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Procès en appel des millions détournés au Belval Plaza : «La peine de prison est cruelle»


Le ministère public reproche à l'homme d'affaires d'avoir détourné l'argent qui avait été mis à sa disposition afin d'acquérir des terrains sur les anciennes friches industrielles et d'y développer le projet Belval Plaza. (Photo : archives lq/Didier Sylvestre)

Depuis lundi, le procès des millions détournés lors de la réalisation du Belval Plaza occupe la Cour d’appel. En première instance, le dirigeant de Multiplan avait été condamné à 5 ans de prison, dont 3 ans avec sursis, et 100 000 euros d’amende.

«Je reste convaincu d’avoir agi légalement.» On se souvient des derniers mots de Cornelis V. (69 ans) à la barre face aux premiers juges. Dès l’ouverture de son procès début octobre 2018, le dirigeant des sociétés Multiplan, poursuivi pour avoir détourné près de 25 millions d’euros entre janvier 2007 et mars 2010, lors de la réalisation du projet Belval Plaza, avait déclaré ne pas être d’accord avec les reproches.

Lundi après-midi c’est en son absence que le procès en appel s’est ouvert. Le sexagénaire condamné en première instance à cinq ans de prison, dont trois ans avec sursis, et une amende de 100 000 euros, avait en effet fait parvenir un certificat médical. «Je demande à pouvoir le représenter», s’est adressé Me André Lutgen à la Cour d’appel. La présidente ne s’y est pas opposée : «Nous aurions préféré le voir et l’entendre, mais si vous estimez plus utile de verser un certificat médical et en raison des mesures de restriction du Covid, on vous autorise à représenter Monsieur.»

«Il fait des poussées de tension avec cette affaire»

Dans son jugement rendu le 31 janvier 2019, la 12e chambre correctionnelle avait non seulement condamné l’homme d’affaires pour abus de biens sociaux et blanchiment-détention, mais elle avait, par ailleurs, ordonné la confiscation d’environ 19 millions d’euros ainsi que d’objets d’art. Enfin, un peu plus de 120 000 euros devaient être restitués à leurs légitimes propriétaires.

Lundi après-midi, classeurs et documents s’empilaient sur les tables entre les robes noires. À côté des deux avocats du prévenu, il y avait ceux des six parties civiles qui avaient pris place. Toutes leurs demandes avaient été déclarées «non fondées» ou «irrecevables» pour absence de préjudice direct avec les infractions retenues contre le prévenu.

Elles aussi ont donc interjeté appel. Et leurs avocats étaient un peu surpris de l’absence du prévenu. «L’excuse du Covid compte moyennement. Il faudrait avoir une explication», a tenté d’en savoir plus Me Guy Loesch.

«Il fait des poussées de tension à chaque fois qu’on aborde cette affaire. Cette tension monte à 19 ou même plus. Vous direz que c’est le problème de beaucoup de prévenus… Mais je me suis permis de le dispenser de l’audience aujourd’hui», finira par expliquer Me Lutgen. Et d’ajouter : «Il pourra venir aux audiences subséquentes.»

«Normalement, on aurait commencé avec lui, il aurait pu fournir ses explications personnelles», dira la présidente. «Il fait des blocages dès qu’il doit parler de cette affaire. Ça bloque même avec ses avocats. Il est incapable de s’exprimer lui-même sur sa défense», précisera Me Mickaël Mosconi avant de se lancer dans la lecture d’une longue note de plaidoirie.

Le dossier regorge de sommes faramineuses. Les premiers juges ont notamment retenu le détournement de plus de 20 millions d’euros. L’enquête avait aussi mis au jour des frais de vin chiffrés à 29 000 euros, 330 000 euros d’œuvres d’art, 77 000 euros pour une Mercedes immatriculée aux Pays-Bas. Enfin, il y avait des frais d’hôtel et l’acquisition d’un avion et d’un hélicoptère. Mais pour ces deux derniers points le tribunal a acquitté le prévenu.

«Il a été puni jusque dans sa chair»

La ligne de défense pour le sexagénaire n’a pas changé. Comme en première instance, ses avocats plaident l’acquittement. «La peine de prison est cruelle au vu de la personnalité et l’état de santé du prévenu», a estimé Me Mosconi. Et de soulever : «Il a un passé professionnel bien établi. À aucun moment il n’a eu affaire à la justice aux Pays-Bas. (…) Si la fonction d’une peine est de punir, la procédure l’a déjà fait. Il a été puni jusque dans sa chair. Sa réputation est enterrée par cette procédure.» À titre subsidiaire, la défense a par ailleurs demandé la suspension du prononcé. Or cette mesure ne peut être ordonnée qu’avec l’accord du prévenu. «Il faudra qu’il se présente personnellement pour qu’on puisse lui demander», est intervenue la présidente. «Je propose qu’il vienne lundi prochain», a répondu Me Lutgen.

Mercredi 30 septembre, lors de la suite des débats, la parole sera aux parties civiles. La représentante du parquet général a d’ores et déjà laissé entendre qu’elle ne remettrait pas de fond en comble en question la décision de première instance. Le prévenu avait été acquitté de l’abus de confiance.

Fabienne Armborst