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Accord Mercosur : débat très attendu au Luxembourg


Les organisations paysannes dénoncent les modes de production autorisés dans les pays du Mercosur. (illustration AFP)

Des députés s’emparent du sujet depuis que l’accord commercial avec les pays du Mercosur a été signé en juin dernier. Le débat au Luxembourg risque d’être animé et déjà l’opposition scrute l’attitude des verts.

Les organisations paysannes voient cet accord d’un très mauvais œil et ont déjà fait savoir il y a un mois qu’elles étaient opposées au traité conclu en juin dernier entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay). Elles dénoncent les modes de production autorisés dans ces pays et interdits en Europe dont l’usage de pesticides mais également des hormones, des activateurs de croissance via les antibiotiques.

Cet accord doit encore passer le cap du Parlement européen et des parlements nationaux et régionaux. Les Verts européens ne sont pas ravis du tout. «La conclusion de cet accord après les élections européennes est une provocation. L’urgence climatique est là et on fait tout ce qu’il ne faut pas faire. On sait qu’il faut diminuer les émissions de gaz à effet de serre et on conclut un accord pour importer chaque année 200 000 tonnes de viande qui participent à la déforestation», déclarait Michèle Rivasi, eurodéputée écologiste, au journal Libération.

« Inquiétudes sérieuses »

Le député chrétien-social Laurent Mosar, qui ne rate jamais l’occasion de chatouiller les écologistes en général et déi gréng en particulier, se déclare impatient d’observer le comportement des députés écolos quand le vote sera à l’ordre du jour. Les libéraux Gusty Graas et André Bauler avaient posé une question au ministre de l’Agriculture, Romain Schneider, pour connaître sa position sur ce traité, d’autant que Fernand Etgen, son prédécesseur, déclarait que cet accord risquait d’avoir des conséquences négatives pour l’agriculture luxembourgeoise.

Romain Schneider avait déjà fait part de ses craintes il y a un mois lors de la réunion des ministres de l’Agriculture et de ses «inquiétudes sérieuses concernant l’impact potentiel sur l’agriculture de cet accord». Et l’impact sur l’environnement ? «Le Luxembourg a annoncé que la question du respect des engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris sur le changement climatique serait primordiale», rappelle-t-il. Et d’ajouter que le Luxembourg veillera «à une mise en œuvre sans faille des contrôles, afin qu’aucun produit ne soit importé dans l’Union qui ne respecte pas les normes européennes».

C’est précisément de cela dont doutent fortement les opposants au traité avec le Mercosur. Laurent Mosar et Martine Hansen, sans viser l’accord, s’inquiètent de la déforestation massive de l’Amazonie qu’encourage le gouvernement Bolsonaro au Brésil. «Le gouvernement brésilien ne fait absolument rien pour s’assurer du respect des engagements de l’accord de Paris», relève le directeur de l’observatoire brésilien du climat dans le dernier rapport du GIEC à venir. Les deux députés chrétiens-sociaux demandent au gouvernement comment il compte agir pour limiter les dégâts de la déforestation que ne fera qu’amplifier un modèle tourné vers l’exportation.

Il existe des études d’impact réalisées par la Commission, mais selon certains chercheurs, ces études ne prennent que peu en considération les conséquences environnementales de tels traités. Dès lors, l’étude concernant le Mercosur, qui doit encore être réalisée et est attendue pour l’an prochain, ne pourra pas satisfaire les plus sceptiques.

Limiter les concessions agricoles

Selon Romain Schneider, l’étude travaille sur deux scénarios, une approche «conservatrice» avec moins de libéralisation des échanges et une approche «ambitieuse» avec un degré de libéralisation plus élevé de ceux-ci. L’étude illustre le potentiel des produits agricoles de l’Union sur le marché mondial, notamment pour les produits laitiers, la viande porcine et les vins. Mais l’étude montre aussi la vulnérabilité de certains secteurs face à un accès aux marchés européens. Il s’agit plus particulièrement des secteurs de la viande bovine, du riz et, dans une moindre mesure, des secteurs de la volaille et du sucre.

Le Luxembourg a demandé que les concessions accordées au Mercosur soient limitées et qu’une attention particulière soit donnée à la question du respect des normes européennes, phytosanitaires notamment. Par ailleurs, le Luxembourg a soutenu plusieurs initiatives appelant la Commission à mettre en place une enveloppe globale limitant les concessions agricoles pouvant être accordées dans cadre des accords commerciaux de l’Union.

«Selon la Commission, cette concession représente 1,2% de la consommation totale de bœuf en Europe (8 millions de tonnes par an) et la mise en place progressive du contingent devrait permettre aux agriculteurs européens de s’adapter», tente de rassurer le ministre. Par ailleurs, la Commission a promis de soutenir les agriculteurs européens à hauteur d’un milliard d’euros en cas de perturbations.

Le ministre informe que les autorités luxembourgeoises analyseront au cours des prochains mois l’impact que les concessions faites auront pour l’agriculture luxembourgeoise et s’assureront que les mesures prises pour mitiger les effets de l’ouverture seront suffisantes. Ce n’est sans doute que vers la deuxième moitié de 2020 que les gouvernements des États membres devront formellement prendre position en vue de la signature et de la conclusion de l’accord. Par la suite, le Parlement européen ainsi que les Parlements nationaux et régionaux compétents en la matière seront appelés à se prononcer. Voilà qui laisse du temps au débat de s’installer.

Geneviève Montaigu

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