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Pénurie de médicaments : les tensions sur la pilule abortive inquiètent en France


L'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds) a sonné l'alarme il y a quelques semaines. Photo : AFP

Aux États-Unis, l’accès à la pilule abortive fait l’objet d’une bataille judiciaire. En France, c’est une pénurie de médicaments qui menace d’en priver les femmes, malgré les dénégations du gouvernement.

L’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds) a sonné l’alarme il y a quelques semaines, en soulignant que dans plusieurs villes, comme Lille (nord) ou en région parisienne, le misoprostol a été ou est difficile, voire impossible à trouver dans les pharmacies.

L’interruption volontaire de grossesse (IVG) médicamenteuse consiste à prendre successivement deux médicaments : la mifépristone puis, 36 à 48 heures après, le misoprostol, nécessaire à l’expulsion de l’embryon.

En France, deux spécialités à base de misoprostol sont autorisées dans les IVG médicamenteuses et commercialisées par le laboratoire Nordic Pharma, aux capitaux largement américains: Gymiso et Misoone.

L’accès à ce médicament est « possible partout », a assuré mercredi le ministre français de la Santé François Braun. Soulignant qu’il y avait eu « une tension » mais « pas de pénurie », il a précisé que si on ne le trouvait pas en pharmacie, les centres qui pratiquent les IVG en ont toujours eu à disposition. « Il y a maintenant trois mois de stocks », a-t-il voulu rassurer.

L’agence du médicament (ANSM) a précisé mardi avoir été informée fin 2022 par Nordic Pharma de retards de fabrication pour sa spécialité Gymiso.

« Ce retard a entraîné une perturbation de la couverture des besoins en Gymiso, estimée à hauteur de 20%, qui a conduit à un report d’utilisation vers Misoone, auquel est venu s’ajouter un retard d’approvisionnement en matière première pour ce dernier », a-t-elle expliqué.

Dans ce contexte, l’agence souligne avoir mis en place un « contingentement » pour gérer au mieux les stocks disponibles, et une interdiction de vente et d’exportation de ces médicaments par les grossistes vers l’étranger dès lors que des risques de tensions étaient identifiés.

« Ces tensions sont en voie d’être résolues avec la distribution de plusieurs dizaines de milliers de boîtes de Gymiso la semaine dernière et de Misoone à partir de cette semaine », assure l’ANSM. En parallèle, « afin de consolider » les approvisionnements, « une importation de la spécialité Misoone italienne est également en cours ».

Situation américaine

« C’est bien que l’Agence du médicament reconnaisse enfin qu’il y a eu un problème ces dernières semaines », réagit Pauline Londeix, cofondatrice de l’observatoire OTMeds.

« Mais on attend de voir si réellement les pénuries sur ce médicament vont cesser. C’est en tout cas l’exemple de trop qui prouve qu’une ultra concentration du marché peut mettre en péril notre sécurité sanitaire », a-t-elle ajouté.

Son organisation, marquée à gauche, appelle à une relocalisation massive de la production de médicaments en France, estimant que l’éclatement de celle-ci en plusieurs pays contribue aux problèmes d’approvisionnement.

Au cours des derniers mois, des tensions ont pesé sur les stocks de plusieurs médicaments. Cet hiver, plusieurs antibiotiques, dont l’amoxicilline, étaient ainsi en rupture.

Début février, le ministre de la Santé avait annoncé un plan visant à prévenir toute future crise. Le gouvernement a notamment annoncé qu’il allait autoriser des hausses de prix pour certains génériques essentiels, afin d’inciter les fabricants à poursuivre leur production.

Cette fois, la pénurie touche au sujet sensible de l’accès à l’avortement, alors même que ce droit est en train d’être remis en cause aux États-Unis.

La Cour suprême américaine doit se prononcer mercredi sur la mifépristone, qui se retrouve au cœur d’un casse-tête judiciaire depuis qu’un juge a voulu suspendre la validité de cette pilule abortive largement utilisée dans le pays.

En France, en raison des pénuries, « l’accès à l’avortement risque d’être fortement limité, portant une grave atteinte aux droits sexuels et reproductifs des femmes », a alerté le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), rappelant que 70% des IVG sont médicamenteuses.

« La situation américaine fait planer la menace d’une pénurie liée à la constitution de stocks par les Etats américains qui cherchent à pallier un éventuel arrêt de la production et/ou de la commercialisation de la mifépristone et du misoprostol », craint le HCE.

Le Planning familial s’est aussi ému de la situation, appelant à des mesures « pour que l’accès à l’IVG ne soit pas restreint », tandis que des figures politiques de la gauche ont demandé au gouvernement d’agir en urgence pour « garantir ce droit des femmes ».

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