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Ils auraient exploité une Philippine : «Elle n’a pas été traitée comme une esclave»


La plaignante réclame 29 000 euros au titre du préjudice moral et une indemnité de procédure de 1 500 euros. (illustration Fabrizio Pizzolante)

Le tribunal a entendu, mercredi après-midi, le couple poursuivi pour avoir exploité durant cinq ans chez lui une quinquagénaire originaire des Philippines. Les époux contestent les accusations.

«Si la police n’était pas intervenue, elle serait toujours chez vous aujourd’hui» C’est la question que la présidente a fini par lâcher en entendant les déclarations des deux époux à la barre. Les prévenus de 49 et 50 ans sont poursuivis pour avoir exploité chez eux une quinquagénaire originaire des Philippines. Les faits reprochés remontent de fin 2012 à juillet 2017. C’est la date à laquelle la police luxembourgeoise a été saisie de l’affaire sur laquelle planche depuis mardi la 13e chambre correctionnelle.

Qu’il ait ramené Lena* à la suite d’un voyage aux Philippines, le couple ne le conteste pas. «On était proches. Elle voulait venir en Europe», relate l’épouse. Il semble qu’à l’époque la situation aurait arrangé un peu tout le monde. «J’avais accouché en 2011. Comme j’avais des problèmes de santé, j’avais besoin de quelqu’un qui m’aide et à qui je puisse faire confiance», poursuit-elle. Et de soulever qu’ils avaient respecté les règles du visa touristique. C’est-à-dire qu’au bout de trois mois Lena devait rentrer chez elle avant de revenir.

Toujours est-il que fin décembre 2015, quand Lena n’a plus été en possession d’un visa valable, elle n’est pas rentrée. L’explication du couple à la barre : «Elle ne voulait pas.» L’arrivée en Europe d’une autre Philippine avec qui elle s’entendait bien n’aurait pas arrangé les choses. «Vous auriez pu mettre Lena à la porte. Car en continuant à l’accueillir chez vous, vous avez soutenu son séjour irrégulier», constate la présidente.

«Elle ne voulait pas partir»

«On voulait qu’elle parte. Il y a eu des disputes entre nous. Mais elle pleurait. Elle ne voulait pas partir», renchérit l’époux.

– «Peut-être que ce n’est pas si facile quand on connaît bien quelqu’un. Mais vous auriez aussi pu appeler le 113.» Le tribunal ne manquera pas non plus de confronter le couple aux témoignages livrés en début d’audience par plusieurs voisins. La plupart ont eu l’impression que Lena n’était pas un «simple hôte», mais plutôt une «aide domestique». Ils l’avaient vue passer le balai, sortir les poubelles, porter les courses ou se promener avec les chiens.

Le couple conteste toutefois fermement l’avoir exploitée : «Pour nous, elle faisait partie de la famille. Elle pouvait faire ce qui lui plaisait.»

Selon la défense, impossible de retenir qu’elle ait été exploitée dans des conditions contraires à la dignité humaine. «Elle était libre de faire ce que bon lui semblait,d’être en contact avec sa familleou de parler aux voisins», argue Me Rosario Grasso. L’avocat demande l’acquittement de l’infraction de la traite des êtres humains. Et d’appuyer : «Il n’y a pas de preuve qu’elle ait travaillé de 5h à 23h.» En moyenne, elle aurait touché entre 80 et 300 euros par mois. Ce qui fait une aide-ménagère peu onéreuse. «Mais on ne peut pas faire abstraction du fait qu’elle était nourrie et logée», poursuit Me Grasso.

La partie civile réclame 29 000 euros

Quant au fameux passeport que la police avait récupéré lors de sa visite au domicile du couple, il note : «Il était dans une armoire accessible à tout le monde. Donc on ne le lui a pas enlevé.» La plaignante s’est constituée partie civile par le biais de Me Ricotta-Walas. Elle réclame 29 000 euros au titre du préjudice moral et une indemnité de procédure de 1 500 euros. Si Me Grasso ne veut pas contester l’existence d’un dommage moral, il estime que la somme réclamée est largement surfaite. Au tribunal de décider s’il y a eu une infraction à la législation du droit du travail. Une chose serait néanmoins sûre : «Il n’y a pas eu d’humiliation. Et elle n’a pas été traitée comme une esclave.»

Pas sûr que le parquet partage ce même avis. Dès mercredi, il a donné lecture d’une série de SMS échangés en juin 2017 : «Nettoie bien la cuisine. Fait sortir les chiens. On a beaucoup de linge à laver… Il s’agit d’un paquet d’instructions.» Rendez-vous donc ce jeudi après-midi pour le réquisitoire du parquet.

Fabienne Armborst

*le prénom a été modifié

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