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France : Nordahl Lelandais se raconte, loin du fantasme du tueur en série


L'ancien maître-chien militaire a promis la vérité sur l'affaire Noyer, pour laquelle il est jugé jusqu'autour du 12 mai. (photo AFP)

D’une enfance commune à une vie professionnelle et sentimentale décousue, Nordahl Lelandais a calmement remonté le fil de sa vie aux premières heures de son procès pour la mort du caporal Arthur Noyer, loin du personnage mythomane, impulsif et coléreux évoqué par certaines expertises.

Enfant tranquille, adolescent sans histoire, militaire ni brillant ni défaillant, amoureux vagabond, partenaire sexuel actif, travailleur intermittent, fêtard : les témoins qui ont défilé au premier jour du procès devant les assises de Chambéry ont dépeint un homme ne ressemblant guère à un tueur en série.

L’ancien maître-chien militaire a promis la vérité sur l’affaire Noyer, pour laquelle il est jugé jusqu’autour du 12 mai. Nordahl Lelandais a admis avoir porté des « coups mortels » au caporal de 23 ans en 2017. Et a reconnu avoir tué « accidentellement » quelques mois plus tard la petite Maëlys, âgée de huit ans, affaire pour laquelle il devra de nouveau comparaitre devant les assises.

Lorsque Me Alain Jakubowicz rencontre pour la première fois son client en septembre 2017, il lui apparaît « comme une sorte de paumé, fruit de notre époque et de notre société », écrit-il deux ans plus tard dans un livre. « En dehors de sa passion pour les chiens et les motos, rien ne semblait l’intéresser », poursuit l’avocat de 68 ans. Sauf peut-être le sport, la nature et… « la cuisine ! », s’est exclamée lundi sa mère. Bien sûr, « ça me paraît tellement normal, la cuisine. »

« Normale », comme sa famille, son enfance… Lors de son audition, Christiane Lelandais décrit un océan d’incompréhension. « Il n’y a rien à redire sur cet enfant ». Alors cet acte, « je l’ai pas vu venir. »

« Il avait à peu près tout échoué »

Né le 18 février 1983 à Boulogne-Billancourt, près de Paris, Nordahl Lelandais arrive à 7 ans à Domessin, en Savoie, avant d’y redéposer ses valises à 22 ans, après quatre ans d’armée comme maitre-chien, une expérience raccourcie pour infirmité et conflit avec ses supérieurs.

Jusqu’à cette meurtrière année 2017, il vit autour de Chambéry (souvent chez ses parents) pendant 12 ans comme vendeur, manutentionnaire, ambulancier, lance sans succès en 2010 une entreprise de dressage canin, reprend des missions comme cariste en intérim. « A 34 ans, il avait à peu près tout échoué », résume en 2019 son avocat.

« En dehors de quelques compagnons de sortie, qui avaient fait leur vie et ne se souciaient plus beaucoup de lui, ses relations sociales se limitaient à la recherche de partenaires sexuelles sur les réseaux sociaux », écrit Alain Jakubowicz. Lundi, son client a parlé d’une « dizaine » de relations amoureuses dans sa vie, et corrige la cour quand celle-ci les retrace : « Pardon Monsieur le Président, ce n’était pas qu’une relation sexuelle, c’était une petite copine. »

L’enquête a établi qu’il utilisait deux lignes téléphoniques : l’une pour ses proches et sa famille, l’autre pour ses relations parfois sans lendemain, et, rarement, avec des hommes. Fin 2016, début 2017, d’une relation amoureuse à l’autre, quelque chose se brise : « je vagabonde » puis « j’envoie tout valdinguer », a-t-il dit lundi.

« Il vivait sans garde-fou »

Dans les semaines précédant cette nuit d’avril 2017 où il frappe à mort Arthur Noyer, il augmente sa consommation de cocaïne. Est-ce là cette « surenchère des excitations » – alcool, drogues, sexe – décrite dans le dossier par deux expertes psychologues comme preuve d’un besoin « de se situer dans une dynamique de toute-puissance radicale » ?

De cet homme, une autre expertise, psychiatrique, souligne « une tendance à la mythomanie », une « très faible tolérance à la frustration » et une « incapacité à éprouver de la culpabilité ». Elle exclut une altération du discernement.

Ces rapports, a pointé lundi Alain Jakubowicz, datent de 2018, quand, après sa reconnaissance en février de son implication dans la mort de Maëlys, il est hospitalisé à l’unité psychiatrique du Vinatier, près de Lyon, dans le cadre de sa détention provisoire.

Cinq mois d’une existence de « zombie », dit son conseil. Aujourd’hui « ce n’est plus le même homme ». A l’aumônier de la prison de Saint-Quentin-Fallavier, où il est incarcéré, Nordahl Lelandais demandera d’aller pour lui sur la tombe de Maëlys. De lui, le prêtre a dit lundi : « Il vivait sans garde-fou. »

LQ/AFP

L’étrange audition d’une ex-petite amie

« Il cherchait à me tuer » : le dernier témoignage d’une matinée d’auditions consacrée aux ex-compagnes de Nordahl Lelandais a fait sensation mardi devant la cour d’assises de Chambéry mais a été mis en doute par l’accusation elle-même.

Connue dans la presse pour ses déclarations sous le pseudonyme de « Karine », la jeune femme a décrit à la cour un « agresseur ». Perdant ses mots au milieu de ses larmes, elle a affirmé être « terrorisée » par lui. « Karine » a indiqué avoir porté plainte à deux reprises contre lui et s’être rendue quatre fois à la gendarmerie à son propos. Elle a assuré que cette procédure était toujours en cours. L’avocate générale a cependant indiqué que ses plaintes avaient été classées sans suite et qu’elle en avait été avisée, alors que la femme au manteau blanc assure l’apprendre à la barre.

Prenant la suite, Alain Jakubowicz remerciera le ministère public de sa « loyauté » et lit une lettre d’amour de Nordahl Lelandais adressée à « Karine ». Son client, lui, regarde ses pieds. Plus tôt, le témoin avait décrit les « mensonges grotesques » de son homme d’alors. « Quand je l’ai connu, il était champion de France de boxe thaï; son père était médecin ».

« Je vais te faire bouffer le carrelage ! »

Elle raconte aussi, lors du délitement de leur relation fin 2016, début 2017, avoir tenté de prévenir une autre femme avec qui l’accusé flirtait : c’est un homme dangereux, « mythomane », qui enregistrait leurs dires.

La matinée s’était ouverte, avec moins de passion, par le témoignage d’une femme qui, de ses 17 à ses 20 ans – entre 2012 et 2015 -, a régulièrement vu Nordahl Lelandais dans sa voiture pour faire l’amour. « On se voyait. On savait ce qu’on avait à faire, et à la prochaine fois quoi », a-t-elle raconté, laconiquement, devant la cour.

Une autre, qui a vécu deux mois avec lui, l’avait rencontré du fait de leur intérêt commun pour les chiens malinois et raconte une « rupture dure et violente » avec Nordahl Lelandais. « On était sur la même longueur d’ondes », dit-elle, et de reconnaître une activité sexuelle intense et toujours consentie. En quelques mois, elle note l’arrivée de la jalousie, parfois de la frustration, avant qu’il ne la menace avec rage lors de la rupture. « Je vais te faire bouffer le carrelage ! », aurait-il alors déclaré. « Je n’ai pas porté plainte parce que j’avais peur. Il menaçait mes proches », a affirmé la jeune femme.

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