Le tribunal correctionnel s’est penché, jeudi, sur le tragique accident survenu début 2016 au Limpertsberg. À cause de la tempête, du matériel entreposé sur le toit d’un chantier avait chuté sur un ouvrier…
«Je ne pensais pas que le vent puisse bouger un paquet de cinq plaques d’isolation qui fait 40 à 50 kg. Une palette entière pèse même 250 kg.» C’est pourtant ce qui s’est passé le 9 février 2016. Vers 12 h 40, un des paquets entreposés sur le toit d’un chantier rue Lucien-Wercollier au Limpertsberg, emporté dans une rafale de vent, est tombé sur un ouvrier de 51 ans au pied de l’immeuble. Le casque qu’il portait ne l’a malheureusement pas sauvé face à la chute du matériel de 12 mètres. Touché à la tête, le quinquagénaire qui construisait un muret n’avait pas survécu à ses graves blessures. Il était décédé 13 jours plus tard à l’hôpital.
Dépêchée sur les lieux de l’accident, l’Inspection du travail et des mines (ITM) avait découvert quatre autres paquets de plaques d’isolation au sol. La clôture de chantier s’était aussi renversée. Que la situation au niveau météo était exceptionnelle ce jour-là ne fait pas de doute. MeteoLux avait lancé une alerte rouge annonçant des rafales de 90 à 110 km/h. Un peu plus loin, un arbre s’était abattu sur une voiture, se souvient le policier en charge de l’enquête.
La question sur laquelle la 12e chambre correctionnelle est amenée à se pencher aujourd’hui est de savoir s’il y a eu faute dans la manière d’entreposage du matériel. La société spécialisée en travaux d’isolation est poursuivie pour homicide involontaire. Le parquet lui reproche, par un défaut de prévoyance, d’avoir causé la mort de la victime. Pour le procès jeudi matin, la société était représentée par son gérant technique. L’homme de 54 ans indique avoir envoyé avant la tempête un chef d’équipe sur le chantier afin de vérifier l’entreposage des plaques sur le toit.
«C’est la faute à pas de chance»
Les palettes avaient été livrées dès le mois de novembre. Pour une question pratique, elles avaient été directement placées sur le toit, où l’entreprise en avait besoin. Mais en raison des intempéries, elle n’avait pu effectuer les travaux. Emballés dans du plastique, les panneaux étaient donc toujours empilés à 12 mètres du sol… jusqu’à l’arrivée des rafales.
Qui avait fixé la ficelle bleue, découverte après le drame et qualifiée par l’enquêteur comme «un peu une situation de fortune», le gérant ne pouvait le dire. «Après l’accident, on a sécurisé les plaques avec des moyens plus importants», a-t-il assuré aux juges.
«C’est la faute à pas de chance», a estimé Me Grégori Tastet. L’avocat de la défense s’est dit surpris que seule la société d’isolation se retrouve aujourd’hui sur le banc des prévenus. Selon lui, l’entreprise de construction pour laquelle travaillait la victime a aussi sa part de responsabilité dans l’accident. «Elle n’a pas jugé utile de garder ses ouvriers à la maison lors des intempéries», a-t-il plaidé sollicitant l’acquittement.
Un raisonnement que la parquetière ne partage pas : «L’ouvrier réalisait des travaux d’aménagement extérieurs. Il ne travaillait pas en hauteur. Il se trouvait à 2-3 mètres du trottoir. Les plaques auraient tout aussi bien pu toucher un piéton pas impliqué dans le chantier.»
Une amende de 20 000 euros requise
Pour le parquet qui s’appuie sur le rapport de l’ITM, il ne fait pas de doute que «le matériel entreposé sur le toit n’était pas suffisamment sécurisé» : «La ficelle bleue n’était pas adaptée pour retenir les paquets en cas de vents forts.» Le parquet relève aussi qu’avant le drame, les ouvriers n’avaient suivi aucune formation de sécurité au chantier. «Il y a une faute qui a été commise. Une faute qui a conduit à l’accident, puis au décès de la victime», résumera sa représentante. Elle demandera de retenir la responsabilité pénale de la société d’isolation. Une amende de 20 000 euros a été requise.
Prononcé le 6 février.
Fabienne Armborst