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Embrouille conjugale au tribunal


Difficile de s’y retrouver entre les deux versions des faits proposées par le prévenu et sa victime. Le juge leur a fait répéter plusieurs fois certains épisodes. (Photo : Julien Garroy)

Maria et Ivano sont difficiles à suivre. Eux-mêmes ne se comprennent plus. Ils ont définitivement fermé la porte sur une relation que les juges ont dû, non sans mal, arbitrer, mercredi.

Ivano est accusé de violences domestiques sur son ancienne compagne. Le 15 octobre 2021 au soir, Maria prévient la police après s’être disputée avec Ivano, son ancien compagnon. Le prévenu de 36 ans lui casse notamment son dentier et lui laisse un œil au beurre noir. Ce qui lui vaut un arrêt de travail de deux jours. La police décide de lancer une procédure d’éloignement domestique.

C’est la deuxième fois, selon cette femme de 44 ans, que le prévenu se montre violent à son encontre. Le 17 mai 2021, lors d’une fête d’anniversaire en Belgique, Ivano l’avait pincée à la jambe de jalousie, avance Maria, parce qu’«un beau jeune homme» l’avait un peu trop regardée. Maria l’accuse de l’avoir violée par la suite.

«Après la fête d’anniversaire, il est parti au Cap-Vert se marier avec sa cousine», ajoute Maria, qui a l’impression d’avoir été utilisée par le prévenu pendant les quatre ans qu’a duré leur relation. «Je l’ai ramené d’Espagne où il ne travaillait pas. J’ai financé une maison au Cap-Vert à son nom, on a acheté trois voitures à son nom.»

Dépitée, elle réclame une indemnité de 20 000 euros pour les coups reçus. Le président de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg lui rappelle que «le préjudice doit être en lien causal avec les infractions libellées par le parquet». La victime présumée est gourmande.

Sa décision était prise

Maria avait pris la décision de le mettre à la porte de leur domicile bien avant le 15 octobre 2021 et aurait attendu un bon prétexte pour passer à l’acte, se défend le prévenu qui «ne pouvait plus manger ni boire» parce qu’elle avait décidé de rompre. Le jeune homme est dégoulinant de romantisme comme dans un mauvais roman de gare. Son récit est difficile à suivre.

Ivano se serait confié à sa sœur par téléphone sur sa situation affective le soir des faits. Maria l’a entendu «dire du mal» d’elle de derrière la porte d’entrée de leur appartement. «Il a dit que je voulais un enfant de lui et que, heureusement, Dieu ne m’en a pas donné», explique Maria qui finit par faire irruption dans l’appartement, convaincue qu’il la trompe.

La situation dégénère. Ivano frappe Maria, selon la jeune femme. Maria tire Ivano par les cheveux qu’il portait longs à l’époque, selon le prévenu qui se serait retrouvé en caleçon dans la rue. Ivano nie les coups. «Si je comprends bien, c’est lui qui est la victime dans cette histoire», tente de résumer le président de la chambre correctionnelle. «Vous n’avez pas eu mal aux cheveux? Ou au cuir chevelu?»

«Il y avait des cheveux par terre», affirme le prévenu, qui assure avoir passé la nuit chez un ami sur les conseils de la police et être revenu au matin pour prendre ses affaires personnelles avec un ami que Maria aurait menacé «de retrouver au tribunal s’il ne quittait pas les lieux». Maria prévient la police une deuxième fois.

Ivano n’explique toujours pas d’où vient l’œil au beurre noir de son ancienne compagne. «Elle se l’est infligé elle-même et a cassé son dentier pour me faire culpabiliser», indique Ivano qui affirme ne pas avoir assisté à la fête d’anniversaire. «Je ne me suis pas non plus marié avec ma cousine», ajoute le prévenu. «Donc toute cette histoire est uniquement due à la jalousie de Madame qui s’est mis des choses en tête?», demande le président. La réponse est : «Oui!»

L’acquittement souhaité

La crédibilité du prévenu est mise en doute par le parquet. «Les blessures de la victime présumée sont corroborées par les policiers et par une attestation médicale», a noté sa représentante. «Elle n’a pas pu se les infliger elle-même.» La parquetière a estimé que les faits reprochés au prévenu étaient donnés et a requis une peine de 9 mois de prison à son encontre ainsi qu’une amende appropriée. Elle ne s’est pas opposée à un sursis.

Son avocat plaide, quant à lui, non coupable. «On veut le faire passer pour le conjoint violent», avance-t-il, et de demander l’acquittement. «Le témoin verse dans l’affabulation à bien des égards.» Maria serait coutumière de «crises d’hystérie» et poursuit le prévenu par le biais de SMS d’insultes et de menaces que l’avocat a versés au dossier.

«Ivano a été contraint de fermer ses comptes sur les réseaux sociaux pour couper tout lien avec elle.» La peine requise contre son client est trop élevée pour quelqu’un qui n’aurait fait que se défendre. Entretemps, il aurait assisté au mariage de sa cousine avec un autre homme.

Le prononcé est fixé au 14 juillet.