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Le Brésil dans la rue contre sa présidente


Environ un million et demi de personnes ont manifesté hier dans tout le Brésil contre la présidente Dilma Rousseff, empêtrée dans la crise économique et le scandale de corruption Petrobras.

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Des marches de protestation ont été organisées dans plus de 80 villes du Brésil. Officiellement lancée par des mouvements citoyens apolitiques, la grogne a surtout mobilisé la droite. Mais les nuages s’accumulent sur tous les fronts pour la présidente de gauche. (Photo : AFP)

À São Paulo, mégapole de 11 millions d’habitants et fief de l’opposition, une foule gigantesque en jaune et vert envahissait à perte de vue l’immense avenue Paulista et les rues adjacentes dans le centre-ville, entonnant l’hymne brésilien et réclamant, en grand nombre, la destitution de la présidente, réélue de justesse fin 2014 pour un second mandat. La police militaire y a d’abord évalué le nombre des manifestants à 240 000, puis à 580 000 et enfin à un million.

Certains portaient des tee-shirts sur lesquels était écrit « Basta ! Tous dans la rue, réveille-toi Brésil. Dilma dehors ! » « Nous voulons maintenant la destitution de Dilma Rousseff, a déclaré Rubens Nunes, un avocat de 26 ans, conseiller juridique du mouvement Brésil libre, à l’origine de cette manifestation officiellement apolitique. Il existe des fondements juridiques solides suffisants […]. Il est absurde qu’elle continue d’affirmer qu’elle ne savait rien » du vaste système de corruption au sein du groupe étatique pétrolier Petrobras qui éclabousse sa majorité parlementaire, a estimé Nunes. « C’est au minimum une grave erreur de gestion », a-t-il ajouté.

> Appels à une intervention de l’armée

La manifestation monstre de Sao Paulo se déroulait pacifiquement, à l’image des marches organisées depuis la matinée dans 83 autres villes de ce pays continent de 202 millions d’habitants. Selon des estimations de la police militaire, les cortèges, constitués à l’appel des réseaux sociaux de mouvements citoyens officiellement apolitiques, ont notamment rassemblé 45 000 personnes dans la capitale Brasilia, 24 000 à Belo Horizonte (sud-est), 15 000 à Rio de Janeiro. Des marches de moindre ampleur ont été signalées dans le nord et le nord-est, à Salvador de Bahia, Recife ou Belem, villes traditionnellement acquises au PT (Parti des travailleurs) de Rousseff.

À Rio, de nombreux manifestants réclamaient même que l’armée intervienne pour mettre fin à 12 ans de pouvoir du PT, le jour même où le Brésil célébrait le 30e anniversaire du rétablissement de la démocratie après une longue dictature militaire entamée en 1964. Ainsi, Rita Souza, une productrice de télévision âgée de 50 ans, arborait une pancarte réclamant une « Intervention militaire maintenant ». « Je ne demande pas un coup d’État, mais une intervention constitutionnelle pour appeler à de nouvelles élections propres, sans urnes électroniques, sans manipulations du PT. Qu’ils s’en aillent tous à Cuba ! », a-t-elle déclaré.

La popularité de Dilma Rousseff a chuté de 19 points en février à seulement 23 %, les nuages s’accumulant sur tous les fronts pour la présidente. La septième puissance économique mondiale est au bord de la récession. L’inflation accélère (7,7 % sur 12 mois), les déficits publics se sont creusés et le réal s’est déprécié de 30 % en 12 mois face au dollar. Revenant sur ses engagements électoraux, Rousseff s’est résolue à un ajustement budgétaire douloureux, critiqué par une partie de son propre camp politique.

> Le mouvement diffère de la fronde de 2013

À ce contexte, s’ajoutent les tensions avivées par les ramifications du vaste scandale de corruption qui ébranle le groupe étatique Petrobras et les principales entreprises du bâtiment et des travaux publics. La justice enquête sur 49 hommes politiques soupçonnés d’avoir touché des pots-de-vin de Petrobras, pour la plupart membres de la coalition au pouvoir, dont 22 députés, 13 sénateurs et 2 gouverneurs.

Dilma Rousseff a défendu le droit à manifester dans une vidéo postée sur Facebook. Elle avait souligné, il y a quelques jours, qu’il n’était pas possible d’organiser dans la rue un troisième tour électoral, qui supposerait une « rupture démocratique ». La gauche accuse l’opposition de velléités « putschistes ». Elle s’était mobilisée vendredi, à l’appel de syndicats et d’organisations proches du PT, au cours de manifestations convoquées pour défendre Rousseff, Petrobras et la démocratie, qui ont rassemblé 175 000 personnes, selon les organisateurs, 33 000, selon la police.

En juin 2013, un an avant le Mondial de football, le Brésil avait été secoué par une fronde sociale historique contre la corruption, le coût des grands événements sportifs et l’indigence des services publics. Lancé sur les réseaux sociaux par des jeunes des classes moyennes, ce mouvement qui visait l’ensemble de la classe politique différait toutefois des manifestations d’hier qui ont surtout mobilisé la droite.

AFP

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