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[Album de la semaine] Dans la bulle de Tim Bernardes 


Dans «Mil Coisas Invisiveis», les mots coulent sans aucun effort, portés par des mélodies d’une grâce folle. (Photo : Psychic Hotline)

Cette semaine, Mil Coisas Invisiveis, de Tim Bernardes (folk/world). Sorti le 15 juin. Label : Psychic Hotline.

Et si, face au chaos moderne, la musique populaire brésilienne (MPB) agissait comme un antidote? Un peu de délicatesse dans un monde de brutes, voilà en effet qui n’est pas trop, touche d’autant plus appréciable quand les choses sont faites avec cœur.

Ainsi, le mois dernier, deux splendides bijoux sont venus tout droit de São Paulo, dissipant par une douceur à fleur de peau l’incertitude des temps douloureux : ainsi, il y a eu l’album Estrela Acesa de Sessa (alias Sergio Sayeg), sorte d’«étoile étincelante» coincée entre ciel et terre.

Dix jours avant, c’était Tim Bernardes qui, dans une infinie élégance, racontait la vie qui passe, douloureuse et magique. Un disque qui célèbre les détails du quotidien, ou plutôt les forces invisibles comme le suggère le titre, car selon lui, «l’illusion et la fantaisie sont les ingrédients» de l’existence.

Musicalement, la sienne a commencé en 2017 avec une première production déjà ambitieuse : soit Recomeçar, inspirée par la fin d’un amour et les nouveaux départs. Une collection de morceaux impressionnante, soulignée par des cordes et des lignes de guitares inspirées. Seul hic dans cette belle entrée en matière : une volonté de trop grande maîtrise, étouffant les chansons dans une structure pas assez flexible. Conséquence : aucune d’entre elles n’est mémorable, malgré, il est vrai, des moments épiques.

Tim Bernardes a promis qu’on ne l’y reprendrait plus et arrive cinq ans plus tard – sûrement plus mature – avec quinze titres d’une beauté à couper le souffle, ficelés comme jamais et qui, même pris indépendamment, gardent toute leur saveur.

Même s’il a collaboré avec certaines légendes du tropicalisme (NDLR : mouvement artistique né au Brésil à la fin des «sixties », influencé par le rock psychédélique occidental) comme Tom Zé et Gal Costa, le jeune auteur-compositeur, aussi multi-instrumentiste, s’affranchit du poids des traditions en se tournant vers la pop et le folk-rock anglo-saxons, comme le confirme sa récente association avec le groupe Fleet Foxes – il chante sur le titre Going-to-the-Sun-Road, morceau de l’album Shore (2021) du groupe nord-américain.

Une merveille de contrôle, de raffinement, d’exécution et de liberté (Caetano Veloso)

Un pas de côté qui s’observe par des harmonies baroques et une orchestration chatoyante. Le résultat? Un séduisant alliage, sorte de bossa-nova 2.0 qui convoque aussi bien l’esprit de Grizzly Bear que celui de Caetano Veloso. D’ailleurs, ce dernier ne tarit pas d’éloges sur le disque du talentueux musicien : «Une merveille de contrôle, de raffinement, d’exécution et de liberté», dit l’icône de la chanson brésilienne.

Ce n’est pas pour rien que Mil Coisas Invisiveis débute avec le bien nommé Nascer, Viver, Morrer. Naître, vivre, mourir : trois mots pour une vision limpide de la condition humaine, pensée qui traverse l’album de part en part, fait alors de méditations et de réflexions sur le temps qui passe, et surtout, comment l’utiliser.

Confidences de l’intéressé sur Bandcamp : «Tout au long de ma vie, j’ai été pratique, objectif. Mais après la tournée, j’ai remarqué que ma pensée rationnelle était saturée. Il fallait que j’aille chercher le sens des choses. Ma musique a fini par être une partie de mon développement personnel.» Une transformation qui s’appuie donc sur une importante spiritualité, avec des sentiments en pagaille : la passion, la souffrance, l’émerveillement, l’apaisement…

Omniprésent, à la fois à la guitare, au synthétiseur, au piano, à la base et aux percussions (il s’est aussi chargé des arrangements pour les cuivres et les cordes), Tim Bernardes, chef d’orchestre privilégiant la simplicité et la franchise des émotions, a su, malgré ses orientations modernes, rester au cœur de ses origines : «La musique brésilienne des années 70 a cette qualité d’écriture qui parle directement aux sentiments. C’est ce que me touchait vraiment à ce moment-là», confie-t-il.

Ici, en effet, les mots coulent sans aucun effort, portés par des mélodies d’une grâce folle. Comme flottant au-dessus, du haut de son nuage, un jeune homme à lunettes transmet ses bonnes vibrations à qui veut bien les recevoir. Faire la fine bouche, surtout aujourd’hui, serait regrettable.

 

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