Steve consomme de la pornographie depuis qu’il est en âge d’en louer à la vidéothèque. L’affaire qui occupait ce jeudi la 13e chambre correctionnelle devrait lui passer l’envie de continuer dans cette voie.
En juillet 2018, l’employée d’un service étatique tombe par hasard sur quatre images pédopornographiques sur un serveur informatique commun au service. La police est prévenue et remonte rapidement la piste de Steve. Le quinquagénaire est arrêté. Les ordinateurs sur lesquels il travaillait sont saisis, de même que du matériel informatique à son domicile. Les policiers trouvent près de 230 000 images diverses et variées, dont plus de 140 000 peuvent directement être classées dans la catégorie pédopornographie, sur trois ordinateurs et une clé USB. La pointe de l’iceberg, dira l’enquêteur en charge de l’enquête ce jeudi. Steve avait pour habitude d’effacer régulièrement le contenu téléchargé et de s’en procurer du nouveau au cours de longues séances de recherche sur divers réseaux sociaux et sur Tumblr qui serait, selon l’enquêteur, une plateforme d’échange pour ce type de matériel.
Tout aurait commencé en 2015. Surfant à la recherche de matériel pornographique, il serait tombé sur des images d’enfants en petite tenue. D’abord choqué, il n’aurait pas résisté bien longtemps à retourner les regarder malgré le sentiment de culpabilité qui l’animait. Selon l’expert psychiatre qui l’a examiné, ces images auraient éveillé en Steve une certaine excitation sexuelle qui l’amenait jusqu’à la jouissance. Au bout d’un an et demi, les images étaient devenues plus suggestives encore, voire ne laissaient, selon l’enquêteur, pas de place au doute quant à leur nature.
Steve aurait visionné ces images à son domicile et sur son lieu de travail où il dit s’être ennuyé. En tout, il aurait passé en moyenne quatre heures par jour de deux à trois fois par semaine jusqu’à ce que sa conscience l’arrête. Mais «le besoin devenait de plus en plus important, je ne contrôlais plus rien. J’en ai encore parfois envie», a-t-il indiqué à la barre de la 13e chambre correctionnelle ce jeudi. Steve avait pourtant cru pouvoir arrêter lui-même sans faire de bruit, sans que sa famille et ses proches ne soient au courant. Pendant trois ans, il n’y est pas parvenu. Il a fallu la découverte des images et l’intervention de la police. Depuis, il suit un traitement médicamenteux et une psychothérapie. La condition, selon l’expert psychiatre cité à témoigner, pour qu’il n’y ait pas de récidive. «On ne guérit pas d’un trouble pédophile, mais on peut éviter un passage à l’acte par le biais d’un traitement», estime-t-il.
«Il ne faisait que visionner»
Le quinquagénaire n’aurait lui-même jamais subi d’abus sexuel. Selon le psychiatre, Steve vivait une accoutumance à toutes sortes de formes de pornographies depuis sa majorité et une baisse de désir sexuel de la part de son épouse. «Il a besoin d’un support visuel pour pratiquer l’onanisme, son imagination ne suffit pas», a ajouté l’expert. Le prévenu aimait visionner des images de très jeunes filles dénudées dans des positions lascives et suggestives ou pratiquant des actes sexuels divers, mais n’aurait jamais ressenti le besoin de passer lui-même à l’acte en s’attaquant à l’une d’elles.
Un argument que met en avant son avocat, ainsi que le fait que Steve n’aurait pas attendu d’être placé sous contrôle judiciaire pour aller chercher de l’aide pour régler son addiction. «Il est honnête, il n’essaye pas de minimiser ses actes ou d’éviter d’en répondre», souligne l’avocat avant de demander une peine de prison la plus basse possible étant donné l’absence d’antécédents judiciaires de son client et ajoute que celle-ci devrait être assortie d’un sursis simple ou probatoire.
Pour la représentante du parquet, le fait qu’il «ne faisait que visionner (…) ne change rien au fait que la pédopornographie est un système qui exploite sexuellement des enfants et des jeunes mineurs». «Le fait de visionner ce type d’images encourage les actes de cette industrie», a-t-elle estimé. «La pédopornographie reste une infraction grave, même si Monsieur n’a que visionné et détenu des images.» Elle souligne également la durée et la fréquence de la consommation de ce type d’images par le prévenu ainsi que son besoin aujourd’hui encore, malgré son traitement, qui émerge encore parfois de l’aveux de Steve lui-même. Le parquet a donc requis une peine d’emprisonnement de 18 mois assortie d’une amende. Il s’oppose à un sursis simple, mais pas à un sursis probatoire assorti de la poursuite de son traitement.
Steve sera fixé sur son sort le 20 mai.
Sophie Kieffer