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Agriculture au Luxembourg : «Les laiteries refusent le lait»


La Centrale paysanne en appelle à la solidarité de la population luxembourgeoise afin d'aider le secteur en consommant des produits issus de l'agriculture locale et nationale. (illustration archives Editpress/Alain Rischard)

L’agriculture luxembourgeoise souffre en raison de la pandémie. Pourtant le gouvernement n’aurait proposé que des placebos pour l’aider, selon la Centrale paysanne.

Les agriculteurs continuent de travailler malgré la pandémie. Si leurs conditions de travail sont préservées, ils commencent à sentir de plus en plus la pression des marchés européens. Notamment en ce qui concerne la vente de lait et de viande de bœuf, les deux plus importants produits de l’agriculture luxembourgeoise. «La demande a énormément baissé, explique Josiane Willems, la directrice de la Centrale paysanne, syndicat et chambre professionnelle. Le prix du lait a déjà baissé de 15 % et la poudre de lait a presque atteint le niveau d’intervention.» Il s’agit du prix à partir duquel l’intervention, l’achat par les pouvoirs publics, se met en route pour rééquilibrer le marché. Il joue donc un rôle de prix plancher dans l’espace communautaire. Certaines laiteries auraient d’ores et déjà annoncé ne pas pouvoir absorber le lait de tous les producteurs.

Les éleveurs de vaches à viande, comme leurs collègues éleveurs de vaches laitières, commencent à faire grise mine. «L’exportation de viande de bœuf issue du marché européen vers le marché asiatique est en forte baisse, poursuit Josiane Willems. Le marché luxembourgeois est réduit à néant par la fermeture des restaurants. On constate principalement que la vente des pièces de viande nobles a particulièrement reculé depuis le 15 mars.» Sans oublier la concurrence de la viande issue du Mercosur, beaucoup moins chère. La demande de viande de veau est également en chute libre. Seul le porc retirerait encore pour le moment son épingle du jeu. Il est encore difficile de chiffrer la perte financière des agriculteurs, mais «la pression sur les prix est grande».

«Une indemnité (…) superflue »

Leur situation étant alarmante, le ministère de l’Agriculture a, la semaine passée, fait état d’une série d’aides auxquelles ils peuvent avoir recours. La Centrale paysanne juge pourtant la démarche insuffisante et trompeuse. «Il s’agit d’indemnités et de mesures de soutien qui existent déjà dans les législations nationales et européennes et auxquelles les agriculteurs auraient de toute façon eu droit dans le cadre de la politique agricole, corona ou pas corona. Elles n’ont rien à voir avec la crise, alors qu’elles ont été présentées comme telles», indique Josiane Willmes. C’est notamment le cas des 25 millions d’euros promis. «Il s’agit d’indemnités de compensation des mesures de protection de l’environnement et du climat, ainsi que des aides à l’investissement dues depuis longtemps», précise la directrice. Idem en ce qui concerne l’aide financière en cas de maladie d’un ouvrier agricole. Cette mesure figure dans la loi agraire.»

«Il y a aussi cette indemnité de 5 000 euros pour les indépendants qui ont dû cesser leur activité professionnelle. Je rappelle que les agriculteurs continuent de travailler pour ne pas briser la chaîne alimentaire. Elle est donc superflue. Comme le chômage technique», poursuit Josiane Willems, «reste à régler le problème des saisonniers. Très peu de personnes ont profité de JobSwitch pour travailler chez un agriculteur.»

«Nous craignons que les prix s’effondrent»

Bref, le gouvernement n’est pas allé assez loin. «Avancer de l’argent à rembourser à crédit, je ne considère pas cela comme une mesure qui aide directement. Cela repousse juste une échéance que les agriculteurs ne sont pas certains de pouvoir honorer, indique la directrice. Nous craignons que les prix s’effondrent.»

Dans une semaine, la Centrale paysanne pourra procéder aux premières estimations chiffrées et réaliser l’ampleur du déficit du secteur. «Le jour où les laiteries ne voudront plus du lait de nos producteurs, la discussion prendra une autre tournure. Le lait devra être détruit et nous espérons que le gouvernement luxembourgeois mettra en place des aides dignes de ce nom.» Et ce, pour éviter que «les agriculteurs se retrouvent sans revenus et doivent fermer leurs exploitations». «Certains pourront compenser les pertes à coups de crédits, mais c’est une minorité, poursuit-elle. Beaucoup n’arriveront plus à couvrir les coûts de leur exploitation. Imaginez un agriculteur qui a 80 vaches laitières qu’il doit traire tous les jours pour rien…»

La Centrale paysanne en appelle à la solidarité de la population luxembourgeoise afin d’aider le secteur en consommant des produits issus de l’agriculture locale et nationale. Même si «cela ne permettra pas de compenser toutes les pertes et manques à gagner». «Des mesures doivent être prises au niveau européen pour stabiliser les marchés», indique Josiane Willems. Et de répéter : «Le gouvernement luxembourgeois doit donner aux agriculteurs plus que ce à quoi ils auraient de toute façon eu droit, corona ou pas.» Elle espère que le ministère de l’Agriculture et le gouvernement suivront attentivement la situation sur les marchés et prendront des mesures additionnelles pour protéger le secteur agricole et garantir sa survie.

Sophie Kieffer

 

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