois de mars 2020, le CPL a mis en place une procédure : chaque détenu fait un test PCR à son arrivée avant d’être mis en quarantaine pendant 7 jours dans une section réservée à cet effet dans l’établissement avant de refaire un test PCR. Et si ce dernier se révèle négatif, il rejoint sa cellule et le reste de la population carcérale. Et si les visites sont toujours autorisées, les lieux ont été aménagés avec notamment des vitres en plexiglas. Les contacts entre visiteurs et prisonniers sont interdits et le port du masque est obligatoire. «On a eu des détenus positifs au Covid-19 à leur arrivée. S’ils étaient asymptomatiques, ils étaient placés à l’isolement ici, s’ils avaient des symptômes, ils étaient envoyés à l’hôpital», souligne la directrice du CPL avant de préciser : «Nous n’avons eu aucun cas positif à l’intérieur même du CPL.»

Mis en service en 1984 et ayant fait l’objet d’une extension en 2002, le CPL a hébergé presque 700 détenus en 2006 et 2007. Il s’est donc retrouvé en surpopulation et cette situation, difficile à prévoir, peut encore arriver. Aujourd’hui, le nombre de détenus reste élevé. Il a donc été décidé, il y a plusieurs années maintenant, de construire un nouveau centre pénitentiaire, destiné aux prévenus. Le centre pénitentiaire d’Uerschterhaff (CPU, lire encadré) va ainsi permettre de désengorger le CPL. Après l’ouverture du CPU, le CPL sera réservé aux hommes condamnés ainsi qu’aux femmes prévenues et condamnées. Des réflexions relatives à une restructuration du CPL afin d’assurer une prise en charge mieux adaptée aux besoins des condamnés sont actuellement menées.

Et la nouvelle directrice du CPL est d’ores et déjà à pied d’œuvre sur le sujet. «Aujourd’hui, on peut bien travailler avec 500 détenus, mais avec moins ce serait mieux. Et nous ne pouvons pas faire de grands changements en raison du manque de place dans les infrastructures actuelles, confie Joke Van der Stricht. Mais une fois que le CPU sera ouvert fin 2022 et que les prévenus seront transférés là-bas, nous espérons pouvoir mettre en place de nouveaux projets. On aimerait donner une cellule individuelle à chaque détenu, instaurer un service de gériatrie, etc. Nous voulons créer ici un endroit où nous pouvons continuer la mise en œuvre de la réforme de 2018 et mettre en place des outils adaptés en vue de la réinsertion sociale des détenus. Aujourd’hui, nous avons quelque 250 détenus qui travaillent à la buanderie centrale et auprès des autres ateliers (peinture, menuiserie, etc.). Nous voulons moderniser ces ateliers et en proposer d’autres avec des débouchés au niveau de l’Horeca ou de la maçonnerie par exemple. Nous sommes aussi en contact avec le ministère de l’Éducation nationale afin d’organiser des modules de formation professionnelle.» Et comme le dit, la directrice du CPL «le chantier de Schrassig d’après l’ouverture du CPU est en cours». 

Guillaume Chassaing

« Infractions et peines des condamnées »

Voici, à la date du 1er janvier 2021, la nature des infractions et la durée des peines des condamnés au centre pénitentiaire de Luxembourg (CPL) et au centre pénitentiaire de Givenich (CPG), hommes et femmes confondus.

Nature des infractions des condamnés : stupéfiants : 53; vol simple 40; coups et blessures volontaires : 35; homicide volontaire : 34; vol à l’aide de violences : 28; viol : 17; vol qualifié : 17; tentative d’homicide volontaire : 16; circulation : 13; autres : 53.

Durée des peines prononcées : moins de 6 mois : 56; entre 6 mois et 1 an : 221; entre 1 an et 3 ans : 102; entre 3 ans et  5 ans : 39; supérieure à 5 ans : 20. Peines criminelles à temps (110 en tout) : moins de 10 ans : 43; entre 10 ans et 15 ans : 23; entre 15 ans et 20 ans : 18; entre 20 ans et 30 ans : 26. Réclusion à vie : 8.

« Le CPU attendu pour fin 2022 »

Le 30 juin 2017, le premier coup de pelle du futur centre pénitentiaire d’Uerschterhaff (CPU) à Sanem avait été donné. Aujourd’hui, le CPU est d’ores et déjà sorti de terre et sa mise en service est prévue pour la fin de l’année 2022. Sur la table depuis plusieurs années, la prison de Sanem a pour objectif de désengorger le centre pénitentiaire de Schrassig en accueillant exclusivement les personnes en détention provisoire, qu’on nomme les prévenus, c’est-à-dire les personnes en attente d’un jugement (le procès ou l’enquête est en cours).

Réparti sur un terrain de 8,6 hectares situé à proximité de Soleuvre, l’établissement pénitentiaire de Sanem sera encerclé d’un mur d’une hauteur de six mètres. D’une surface totale brute de 45 300 m² (la surface nette d’exploitation est de 23 100 m²), la future prison, qui devrait donc être opérationnelle fin 2022 ou au plus tard début 2023, pourra accueillir 400 personnes en détention provisoire et environ 300 membres du personnel. Le complexe répond, avec sa forme hexagonale, au plus près aux exigences organisationnelles et sécuritaires du service pénitentiaire.

Réalisés par le cabinet d’architectes Christian Bauer et Associés, les bâtiments seront répartis en trois zones. Zone 1 : bâtiment d’entrée, sas de contrôle, service administratif, institut de formation pénitentiaire… Zone 2 : espaces visiteurs, auditions, admissions, hébergements des prévenus avec une répartition en quatre unités, infrastructures sportives, service médical… Zone 3 : service d’unité de garde et service mobile de la police grand-ducale assurant le transport des prévenus. Il existera trois types de cellules : les individuelles d’une surface nette de 11 m²; les doubles d’une surface nette de 15,8 m²; des doubles pour prévenus à mobilité réduite d’une surface nette de 18 m².

La conception énergétique a été élaborée selon les normes et réglementations en vigueur, en suivant les objectifs d’efficacité de l’enveloppe extérieure, de réduction maximum des pertes énergétiques, de l’activation thermique des dalles, de l’optimisation des installations techniques pour une consommation d’énergie réduite au maximum… Le coût total de la construction a été budgétisé à 155,65 millions d’euros.

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