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Procès LuxLeaks : peines réduites en appel pour Deltour et Halet, Perrin acquitté


Raphaël Halet, Edouard Perrin et Antoine Deltour, devant la Cour d'appel de Luxembourg, le 15 mars après l'annonce du verdict en appel. (photo Sy.A.)

La justice luxembourgeoise s’est prononcée ce mercredi après-midi en appel sur le sort des trois Français qui avaient mis à nu l’optimisation fiscale à grande échelle pratiquée par les multinationales via le Grand-Duché.

Antoine Deltour a écopé d’une peine de 6 mois sursis et 1 500 euros d’amende, Raphaël Halet d’une amende de 1 000 euros, et Edouard Perrin a été acquitté.

Deux des prévenus avaient soustrait en 2010 et 2012 des milliers de documents fiscaux confidentiels à leur employeur à Luxembourg, la société de conseil PricewaterhouseCoopers (PwC), détaillant les accords passés avec le fisc pour le compte de grandes entreprises. Antoine Deltour, 31 ans, et Raphaël Halet, 40 ans, avaient communiqué ces documents au journaliste Edouard Perrin, membre du consortium international de journalistes d’investigation ICIJ, l’organisation à l’origine des révélations du 5 novembre 2014 dites « Luxleaks ».

Reconnus dans le jugement du 29 juin comme lanceurs d’alerte, MM. Deltour et Halet avaient respectivement écopé en première instance de 12 et 9 mois de prison avec sursis, assortis d’une amende (de 1.500 et 1.000 euros), une peine dont ils avaient fait appel. Accusés notamment de violation du secret d’affaires et de blanchiment d’informations volées, ils risquaient jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.

Réquisitions plus clémentes

Le journaliste Edouard Perrin, qui avait utilisé les milliers de pages de documentation des deux anciens employés de PwC pour réaliser deux reportages diffusés en 2012 et 2013 sur France 2, poursuivi comme complice ou coauteur des faits, avait été acquitté en première instance, mais repris dans la procédure à la suite d’un appel général prononcé en été par le parquet luxembourgeois.

Lors du procès en appel qui s’est déroulé du 12 décembre 2016 au 9 janvier 2017 devant la cour d’appel de Luxembourg, le premier avocat général John Petry a requis des peines plus clémentes qu’en première instance.

Le représentant du ministère public avait proposé 6 mois de prison avec sursis pour M. Deltour, considéré comme le principal lanceur d’alerte pour avoir soustrait plus de 500 « rulings » (des accords fiscaux anticipés).

Et il avait requis une simple amende (au montant indéterminé) pour M. Halet, dont le rôle s’est avéré moins déterminant dans les révélations. La relaxe avait été une nouvelle fois proposée pour Edouard Perrin.

Une nouvelle fois les accusés ont pu compter sur un soutien populaire et politique au nom de la protection des lanceurs d’alerte. Les associations de soutien ont battu le rappel afin de créer le nombre devant les médias européens suivant le procès.

Plusieurs organisations non gouvernementales avaient manifesté lors de l’ouverture du procès en appel.

Des eurodéputés écologistes avaient d’ailleurs demandé un changement de la réglementation de l’UE pour permettre les actes de dénonciation d’abus opérés au sein des entreprises ou des collectivités.

Catalyseur

Le 5 novembre 2014, l’ICIJ avait publié sur son site internet 548 rescrits fiscaux liant l’administration luxembourgeoise à plus de 350 sociétés, ainsi que 16 déclarations fiscales.

Les documents avaient été respectivement soustraits par Antoine Deltour (le 13 octobre 2010 avant de quitter la firme) et Raphaël Halet (après le premier reportage en 2012 et alors qu’il était en contact avec Edouard Perrin).

Le scandale avait poussé le gouvernement luxembourgeois à battre en retraite sur l’échange transfrontalier de documentation fiscale et avait fragilisé l’ex-Premier ministre luxembourgeois devenu président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, fraîchement investi.

Les révélations de Luxleaks ont également servi de catalyseur à l’adoption de normes favorisant une homogénéisation de l’imposition des firmes multinationales à travers les pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).

Le Quotidien / AFP