La population fait attention, sans plus, et parfois oublie le coronavirus le temps d’une bise ou d’une poignée de main. Pourtant, si les habitudes changent, c’est un pas dans la bonne direction.
Entre camarades, dimanche dernier lors du congrès du Parti socialiste luxembourgeois (LSAP), on se salue sans retenue. Vas-y que je t’embrasse, que je te serre la pince, que je te tombe dans les bras et tout cela sous les yeux de la ministre de la Santé, Paulette Lenert, vice-présidente du LSAP.
Le coronavirus Covid-19 n’occupe pas tous les esprits en permanence et sa dangerosité est diversement appréciée, tout comme les recommandations de l’OMS qui préconise d’éviter les contacts proches et de garder une distance respectable d’un mètre avec son interlocuteur. Dans la rue, au travail, dans les allées d’un supermarché, la vie semble s’écouler normalement. C’est parfois trompeur.
«Je m’impose des règles»
Chacun a son avis sur la question. Sabine pince ses lèvres en arrivant à la caisse de son supermarché, les plisse légèrement pour saluer la caissière mais ne desserre pas les dents. Elle est en «semi-quarantaine», consentira-t-elle à nous expliquer une fois à l’extérieur, sur le parking, avec son chariot comme barricade et distance de sécurité. Et c’est quoi une semi-quarantaine ? «Je m’impose des règles parce qu’une personne de mon entourage a été invitée à rester chez lui pendant 15 jours pour avoir côtoyé une personne infectée sur son lieu de travail donc je fais très attention avec les autres», explique-t-elle.
Elle ne se rend plus auprès de personnes âgées, épargne comme elle peut celles qu’elle croise dans la rue, se lave les mains «au moins 20 fois par jour» et s’efforce de les garder dans les poches pour ne pas être tentée de les laisser traîner. Plus de cinéma, plus de restaurant, elle attend que ça passe.
La caissière qui l’a servie, une jeune femme non loin de la trentaine, sourit à la question «vous ne craignez pas d’être contaminée ?». Elle saisit son flacon de gel désinfectant comme une arme redoutable face au virus. «On obéit aux règles d’hygiène et les gens doivent en faire autant, alors on évitera peut-être le pire», dit cette frontalière qui voit défiler du monde à sa caisse où s’échangent billets et pièces. Selon elle, le supermarché fait actuellement un chiffre digne du mois de décembre.
Il y a une semaine encore, quelques grandes enseignes nous confiaient qu’aucun vent de panique ne s’était emparé des clients qui, certes, achetaient un peu plus pour certains, mais ne faisaient pas grand cas du coronavirus. La situation évolue vite. Quand le ministère de la Santé annonce sept cas et un frontalier testés positifs et 76 personnes en quarantaine, ces chiffres commencent à compter.
Les restaurants tirent la langue
Dans les restaurants, les bars et les hôtels, la baisse de fréquentation est notable. «En revanche, les commandes de pizzas sont en hausse», témoigne cet hôtelier-restaurateur qui avoue en revanche avoir perdu 30% de clientèle sur les chambres et le restaurant. L’ensemble du secteur est actuellement en souffrance comme l’a confirmé l’Horesca auprès de nos confrères de la radio 100,7 en précisant que les établissements comptaient jusqu’à 60% de réservations annulées. Il ne s’agit pas d’autochtones qui boudent les sorties, mais d’événements annulés ou reportés par les entreprises pour limiter les voyages des participants.
Ce virus commence de plus à plus à inquiéter la population, mais ne crée pas pour autant la panique. Il y a encore et toujours ceux qui accusent les médias de trop en faire alors que le coronavirus ne serait pas pire qu’une grippe. Il faut pourtant admettre que la communauté scientifique a revu son estimation du problème. Cela ne suffit pas aux plus irréductibles qui refusent de croire à un réel danger.
Chez les jeunes, dans les lycées, on ne change pas les habitudes. «Les élèves s’embrassent, se serrent la main, même les profs le font encore pour la plupart», témoigne cette chargée de cours d’un lycée de la capitale. Ce sont pourtant les mesures d’hygiène individuelles qui comptent le plus dans cette crise du coronavirus.
Geneviève Montaigu
Deux nouveaux cas
Le ministère de la Santé met à jour ses informations et, mardi en fin de journée, deux nouveaux cas de personnes infectées se sont ajoutés et sept personnes de plus ont été placées en quarantaine. Ces personnes revenaient d’un séjour aux États-Unis et en Suisse. Actuellement, il y a donc sept personnes infectées et 76 personnes en quarantaine.
La hotline 8002 8080 est disponible pour tout renseignement alors que le 112 reste de mise pour les urgences. Le site sante.lu livre toutes les informations nécessaires sur l’épidémie et guide également les salariés et leurs employeurs dans cette période de crise.
Le rôle des communes
Les communes commençaient à s’impatienter et ont finalement demandé une entrevue avec les responsables du gouvernement pour connaître leur rôle dans cette crise du coronavirus.
Le Syndicat des villes et communes luxembourgeoises (Syvicol) a dû rappeler le gouvernement à son bon souvenir. «Nous voulions connaître notre rôle dans cette crise sanitaire parce que le gouvernement ne nous avait pas encore contactés», informe le président du Syvicol, Émile Eicher. Une première réunion a eu lieu vendredi dernier avec la direction de l’Inspection sanitaire et une seconde le dimanche, avec Paulette Lenert, la ministre de la Santé, et Taina Bofferding, la ministre de l’Intérieur, en présence du haut-commissaire à la Protection nationale et du directeur général du CGDIS. «Nous avons une obligation de sauvegarder la population en cas de problème de salubrité publique, mais nous devons savoir comment nous organiser en pratique dans la crise actuelle», poursuit le président.
Après la réunion de vendredi censée éclairer les représentants communaux sur le plan purement technique, ils ont éprouvé le besoin pressant de rencontrer les ministres responsables pour répondre à des questions d’ordre politique. Les partenaires ont trouvé un accord en ce qui concerne des cas déclarés de coronavirus dans les écoles.
Si un enfant est testé positif, il n’y a qu’une seule instance, en l’occurrence l’Inspection sanitaire, qui décide ce qui doit être fait. «La commune n’a rien à voir dans ce processus», déclare Émile Eicher. Il y aura toutefois l’installation d’un groupe de crise au niveau local dont le bourgmestre fera partie et ce sera à cette cellule de décider de la manière de communiquer avec les parents. Comme le ministère de l’Éducation nationale dispose de toutes les adresses des parents, c’est lui qui se chargera d’informer les parents et les élèves.
L’information concernant ce cas éventuel de contamination sera diffusée aussitôt via la presse et les réseaux sociaux, mais il y aura toujours quelques enfants qui se rendront à l’école. «Pour ceux-là, il y aura un groupe à l’école qui les accueillera jusqu’à ce que les parents viennent les chercher parce que plus aucun élève ni personnel ne devra être admis dans l’école, dans la classe ou dans un bloc», explique le président du Syvicol.
Un plan pandémie encore d’actualité ?
Il n’y a pas de règle générale, l’Inspection sanitaire procédera au cas par cas et décidera des mesures à prendre et des fermetures qui s’imposent, partielles ou totales. «Ce qui était important pour nous, c’est cette prise en charge des enfants la première journée», ajoute encore Émile Eicher.
Lors de ces échanges, il a également été question du plan de lutte contre la pandémie qui date de 2006 et qui contient un peu moins de 200 mesures. «Il faut voir s’il est encore d’actualité pour le bon fonctionnement des communes», s’interroge Émile Eicher. La Ville de Luxembourg a actualisé son propre plan, qui est «très bien», selon lui. D’ailleurs la Ville va le transmettre aux communes pour qu’elles s’en inspirent et le ministère de l’Intérieur a assuré qu’il les assistera pour mettre en place un tel plan.
En quoi consiste-t-il ? Il explique les obligations de la commune quant à ses infrastructures critiques, il donne des explications sur la cellule de crise, ses compétences, il contient tout un chapitre sur les mesures d’information et de logistique à prendre, il livre des conseils, une description des différentes phases selon les situations, une hiérarchisation des missions essentielles que doit assurer la commune. Les services d’hygiène, d’état civil, les crèches sont des services à garantir, tandis que d’autres peuvent être fermés.
Justement, quelles sont les consignes qui s’appliquent aux crèches ? Il y aura une réunion demain au ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse avec le ministère de la Famille et les représentants des crèches pour leur délivrer l’information nécessaire, selon Émile Eicher. Le président du Syvicol conseille de garder la tête froide et rappelle le rôle de la presse qui ne doit pas se lancer dans les spéculations, mais s’en tenir aux faits. «Il ne faut pas créer la panique, mais se tenir bien informé», dit-il. Le Syvicol, lui, a enfin été informé parce qu’il commençait à paniquer. Ou plutôt à s’énerver du manque de communication entre l’État et les communes.
G.M