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Hameçonnage : 25 smartphones en deux semaines


Le représentant du parquet a estimé que chaque membre du trio avait un rôle bien défini.

Un trio est suspecté d’avoir acquis des objets pour les revendre avec de l’argent obtenu grâce au phishing. Ils sont aussi accusés d’avoir usé de faux papiers et identités.

Kamal, Hicham et Rachid collectionnent les fausses identités et les faux papiers (cartes d’identité, passeports et permis de conduire) qui vont avec. Ces ressortissants marocains les ont notamment utilisés pour cacher leurs identités lors d’achats frauduleux ou réserver des chambres d’hôtel à Luxembourg en mars 2021.

Il leur est aussi reproché d’avoir obtenu ou tenté d’obtenir les cartes de crédit et leurs codes d’accès à l’aide de mail d’hameçonnage. Ils introduisaient ces données dans leurs smartphones sur des applications et achetaient des téléphones, des ordinateurs portables, des parfums et des vêtements, entre autres. Le tout pour 44 823,66 euros.

Faux et usage de faux, escroquerie et tentative d’escroquerie, fraude informatique, organisation criminelle ou association de malfaiteurs, blanchiment d’argent… la liste des infractions qui sont reprochées aux prévenus âgés de 28 à 40 ans est longue. Mais il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg.

Le concierge de l’hôtel au Limpertsberg, en vérifiant une des chambres que louaient les prévenus, tombe sur une quantité importante de matériel informatique et de smartphones encore emballés. Il trouve cela louche et prévient la police. La machine judiciaire se met en route.

Kamal, Hicham et Rachid tentent de se faire passer pour des touristes, des personnes en recherche d’emploi et se rejettent la faute, explique l’enquêteur de la police à la barre de la 16e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.

Les policiers font le tour des commerces, rassemblent les preuves visuelles, obtiennent les vraies identités des prévenus auprès d’Interpol, retracent les numéros de comptes utilisés et l’origine des faux documents. «Certains ont été commandés quand ils se trouvaient au Luxembourg et livrés par coursier», estime le policier.

Les téléphones et l’ordinateur du trio parlent et révèlent l’ampleur de ses activités. Photographies et vidéos montrent les ateliers où sont produits les faux papiers ainsi que les faux documents et les données bancaires, des discussions font allusion à leur production et à des techniques d’hameçonnage, des programmes informatiques utilisés pour faciliter l’hameçonnage sont trouvés, les e-mails frauduleux envoyés ainsi que les pages vers lesquelles ils renvoyaient pour saisir les données bancaires également. Les données volées et les faux documents leur permettaient d’acquérir des biens qu’ils sont suspectés d’avoir voulu revendre.

«Des faits exceptionnels»

Après avoir félicité l’enquêteur pour son brillant travail d’investigation, le président a donné la parole aux prévenus qui regrettent, disent que c’était la première fois et que «la prison est horrible».

«Dans le quartier où j’ai grandi au Maroc, beaucoup de gens le font. Cela permet d’avoir de l’argent facile et on ne pense pas aux conséquences», explique Kamal. «Avec vos connaissances en informatique, vous n’aurez aucun mal à trouver un travail honnête», note le président qui ne croit pas que «c’était la première fois qu’ils commettent les infractions qui leur sont reprochées».

Rachid, «qui semble être un professionnel des faux papiers», selon le juge, raconte avoir tout appris grâce à quelqu’un qui l’a aidé à rentrer en Europe avec sa famille. Hicham aussi prétend avoir agi pour sa famille. Il voulait des papiers pour travailler et n’aurait pas participé aux escroqueries. «Les deux premiers n’ont probablement pas dit toute la vérité, mais ce que vous nous dites est du grand n’importe quoi. (…) Vous étiez toujours avec les deux autres selon les témoins», lui rétorque le président. «Vous aviez les données bancaires sur votre téléphone.»

Les prévenus sont à considérer comme les coauteurs de toutes les infractions sauf une, selon le procureur. Hicham peut être écarté de l’envoi des e-mails. «Un certain degré de planification était nécessaire avant, pendant et après les faits», relève le magistrat. «Ils savaient qu’il était plus facile d’activer les cartes de crédit australiennes, ont ciblé les magasins et recherché les prix de revente des objets obtenus. La répartition des rôles était précise. Kamal était l’informaticien, Rachid le falsificateur et Hicham le revendeur.» Le trio a été interpellé avant d’avoir pu trouver des acquéreurs.

Il a retenu l’association de malfaiteurs et a souligné leur «énergie criminelle». En deux semaines, ils ont acquis 25 smartphones. «Des faits exceptionnels» qui mériteraient, selon le magistrat, des peines de prison de 42 mois à l’encontre de Rachid et Kamal ainsi que de 36 mois à l’encontre de Hicham et des amendes appropriées. Il ne s’est pas opposé à un sursis partiel.

Maître Says, l’avocat de Rachid, conteste l’association de malfaiteurs présentant les prévenus comme des opportunistes qui ont joué tant qu’ils gagnaient. Il a plaidé en faveur d’un acquittement de son client de ce chef d’inculpation ainsi que d’une révision à la baisse du quantum de la peine et de l’assortir d’un sursis pour ne pas dépasser la durée de l’incarcération préventive. Me Hellinckx se rallie à son confrère. Il conteste l’utilisation de faux papiers et de port public de faux nom par Kamal.

Le temps venant à manquer, la plaidoirie de l’avocate de Hicham et les répliques du procureur ont été remises au 8 novembre prochain.

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