Au 4e jour du procès du policier poursuivi pour avoir empoisonné sa sœur et son beau-frère chez lui à Bereldange en 2016, l’enquêteur s’est penché sur son comportement. Absence d’émotion et de tristesse.
Avec un calme impressionnant, Gilles L. semble avoir suivi l’intervention des secours dans son appartement à Bereldange, le 25 septembre 2016. Après avoir été pris d’un malaise fulgurant, sa sœur et son beau-frère, supposés partager le déjeuner ce dimanche avec lui, gisent au sol. Alors que l’équipe médicale tente le tout pour le tout pour les réanimer, lui reste impassible.
Il n’y a pas que l’enquêteur de la police judiciaire qui l’avait remarqué lors de son arrivée sur les lieux. Dans la suite des investigations, les pompiers, infirmiers, médecins ont tous été interrogés un à un. «Ce sont des professionnels qui ont l’habitude d’intervenir dans des situations de réanimation. Et ils sont unanimes pour dire que son comportement n’était pas normal», a résumé l’enquêteur de l’IGP vendredi matin. «Il ne manifestait aucune émotion en dépit du fait que sa sœur se trouvait dans un tel état», avait ainsi témoigné un médecin réanimateur du SAMU. Quand on lui avait annoncé la décision d’arrêter la réanimation, il n’avait formulé aucune objection. L’annonce de leur mort ne le secouera pas non plus. Et pourtant les victimes ont vécu «quelque chose de foudroyant», dira le premier urgentiste dépêché sur les lieux. En dix ans, il n’avait jamais vu quelque chose de pareil.
Il laisse les victimes seules à l’étage
Le pompier sur la grande échelle à l’extérieur croit avoir observé comment Gilles L. s’est à un moment retiré pour regarder une course de vélo à la télévision. Les premiers soupçons étaient apparus quand il avait accueilli les secours dans la rue. «Il laisse les victimes seules à l’étage alors qu’il a donné par téléphone tous les détails pour arriver au 4e étage…»
La position des victimes leur avait également parue bizarre : la sœur gisait au sol, sans blessure. Dans ces conditions, difficile de croire à une chute. Et le beau-frère se trouvait en position semi-assise contre un meuble. «Quand on se soucie de quelqu’un, on le tire de là. Au moins, on l’allonge sur le dos.»
Au final, Gilles L. réagira surtout quand il verra que les secours s’intéressent au contenu stomacal de son beau-frère… Mais cela sera plus de la nervosité qu’autre chose. Il y aura aussi la saisie de son portable et l’annonce que l’appartement serait mis sous scellés qui le sortiront de sa torpeur.
Autre élément suspect, selon l’enquêteur : ses tentatives de quitter le lieu du crime. Gilles L. avait notamment proposé d’aller contrôler la voiture de sa sœur. Il avait aussi envie de se rendre dans son logement à Roeser. Mais on l’avait stoppé. N’empêche qu’il avait réussi à se changer et à prendre une douche. Car il avait l’intention d’aller travailler.
Certains de ses collègues du CI Luxembourg ont également observé son absence de tristesse et de deuil. Il ne lâchera pas un mot sur la mort de sa sœur. Par contre, deux jours après, il proposera à un collègue d’acheter son appartement.
Du côté de l’entourage des victimes, on parle d’absence d’affinités et de quelques frictions entre frère et sœur au sujet de l’héritage de la mère décédée en 2014. Le projet de vente de l’appartement de Bereldange aurait fait l’objet de discussions. Bref, on aurait été bien loin d’un amour fraternel. «Un frère froid et bizarre», résumera un collègue du beau-frère. Et d’ajouter : «Il aime l’argent.»
Il n’y a pas que son comportement qui fait que Gilles L., 30 ans aujourd’hui, est vite devenu le suspect numéro un. Il est aussi loin d’avoir dit toute la vérité aux secours. Ainsi leur a-t-il longtemps fait miroiter la fausse piste de la liqueur de noix que le couple aurait bue au cours de sa randonnée à Vianden. Ce n’est que plus tard qu’il parlera de l’apéro au Get 27 et qu’il concédera quelques jours plus tard avoir versé des gouttes d’un flacon dans leurs verres. Mais jamais il n’aurait eu l’intention de tuer ses invités.
Pourquoi parler du pacs au lieu du mariage?
À plus d’une reprise, il affirmera aussi que sa sœur et son beau-frère étaient pacsés. Une déclaration qu’il maintiendra d’ailleurs tout au long de l’instruction. Pourtant le couple était marié. Et il avait assisté au mariage le 11 décembre 2015. Des photos le prouvent. Grâce à un SMS, les enquêteurs ont même pu retracer que sa sœur l’avait accompagné pour acheter son costume. Pourquoi donc réfute-t-il en permanence le fait de savoir qu’ils sont mariés? Tente-t-il de dissimuler un éventuel mobile? L’hypothèse de l’enquêteur : «S’il ne sait pas qu’ils sont mariés, il n’y a, selon lui, peut-être pas de raison de tuer son beau-frère…»
Le procès se poursuit mercredi.
Fabienne Armborst
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