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Demandeurs d’asile : quand la direction de l’Immigration « préjuge »


"Est-ce que nous faisons un tri ? Certainement pas", se défend la direction de l'Immigration. (illustration Hervé Montaigu)

Selon le Lëtzebuerger Flüchtlingsrot – Collectif Réfugiés (LFR), certains demandeurs d’asile seraient «intimidés, voire découragés» par les agents de l’administration lors du dépôt de leur demande. Les autorités démentent.

Des représentants d’associations membres du LFR se sont retrouvés mardi matin devant la direction de l’Immigration. Leur objectif : aller à la rencontre des demandeurs de protection internationale venus pour déposer une demande d’asile afin de les informer de l’existence d’associations à qui ils peuvent s’adresser en cas de question. Mais mardi, personne n’a pu enregistrer sa demande de protection internationale à la direction de l’Immigration en raison «d’un problème informatique».

Depuis quelques semaines, les associations membres du LFR ont récolté de nombreux témoignages de «demandeurs d’asile qui se trouvent découragés, voire intimidés, de demander la protection internationale dans les locaux de la direction de l’Immigration, souligne le LFR dans un communiqué. La situation semble prendre une ampleur particulière dans le contexte sanitaire actuel. Ainsi, il serait désormais quotidien que des personnes échouent à obtenir une attestation de dépôt de demande de protection internationale.» Et le LFR de rappeler que «la possibilité d’introduire une demande de protection internationale est un préalable essentiel à l’exercice du droit d’asile, consacré par la Convention de Genève et par l’article 18 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne».

«Cette manière de faire n’est pas nouvelle de la part de la direction de l’Immigration, confie l’avocat Frank Wies, représentant d’Amnesty International au sein du LFR. Mais ce que les associations constatent est que les témoignages relatant cette manière de faire ont réellement augmenté. Par exemple, au cours d’une journée, dix personnes se seraient présentées à la direction de l’Immigration et uniquement une seule a pu enregistrer sa demande de protection internationale. On leur dit que cela ne sert à rien de faire la demande ici, que de toute manière ils seront transférés en application de Dublin III, qu’ils ont déjà le statut en Grèce ou en Italie et qu’ils seront renvoyés, etc. Mais ces personnes ont des droits et notamment le droit à la procédure au Luxembourg. Et finalement, certains se retrouvent dans la rue sans connaître leurs droits. Il n’appartient pas à un agent de préjuger d’une demande d’asile.»

«Un tri ? Certainement pas»

Dans son communiqué, le LFR complète en soulignant qu’«il n’appartient pas à l’administration de « faire un tri » en amont de l’enregistrement des demandes. En effet, le droit de demander l’asile est universel et en agissant ainsi, l’administration prive ces personnes des garanties et droits liés à la procédure administrative». Le LFR compare la chose à la police qui est obligée d’enregistrer les plaintes «même si les agents en question sont persuadés que cela n’est pas fondé».

De son côté, le directeur de la direction de l’Immigration, Jean-Paul Reiter, réfute : «Est-ce que nous faisons un tri ? Certainement pas. Nous expliquons en long et en large la procédure. On les informe de leurs droits. Et certains d’entre eux décident de ne pas déposer la demande d’asile. Et ceux qui souhaitent déposer une demande de protection internationale, nous l’enregistrons.»

Une position partagée par Jean Asselborn, le ministre des Affaires étrangères et européennes, de l’Immigration et de l’Asile : «Au niveau de la procédure d’introduction des demandes de protection internationale, les agents fournissent aux demandeurs des informations pertinentes sur la procédure d’asile; ces informations sont transmises oralement en présence d’un interprète. Conformément à l’article 11 de la loi du 18 décembre 2015 et l’article 4 du règlement Dublin lll, les agents ont une obligation légale d’informer les personnes qui, selon les dispositions légales, ne sont pas qualifiées afin que la procédure se continue au Luxembourg. La loi du 18 décembre 2015 énumère clairement les situations dans lesquelles soit une décision d’incompétence soit une décision d’irrecevabilité est prise. Afin de ne pas donner de faux espoirs à ces personnes, il importe de leur fournir dès que possible ces informations.»

Jean Asselborn poursuit : «Il s’avère dans la pratique qu’une fois informées, de nombreuses personnes décident de ne pas introduire une demande de protection internationale et repartent vers l’État membre soit responsable de leur demande, soit qui leur a déjà accordé une protection internationale. Cette décision personnelle est actée par écrit et contresignée par les intéressés. Si toutefois, une personne maintient son souhait d’introduire une demande de protection internationale, cette dernière sera enregistrée en bonne et due forme.» Les membres du LFR devraient néanmoins poursuivre leur présence devant la direction de l’Immigration au cours des prochains jours. À suivre…

Guillaume Chassaing

Un commentaire

  1. Mohamed toure

    J’aime Luxembourg

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