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Rixe au couteau à Esch : le prévenu se défend avec son sang


Après avoir été poignardée devant un café avenue de la Gare, la victime s'était déplacée de quelques mètres. À l'arrivée de la police, elle était assise dans le rond-point avec le couteau planté dans le dos. (Photo : archives lq/Isabella Finzi)

Le témoin clé de la rixe sanglante, qui avait éclaté le 15 juillet 2018 à Esch, s’était évanoui à la barre avant les vacances judiciaires. Lors de la reprise du procès mercredi après-midi, il a confirmé ses observations. Or le prévenu nie avoir porté le coup de couteau…

Il y a des affaires où l’arme du crime disparaît. Impossible de remettre la main dessus. Tel n’était toutefois pas le cas le 15 juillet 2018 à l’issue de la rixe sanglante à Esch-sur-Alzette. Lorsque la victime, blessée, a été retrouvée par une patrouille de police dans le rond-point situé boulevard J.-F.-Kennedy, près de la Gare, le couteau d’une lame de 11 cm était toujours planté dans son dos. Il a dû être retiré sous anesthésie au CHEM. Ce n’est pas pour autant qu’il a permis d’identifier l’agresseur.

Pour que le prévenu Gilson V. (28 ans) se retrouve aujourd’hui sur le banc des prévenus, les enquêteurs ont dû récolter d’autres indices. Il y a notamment le témoignage d’un homme qui déclare avoir observé toute la scène de ses propres yeux. Cet après-midi-là, il rendait visite à sa mère dans le quartier. Il affirme avoir vu le coup de couteau. C’est le témoin clé dans cette affaire. Mais c’est aussi à cause de lui que le procès avait été suspendu mi-juillet. Car alors qu’il était en train de témoigner à la barre, il s’était évanoui. Il avait fallu refixer une nouvelle audience après les vacances judiciaires. C’était donc mercredi après-midi.

«C’est lui qui a sorti le couteau»

Sur son souhait, c’est via vidéoconférence que cette audition a eu lieu. Assis dans une autre salle du tribunal, il a répondu aux questions. Les images de cette audition ont été projetées sur une grande télévision dans la salle d’audience. Sa mémoire était moins fraîche qu’il y a deux ans au poste de police. Mais il a confirmé les détails signifiants : la blessure à la main de l’agresseur et le fait qu’il était torse nu. Une description qui a son importance quand on sait que Gilson V. s’est plaint d’une blessure à la main à l’époque…

Le prévenu conteste toutefois avoir porté le fameux coup de couteau. Tout ce qu’il reconnaît, c’est avoir eu une altercation dans la nuit du 14 au 15 juillet avec la victime et l’avoir cherchée le lendemain pour lui donner un coup de poing. «Il m’avait cassé mes lunettes. Et sans elles, je n’arrive pas à voir.» «Et vous voyiez assez pour le reconnaître?», s’est intéressée la présidente. Visiblement, des connaissances l’avaient aidé dans ses recherches.

Toujours est-il que Gilson V. conteste avoir été armé cet après-midi-là. «C’est lui qui a sorti le couteau. Je voulais l’esquiver, mais il m’a touché à la main.» C’est la raison pour laquelle il avait retiré son t-shirt sur les lieux… pour panser sa plaie. «Je perdais beaucoup de sang.» Or ce n’est pas tout à fait ce que le témoin déclare avoir vu : celui qui était torse nu a porté le coup de couteau…

Confronté à ce détail, le prévenu n’a pas démordu de sa version. «J’avais les mains pleines de sang. Si c’était moi qui avais porté le coup de couteau, il y aurait mon ADN. Comment ai-je pu poignarder quelqu’un sans laisser de traces?» Voilà son refrain à la barre de la 13e chambre criminelle. Et pourtant, l’un n’exclut pas l’autre. S’il est vrai que sur le manche noir de l’arme, seul le profil génétique de la victime a pu être mis en évidence, pour l’expert, il y a potentiellement un autre contributeur. Mais ces traces étaient en trop faible quantité pour permettre une identification…

Des traces ADN sur la chemisette

En revanche, l’expert en identification génétique avait pu mettre en évidence les traces ADN du prévenu sur les vêtements de la victime. «Pourquoi retrouve-t-on votre ADN sur un morceau de chemisette dans le dos?», voulait donc savoir la présidente. Sachant que la victime portait une veste en cuir au moment de l’agression – la preuve : elle a été transpercée par le couteau – se pose la question de savoir comment le sang de Gilson V. a bien pu arriver à cet endroit. Ses traces avaient également été retrouvées sur la pointe de la chaussure gauche de la victime. «J’ai perdu beaucoup de sang. J’étais en panique. J’ai fait des gestes avec ma main», dira le prévenu. Ses explications à la barre ne lèveront toutefois pas toutes les interrogations. Loin de là.

« Pourquoi n’êtes-vous pas resté sur place? »

«Si vous-même avez été agressé, pourquoi n’êtes-vous pas resté sur place?», tentera de comprendre le représentant du parquet. À l’arrivée de la police, Gilson V. avait en effet quitté les lieux. «Qui d’autre pouvait vouloir du mal à la victime cet après-midi-là?», demandera, par ailleurs, le parquet.

Pour la défense, le témoignage et les traces sur les vêtements ne permettent toutefois pas de conclure à l’abri de tout doute que Gilson V. a porté le coup de couteau. «La trace sur la chemisette n’est pas à proximité immédiate de l’endroit où le couteau est rentré», a argué Me Frank Wies dans sa plaidoirie. Toujours selon l’avocat, il est difficilement imaginable qu’en étant blessé à la main son client ait pu manier avec force l’arme du crime. Le couteau avait en effet transpercé la veste en cuir de la victime avant de sectionner la 9e côte et de toucher la cavité abdominale. La conclusion de la défense : Gilson V., qui depuis son arrestation se trouve en détention préventive à Schrassig, doit être acquitté.

Pas sûr que le parquet partage ce raisonnement. Pour rappel, le prévenu est en premier lieu poursuivi pour tentative d’assassinat. Rendez-vous donc ce jeudi après-midi pour le réquisitoire.

Fabienne Armborst

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