Accueil | Police-Justice | Fiduciaire contre deux femmes : «C’est un dossier de pur commérage»

Fiduciaire contre deux femmes : «C’est un dossier de pur commérage»


Selon la représentante du parquet, dans cette affaire, la qualification pénale est « un peu tirée par les cheveux ». (Photo Julien Garroy)

Voilà le fin mot du parquet dans le procès opposant une fiduciaire à deux femmes, au Luxembourg. La société leur réclame 14 000 euros de dommages et intérêts pour divulgation de secrets d’affaires.

En colportant certaines informations salariales à une ancienne collègue, la responsable RH d’une fiduciaire s’est-elle rendue coupable de divulgation de secrets d’affaires? C’est la question que devra trancher la 12e chambre correctionnelle. Début janvier 2019, avant même que la direction de la société ne communique les résultats des éventuelles gratifications – bonus de fin d’année, augmentation de salaire, promotion –, trois employées avaient été quelque peu étonnées qu’une ancienne collègue leur fasse état de ce qui les attendait, lors d’un déjeuner. À titre d’exemple, l’une d’elles devait recevoir un bonus de 6 000 euros. Une autre avait appris qu’elle obtiendrait une augmentation de salaire, sans toutefois connaître le montant exact…

«Des informations confidentielles des ressources humaines sont sorties de l’entreprise.» Pour les trois collègues, c’était une raison suffisante pour contacter le directeur des ressources humaines (DRH). Une enquête interne avait été diligentée. Et une procédure de licenciement contre la responsable RH qui avait divulgué les informations avait été entamée. Il s’était avéré que l’employée, censée préparer le tableau Excel, avait envoyé via WhatsApp les chiffres et annotations concernant les gratifications à l’ex-collègue.

Tant l’employée aux ressources humaines (entretemps licenciée) que l’ex-collègue sont visées par la citation directe lancée par la fiduciaire. «Un employeur dans cette situation ne peut agir autrement que de protéger ses propres intérêts et ceux de ses clients», a appuyé Me Rosario Grasso, lundi matin. La partie requérante chiffre son préjudice moral à 5 000 euros. Pour le préjudice matériel, elle réclame pour l’instant 9 000 euros de dommages et intérêts. Et d’insister : «Toutes les informations salariales sont utiles si l’on veut débaucher une personne. Cela fait partie des secrets d’affaires. Elles ont été divulguées à une ancienne employée travaillant chez le concurrent direct.»

«Un bonus de 6 000 euros, rien d’exceptionnel»

La partie adverse conteste toutefois la divulgation de secrets d’affaires. L’avocat parle d’une «histoire de rivalités et de jalousie entre salariées». Les informations divulguées n’auraient pas été si secrètes que cela. «Tous les salariés de la place peuvent être promus. Et un bonus entre 3 000 et 6 000 euros, ce n’est rien d’exceptionnel dans une fiduciaire de ce type», argue l’avocat qui plaide l’acquittement. Il n’y aurait pas non plus eu d’intention de nuire. «C’était une simple conversation privée entre anciennes collègues de travail.» Et enfin, la responsable RH n’aurait eu aucun intérêt à ce que les informations atterrissent sur la place publique. Elle n’aurait profité d’aucun profit. La preuve, elle avait été licenciée sur-le-champ.

Dans cette affaire, ce n’est pas la matérialité des faits qui est contestée. L’ex-collègue qui s’est présentée à la barre a d’ailleurs reconnu avoir reçu les informations et les avoir partagées. «Là où le bât blesse, c’est la qualification pénale», estime la représentante du parquet. D’après elle, la divulgation de secrets d’affaires est «un peu tirée par les cheveux». Car dans ce dossier, il n’y a aucun indice laissant penser que cette divulgation d’informations ait eu lieu dans un but de concurrence ou dans une intention de nuire au patron. Les informations auraient été demandées par «curiosité». On ne pourrait donc pas non plus parler d’abus de confiance.

La conclusion du parquet : «Il s’agit d’un dossier de pur commérage.» Peut-être y aurait-il eu violation de l’obligation de confidentialité… Mais cela ne constituerait pas une infraction pénale. Bref, à part acquitter les deux cités directs, le parquet ne voit pas d’autre solution. Que diront les juges?

Prononcé le 27 février.

Fabienne Armborst

 

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.