Lent défilé devant sa dépouille à Buenos Aires, chants de supporters à Naples, mausolée en Inde… La veillée funèbre de Diego Maradona s’est muée jeudi en hommage planétaire au lendemain de la disparition de l’icône, adulée bien au-delà de l’Argentine et du monde du football.
Dans le quartier de Boca à Buenos Aires, mais aussi en Europe à Naples et Barcelone, hauts lieux de la carrière du « Pibe de Oro » (« gamin en or »), l’émotion s’est emparée des anonymes et des grands noms du ballon rond, de Pelé à Lionel Messi, quelques heures après l’annonce mercredi du décès du champion du monde 1986, des suites d’un arrêt cardiaque. Il était âgé de 60 ans.
Une foule de supporters a passé la nuit Place de Mai, au centre de Buenos Aires, face à la présidence, entonnant des chants en hommage à leur idole.
Jeudi, ils étaient plusieurs dizaines de milliers autour du palais présidentiel pour le début de la veillée funèbre à 06h00 locales (09h00 GMT), avec l’espoir d’apercevoir la dépouille de l’ancien meneur de jeu, transportée sur place dans la nuit.
L’enterrement est prévu dès ce jeudi au cimetière Jardin de Paz, en périphérie de Buenos Aires, a précisé à l’AFP un porte-parole du joueur défunt.
« C’est un génie, c’est le peuple, c’est nous, c’est la vie et l’amour », s’est enflammé auprès de l’AFP Andrés Quintero, un restaurateur de 42 ans qui a fait deux heures de route depuis sa ville de Tigre pour rendre hommage à Maradona.
« Diego, je t’aime à jamais »
Avant l’ouverture des portes, des mouvements de foule se sont produits devant la « Maison Rose », siège de la présidence. Puis une longue procession a commencé à défiler devant le cercueil recouvert d’un drapeau argentin et d’un maillot floqué du N.10, certains applaudissant parfois.
« Diego, je t’aime à jamais », a crié, en sanglots, un des premiers supporters à pénétrer dans la chapelle ardente.
Claudia Villafañe, ex-femme de Diego Maradona, et leurs deux filles, Dalma et Gianinna, sont arrivées au palais présidentiel peu avant minuit, suivies de joueurs en activité ou retraités, notamment des coéquipiers du capitaine argentin au Mondial-1986.
Cette cérémonie de deuil, initialement prévue sur trois jours, doit finalement s’achever jeudi après-midi à 16h locales (19h
GMT), à la demande de la famille, a indiqué le président argentin Alberto Fernandez, qui a décrété trois jours de deuil national.
Un stade à son nom ?
Le décès de Diego Maradona, qui était très affaibli après une intervention chirurgicale pour un hématome au crâne début novembre, s’est produit mercredi « à 12 heures » (15h GMT), selon le procureur John Broyard. Les résultats préliminaires de l’autopsie indiquent qu’il est mort « d’un oedème pulmonaire aigu secondaire et d’une insuffisance cardiaque chronique exacerbée. Coeur avec cardiomyopathie dilatée », a-t-il précisé.
Des milliers d’admirateurs se sont rassemblés dans la nuit auprès des stades des clubs où Maradona a officié en Argentine: à Buenos Aires (Argentinos Juniors et Boca Juniors), Rosario (Newell’s Old Boys) ainsi qu’à La Plata, où il entraînait la formation de Gimnasia jusqu’à son décès.
En Inde, pourtant terre de cricket, l’Etat du Kerala a déclaré deux jours de deuil officiel et un hôtel où l’Argentin avait séjourné a été transformé en mausolée.
En Europe, Naples attendait fébrilement de revoir du football, jeudi soir: le match Naples-Rijeka en Ligue Europa (20h00 GMT) devait être synonyme d’hommage à Maradona, ancienne icône du club, qui avait offert au Napoli les deux seuls titres de champion de son histoire (1987 et 1990).
Jeudi matin, des supporters entonnaient des chants à sa gloire devant les grilles d’enceinte du stade San Paolo, qui étaient pavoisées d’écharpes bleu-blanc, de fleurs, de bougies et de pochoirs à l’effigie du numéro 10. L’enceinte pourrait bientôt porter le nom du joueur défunt, la municipalité ayant déjà évoqué cette idée. Et de nombreux Napolitains sont sortis dans la rue pour rendre hommage à leur idole.
« Maradona était notre loisir du dimanche, peu importe l’heure à laquelle il jouait, c’était un jour de fête. Quand il ne jouait pas, nous étions tous tristes », raconte Fernando Carfora, un chômeur de 46 ans.
Déluge de tristesse
Cette émotion planétaire symbolise l’aura de ce dribbleur hors-pair, bien au-delà des seuls passionnés de football, tant Maradona a marqué les esprits par ses exploits et ses excès, oscillant entre grandeur et flamboyance d’une part, déchéance, drogue et polémiques de l’autre.
Si la planète savait la santé du « Pibe de Oro » fragile, l’annonce de son décès a entraîné un déluge de tristesse dans le monde du ballon rond, où seul le Brésilien Pelé (80 ans) rivalise dans le classement informel des plus grands de l’histoire.
En Italie, le quotidien sportif La Gazzetta dello sport regrette « la mort du Dieu du football ». « Dieu est mort », titre en France L’Equipe.
En Espagne, Marca, le journal le plus vendu du pays, a viré au noir sa fameuse bannière rouge. Chaque page est numérotée « N.10 », d’après le numéro de maillot du génie argentin.
Même l’Angleterre, où Diego Maradona a laissé une image controversée en raison de son fameux but de la main face aux Anglais en quarts du Mondial-1986 (la « main de Dieu », selon les mots de Maradona), salue le génie du petit meneur de jeu.
« Passez outre la tricherie – si vous aimez vraiment le football, alors vous aimez Diego Maradona », conclut le prestigieux quotidien britannique The Times.
AFP