Il a été condamné à une amende de 3 000 euros pour ne pas s’être tenu aux obligations de vigilance en matière de lutte antiblanchiment. En instance d’appel, l’avocat espère échapper à la peine. Le parquet général ne s’oppose pas à une suspension du prononcé.
La Cour d’appel a été intransigeante mardi après-midi. Ce n’est pas parce qu’il est avocat de profession qu’il a eu le droit de s’asseoir au premier rang aux côtés de son défenseur. Sa place durant les débats, c’était sur le banc des prévenus.
Comme lors de son procès en première instance, le quadragénaire était assisté par un confrère. Âgé de 46 ans, il ne le cache pas. Cette affaire lui pèse. Car non seulement il a été condamné à une amende de 3 000 euros («Une peine surfaite par rapport à ce qu’on me reproche.»), mais il y a aussi la «problématique de l’inscription au casier judiciaire».
«Je ne mérite pas de figurer au casier judiciaire. C’est un déshonneur. Pour moi, c’est compliqué. Je suis avocat… depuis 2002. Se retrouver ici, comme ça, ce n’est pas un exercice facile pour moi.» Et d’insister : «Je n’ai commis aucune faute volontaire.»
Le ministère public lui reproche de ne pas avoir respecté la loi du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme. Ainsi n’aurait-il pas accompli certaines obligations de vigilance à l’égard d’un client afin de prévenir et d’empêcher la réalisation d’opérations liées au blanchiment.
On se situe en 2012. Le contexte : un rabattement de faillite. À l’époque, un client dont la société est tombée en faillite pour non-paiement de TVA le contacte. Et il le charge de relever opposition. Sur son compte tiers, l’avocat reçoit trois virements de respectivement 7 000, 2 500 et 2 000 euros, soit 11 500 euros au total. Les extraits de compte sont alors communiqués au curateur, au tribunal… «Il n’y a eu personne qui n’a pas accepté les fonds. Mon client devait-il avoir une approche plus soupçonneuse?», s’interroge Me Lydie Lorang aujourd’hui. Elle a repris la défense du prévenu après le premier procès.
«L’avocat marche sur un champ de mines»
Et à ses yeux, «l’article sur base duquel il a été condamné n’est pas suffisamment précis» : «La loi aurait dû définir ce qu’il faut entendre par “mesures appropriées et procédures adéquates”. Le justiciable ne sait pas ce qu’il doit faire.» Voilà pourquoi Me Lorang plaide l’acquittement. Et de poursuivre : «L’avocat marche tout le temps sur un champ de mines. Il est condamné, car il s’est trompé sur son appréciation.»
Un argument que le parquet général balaiera d’un revers de main. «La question de l’adéquation ne se pose pas. Car aucune mesure n’a été prise.» À l’époque, l’avocat aurait dû se tenir aux obligations imposées par la loi antiblanchiment. «Il devait avoir des soupçons. Il aurait dû vérifier…»
L’autre infraction pour laquelle il a été condamné avait été mise au jour lors d’une perquisition en 2018. Il est question de deux domiciliations. Mais sans procédure de vérification. «Il a fourni un siège à deux sociétés, mais n’a pas fait d’analyse des risques», récapitule le représentant du parquet général. La défense, qui ici aussi estime que le texte de loi par rapport aux délits reprochés est imprécis, a proposé de poser une ou deux questions préjudicielles à la Cour constitutionnelle. Pour le parquet général, cette demande n’est pas fondée.
L’Ordre des avocats présent au procès
Il demande la confirmation de la condamnation. Les premiers juges avaient prononcé une amende. Il ajoutera toutefois : «Mais je peux très bien vivre avec une suspension du prononcé.» Ce qui signifierait que la culpabilité de l’avocat serait bien retenue, mais aucune peine prononcée. Cette mesure a l’avantage qu’il n’aurait pas d’inscription au casier judiciaire.
Lors du procès en première instance, l’Ordre des avocats s’était constitué partie civile. Il s’est vu allouer l’euro symbolique. Le barreau présent, mardi après-midi, par la voix du bâtonnier de l’époque, Me François Prum, a rappelé que l’avocat sur le banc des prévenus a déjà fait l’objet d’une réprimande en janvier 2019. «Je pourrais concevoir que la réprimande est une sanction suffisante», a-t-il fait savoir.
La Cour d’appel rendra son arrêt le 11 mai.
Fabienne Armborst