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Harcèlement au travail : le projet de loi divise


Le 22 septembre dernier, Dan Kersch, alors ministre du Travail, présentait le texte dans les grandes lignes. (photo archives LQ/Fabrizio Pizzolante)

Le nouveau texte de loi, censé protéger davantage les victimes de harcèlement moral au travail, peine à convaincre parmi les chambres professionnelles.

C’était un engagement de l’accord gouvernemental : le projet de loi 7864, déposé à la Chambre des députés en juillet 2021, vise à encadrer légalement le harcèlement moral – jusqu’ici couvert uniquement par une convention interprofessionnelle entre syndicats et patronat datant de 2009 – et à introduire un dispositif de protection pour les travailleurs victimes.

Car si la notion de harcèlement moral fait partie intégrante du système juridique luxembourgeois, les tribunaux se fondent toujours sur le droit commun pour statuer sur ces cas, imposant à la victime d’apporter la preuve du harcèlement moral mais aussi que le préjudice subi y est directement lié.

En inscrivant le harcèlement moral dans le code du travail, il serait pour la première fois clairement défini comme «tout comportement, acte ou conduite qui, par sa répétition ou sa systématisation, porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychique et physique d’une personne en créant un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant».

Le texte prévoit aussi l’obligation pour l’employeur de faire cesser immédiatement toute forme de harcèlement : à défaut, le salarié pourrait saisir directement l’Inspection du travail et des mines pour le contraindre à prendre des mesures – celles-ci ne pouvant être au détriment de la victime, qui se trouverait également protégée contre tout licenciement abusif, selon le projet de loi. Et s’il décidait de démissionner pour cause de harcèlement, l’employé serait alors éligible aux indemnités de chômage.

Des avancées importantes, semble-t-il, pourtant, le texte fait quasiment l’unanimité contre lui : la Chambre de commerce et la Chambre des métiers dénoncent l’absence totale de concertation avec les partenaires sociaux, et réclament un délai pour plancher sur «ce sujet complexe», tout en jugeant d’ores et déjà certaines mesures «inacceptables» en l’état.

Les deux chambres professionnelles estiment en effet que le régime prévu par le projet de loi s’aligne sur celui du harcèlement sexuel et craignent qu’en pratique des salariés malhonnêtes contestent tout licenciement pour faute grave en invoquant un harcèlement moral, dans le seul but de toucher l’indemnité de chômage en attendant une décision judiciaire.

Toujours à la victime d’apporter la preuve

Même si elle n’est pas directement concernée, la Chambre des fonctionnaires et des employés publics formule, elle aussi, des réserves, tout en marquant son accord : elle signale notamment que «de plus en plus souvent, des personnes estiment être victimes d’un harcèlement moral lorsque leur employeur, leur supérieur hiérarchique ou le chef d’administration les incite seulement (…) à effectuer leur travail correctement» et appelle à ne pas tomber dans des «exagérations».

De son côté, la Chambre des salariés regrette surtout que le renversement de la charge de la preuve, selon lequel c’est au mis en cause de prouver qu’il n’a pas harcelé la victime, ne figure pas dans le texte, comme c’est le cas pour le harcèlement sexuel. Même critique pour le Centre pour l’égalité de traitement, qui se dit «dubitatif» sur l’efficacité de telles mesures alors «qu’aucun renversement ou allègement de la charge de la preuve pour la victime n’est prévu».

Un choix que l’ex-ministre Dan Kersch avait justifié en commission parlementaire, présentant la nouvelle possibilité d’un recours auprès de l’ITM comme une compensation. Le Conseil d’État devrait se prononcer dans les prochains mois, avant un vote à la Chambre des députés.

Un commentaire

  1. Arrêtez-donc de légiférer pour un oui ou pour un non.
    Ce que vous auriez de plus utile à faire, c’est de diminuer d’un facteur deux au moins le nombre de lois et règlements.

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