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[CJUE] Le Luxembourg va devoir ouvrir le congé parental plus largement


Avoir besoin d'être en emploi au Grand-Duché au moment de la naissance de son bébé pour bénéficier d'un éventuel congé parental ? Ça ne sera plus le cas à l'avenir (photo d'illustration : Editpress).

La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a rendu jeudi une décision défavorable au droit luxembourgeois, quant à l’attribution du fameux congé parental (6 mois à salaire plein pour les revenus moyens) : il faut l’ouvrir plus largement qu’à l’heure actuelle, sans l’exigence que «le parent ait eu un emploi au moment de la naissance ou de l’adoption de l’enfant».

C’est un nouveau revers pour le Grand-Duché à propos de sa politique sociale, certes toujours avantageuses, mais souvent réserver à des catégories d’«insiders» du marché de l’emploi. Le Grand-Duché avait été épinglé pour sa façon de distribuer les bourses étudiantes aux enfants de frontaliers. Il a été encore récemment concernant l’attribution des allocations familiales d’enfants sans lien de filiation vivant sous le même toit que le frontalier.

Voici un nouveau pan qui s’écroule face aux droits européens : la façon d’autoriser la prise d’un congé parental. On le sait fantastique par rapport à la plupart des pays d’Europe : à gros traits, six mois par enfant à salaire plein pour les revenus moyens (en-dessous de 3 000 euros par exemple, voir le calculateur ici).

Trois conditions principales sont nécessaires pour cela :

• Etre affilié obligatoirement à la sécurité sociale luxembourgeoise sur base d’un contrat de travail au moment de la naissance ou de l’accueil du ou des enfants à adopter.

• Affiliation sans interruption pendant au moins douze mois continus précédant immédiatement le début du congé parental.

• Prendre le congé dans les six ans de la naissance de l’enfant (5 ans et 364 jours pour être plus précis…)

«Un droit social de l’Union qui revêt une importance particulière»

Si la CJUE n’a rien trouvé à redire sur la deuxième et la troisième condition, elle juge en revanche la première contraire «au droit individuel de chaque travailleur de disposer d’un congé parental.» Prenons l’exemple concret de Jean, papa d’une petite fille née en 2017, qui a signé un contrat de travail au Grand-Duché en 2019, et qui dépose une demande de congé parental pour janvier 2021 : il est bon sur la condition 2 et 3. Mais comme il n’était pas affilié à la sécu luxembourgeoise sur base d’un contrat de travail en 2017, c’est (injustement) perdu.

Ça sera désormais gagné, avec cette décision de la CJUE, rendu sur la base d’une demande de la Cour de cassation de Luxembourg (question préjudicielle posée pour rendre une décision conforme au droit européen) : «Un État membre ne peut pas soumettre le droit à un congé parental à l’exigence que
le parent ait eu un emploi au moment de la naissance ou de l’adoption de l’enfant ». La CJUE détaille par ailleurs : «le droit individuel de chaque parent travailleur à un congé parental en raison de la naissance ou de l’adoption d’un enfant reflète un droit social de l’Union qui revêt une importance particulière».

Cette décision «C-129/20XI/Caisse pour l’avenir des enfants» va faire date, sans aucun doute, et empêchera la Caisse pour l’avenir des enfants de trancher en un sens défavorable au non-détenteur d’un contrat de travail au Luxembourg lors de la naissance de leur bébé. C’est au juge luxembourgeois et on l’imagine au législateur par la suite de donner toute sa force à cette décision désormais, puisque la CJUE ne tranche jamais le litige national (en l’occurrence dans l’affaire,  une femme ayant eu des jumeaux…)

Une question demeure par ailleurs : quelle parade va tenter le gouvernement luxembourgeois pour contourner le droit européen ce coup-ci ?

Hubert Gamelon