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Une « industrie » du kidnapping et de la torture dans le désert libyen


La Libye, en plein chaos, est sur la route de transit des migrants d'Afrique cherchant à gagner l'Europe. (illustration AP)

Dans le désert libyen, une « industrie » du kidnapping et de la torture est en plein essor, alerte Jean-Guy Vataux, chef de la mission « Libye » de Médecins sans frontières (MSF).

Route de transit des migrants d’Afrique cherchant à gagner l’Europe, la Libye est en plein chaos et la situation humanitaire s’y est encore détériorée depuis un an, selon le responsable de l’ONG. « En vingt ans sur les terrains de crise, c’est la première fois que je vois des conditions aussi dures. A MSF, nous arrivons à porter secours à la petite partie prisonnière des centres de détention officiels, mais nous n’avons toujours pas accès à ces énormes entrepôts informels où les migrants sont stoppés en chemin. Les témoignages laissent penser que les conditions y sont pires que dans les centres de détention », rapporte Jean-Guy Vataux.

Sans compter les blocages orchestrés par les réseaux mafieux. « Ils se moquent que les gens souffrent ou même meurent : le passage est payé d’avance. Leur ‘modèle économique’ ne dépend pas du bien être de leurs clients. Mais une autre activité se développe dans le désert libyen, spécialisée dans le kidnapping et la torture. Les réseaux sont différents de ceux de trafic de migrants : tous les gens libérés disent que les passeurs et les gens à qui ils paient la rançon ne sont pas les mêmes », explique le responsable.

Kidnappés, vendus, rançonnés

La population à la merci des criminels est « typique », d’après Jean-Guy Vataux : il s’agit de pauvres, migrants en transit ou travailleurs immigrés, incapables de se défendre. Ils « se font embaucher le matin sur un chantier, et le soir ce n’est pas l’employeur qui vient les chercher mais les kidnappeurs : ils ont été vendus par leurs patrons. Les kidnappeurs utilisent la technique inventée dans le Sinaï : vous prenez quelqu’un, vous le torturez, vous faites peur à sa famille éventuellement avec le téléphone allumé pour faire payer une rançon. La différence, c’est que là, c’est de l’industrie. Au lieu de prendre une personne riche, le fils du médecin ou du ministre pour retirer une grosse rançon, ils prennent les plus pauvres, énormément : les rançons vont de 1 000 à 3 000 dollars ».

Ceux qui ne peuvent pas payer meurent des suites des tortures, les autres ressortent en piteux état, « sévèrement mal nourris, anémiés, ou avec des traces de coups et blessures qui témoignent clairement de torture, des brûlures notamment ». Des gamins « vigoureux » qui finissent « cassés » et « n’arrivent même plus à parler ».

Pour MSF, le constat est simple : « Les Européens ont une stratégie d’endiguement vis-à-vis des migrants venant de Libye. Mais le respect des droits de l’Homme est impossible à court ou moyen terme dans ce pays. » Et l’hypocrisie s’est largement installée. « C’est une chose de dire la Libye, ça ne va pas, sans rien faire pour sortir les migrants de là, et autre chose de les y renvoyer. En termes moraux et politiques, on passerait d’un statut de passivité à de la complicité ».

Le Quotidien/AFP

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